Le 6 septembre, la Confédération accordait un crédit-cadre de 4 milliards à Axpo pour aider l'entreprise de production d'énergie à faire face aux fortes hausses de prix dans le secteur. L’entreprise énergétique pourra utiliser cette somme en fonction de l'augmentation du prix de l'électricité.
À la demande de Blick, la conseillère nationale, vice-présidente de l’UDC et entrepreneuse, Magdalena Martullo-Blocher, donne son avis sur cette aide accordée à Axpo, ainsi que sur la stratégie énergétique du gouvernement.
Madame Martullo-Blocher, votre parti s’oppose au plan de sauvetage. Ne devons-nous pas faire tout ce qui nous est possible pour avoir suffisamment d’électricité?
Si, nous le devrions. Mais nous ne le faisons pas. Ce parachute de secours ne concerne pas l’approvisionnement d'électricité destiné à la Suisse.
Que concerne-t-il alors selon vous?
La production et la vente d’électricité ne représentent plus qu’une petite partie des activités de ces groupes, surtout chez Axpo. Le commerce international a pris le dessus. Les opérations spéculatives de l'entreprise ont d'ailleurs atteint les 65 milliards en mars. C’est presque l'équivalent du budget fédéral! Entre-temps, l’électricité qu'Axpo a produite a déjà été vendue à l’étranger pour des années. Aujourd’hui, le casino spéculatif d’Axpo est presque à sec: la Confédération doit intervenir.
Vous dites cela comme si les liquidités dont dispose ou non Axpo n'étaient pas importantes.
Non, je dis que nous devons garantir la partie suisse d’Axpo. Avec le parachute de secours accordé par la Confédération, nous ne sauvons pas la production, mais la spéculation. Il s’agit ici aussi d’opérations à terme non couvertes avec lesquelles 2000 traders – imaginez un peu! – ont spéculé sans filet! Et le pire, c’est que ce commerce n’est toujours pas interdit! Axpo peut continuer de spéculer. Et la Confédération paiera.
Le Conseil fédéral souligne qu’il a examiné tout cela de près.
Oui, oui. Savez-vous quelle était la longueur du rapport à ce sujet?
Non, mais vous allez nous le dire.
Trois pages! Le tout bricolé à la va-vite pendant le week-end. Ce n’est pas un examen sérieux. La Confédération est partie du principe qu’il s’agissait de l’approvisionnement propre de la Suisse, bien que les magnats de l’électricité refusent depuis longtemps d’en assumer la responsabilité. La Confédération devrait poser des conditions: les risques doivent être réduits. Dans le cas d'UBS, la partie à risque a été transférée dans une Bad Bank (une entité financière spécialement créée pour traiter les actifs toxiques des autres banques et institutions financières, ndlr). Et ici? Rien du tout!
Il y a une interdiction de verser des dividendes. Mais surtout: votre collègue de parti Ueli Maurer a fait l’audit. Il est convaincu que le plan de sauvetage sera une bonne affaire pour la Confédération.
Cela dépendra de l’évolution des prix de l’électricité. Le Conseil fédéral se vante d’exiger 11% d’intérêts pour le crédit. Mais qui les paiera au final? Les consommateurs qui profitent d'un approvisionnement d'énergie de base. Les entreprises d’électricité sont sans scrupules. Leurs employés n’ont en tête que la maximisation de leurs propres bonus. Mais la cupidité des cantons en matière de dividendes est tout aussi grave.
Les cantons devraient-ils passer à la caisse?
Bien sûr que oui. Ils sont coresponsables. Les neuf cantons propriétaires d’Axpo doivent payer au moins une partie du sauvetage. Aucune banque ne pourrait agir avec aussi peu de fonds propres que les grandes entreprises d’électricité. Pourtant, personne n’a contrôlé ou exigé une gestion plus prudente. Les cantons ont fermé les yeux et ont tendu la main.
Quel devrait être le montant de la participation financière des cantons?
Un milliard de francs me semble une somme raisonnable. Cela doit aussi faire mal aux cantons.
Et vous voulez soulager le conseil d’administration d’Axpo de sa responsabilité?
Non, il a lui aussi des responsabilités. Je doute, en outre, que le conseil d’administration d’Axpo soit composé d’informaticiens et de spécialistes des télécommunications!
Deux d’entre eux sont membres de votre parti: le conseiller aux Etats Köbi Stark et l’ancien député argovien Martin Keller.
Je ne les exclus pas non plus. D’autres cantons n’ont même pas leurs propres représentants. Les plus grands cantons propriétaires ont encaissé chaque année 60 millions de dividendes. Mais le but d’Axpo n’a jamais été d’exploiter un casino. Il aurait fallu l’obliger, avec les autres entreprises énergétiques, à garantir l’auto-approvisionnement en électricité de la Suisse à des conditions avantageuses. Aujourd’hui, la Confédération cède au chantage d’Axpo.
C’est la conséquence de la libéralisation voulue par les partis bourgeois.
Nous n'avons jamais prôné de libéralisation totale. Les ménages privés et les petites entreprises ont toujours été dépendants des entreprises électriques locales avec des tarifs liés aux coûts. Pendant ce temps, les gros consommateurs pouvaient acheter de l’électricité à bas prix sur le marché libre. Mais ceux qui l’ont fait auraient également dû s’assurer. Les entreprises qui ne l'ont pas fait ne peuvent pas s’attendre à ce que tout le monde en fasse les frais. Si une entreprise ou une branche pèse sur tout le système, ce sont les cantons qui doivent la soutenir, pas la Confédération.
La ministre de l’énergie Sommaruga n’a pas seulement créé le parachute de secours, elle a aussi constitué des réserves d’eau.
La stratégie énergétique prévoit l’importation d’électricité en hiver. Comme l’Union européenne (UE) manque elle-même d’électricité, Madame Sommaruga se retrouve embêtée. Elle tente maintenant de s’en sortir avec de la poudre aux yeux et des pseudo-mesures. D'où son annonce en grande pompe de la réserve d’eau hivernale. Notre prix de l’électricité augmente encore ainsi de 1,2 centime par kilowattheure. Le total coûte environ 700 millions de francs! Conclusion: la réserve d’eau hivernale est chère et n’apporte pas d’électricité supplémentaire à la Suisse.
Mais elle fournit de l’électricité au moment où nous en avons besoin.
Cette quantité d’électricité ne profite en aucun cas à la Suisse. Elle a été vendue à l’étranger depuis longtemps.
Werner Luginbühl, le chef de l’autorité de régulation de l’électricité Elcom, dit que ce n’est pas vrai.
Renseignez-vous donc auprès d’Axpo et d’Alpiq!
La Confédération peut en outre décider que la quantité d’électricité convenue doit être livrée.
Mais elle ne le fait pas. Ce serait rompre les contrats avec l’étranger. Car vous oubliez la stabilisation du réseau électrique! Si le gaz, et donc l’électricité, vient à manquer en Europe, notre électricité hydraulique sera nécessaire pour stabiliser le réseau électrique européen.
En êtes-vous sûre?
Oui, car selon Ostral, l’organisation pour l’approvisionnement en électricité dans les situations extraordinaires, les consommateurs suisses doivent d’abord faire des économies avant que les contrats avec l’étranger ne soient plus respectés. L’Union suisse des arts et métiers (USAM) demande le contraire. Elle veut qu’en cas d’obligation de faire des économies, l’exportation d’électricité soit également réduite.
La Confédération ne le fera jamais.
Et je le comprends. Des demandes de dommages et intérêts combinés à moins d’importations d’électricité et de gaz pourraient en résulter. Actuellement, nous n’économisons que par solidarité avec l’Europe. Nous possédons encore suffisamment d’électricité propre. Mais en hiver, nous devrons importer. Nous dépendrons alors du fait que les Européens respectent eux aussi les accords. La stratégie énergétique 2050, avec son approvisionnement propre insuffisant et sa stratégie d’importation, a échoué. Madame Sommaruga doit enfin l’admettre et s’attaquer à l’approvisionnement à court, moyen et long terme!
Nous développons actuellement les énergies renouvelables plus rapidement.
Là aussi, on se voile la face pour rassurer les citoyens. On veut construire d'un coup 100 grandes centrales solaires dans les Alpes. Sans possibilité de recours. Mais les projets sont encore vagues. Même si on les construisait toutes, elles ne produiraient que deux térawattheures d’électricité. Nos centrales nucléaires en fournissent dix fois plus. Par-dessus le marché, on veut aussi remplacer toutes les énergies fossiles avec l’initiative sur les glaciers: pétrole, gaz et essence. Celles-ci représentent aujourd’hui plus de la moitié de notre énergie. Comment allons-nous faire cela? Avec l’initiative des glaciers, comme pour la stratégie énergétique, nous allons droit dans l’abîme.
Nous devons stopper le réchauffement climatique!
Oui, et on veut réduire les émissions de CO2 à zéro. Mais dans la pratique, c’est exactement le contraire qui se passe. L’Europe a recommencé à produire près de la moitié de son électricité avec du charbon! C’est pourquoi la technologie des centrales nucléaires doit être, à nouveau, sérieusement prise en compte.