Encore onze jours pour savoir si l’Union européenne (UE) va entrer dans une nouvelle période de turbulences maximales au sein des 27 pays membres. En rédigeant son discours sur «l’état de l’Union» prononcé ce mercredi matin 14 septembre devant les eurodéputés à Strasbourg, la présidente de la Commission européenne a sans nul doute buté sur un nom: celui de l’Italienne Giorgia Meloni. Et sur une date: celle des élections législatives italiennes le 25 septembre.
Ultime meeting électoral de Meloni
Coïncidence éloquente: la cheffe du parti d’extrême droite «Fratelli d’Italia», donnée favorite par les sondages avec environ 25% des suffrages, tiendra en effet simultanément son ultime meeting sur le port de Gènes. Elle rêve de défier Bruxelles à la manière de son allié hongrois Viktor Orbán et montera sur l’estrade vers 18 heures. Elle a pour objectif de galvaniser son électorat pour remporter ce scrutin décisif, et ainsi pouvoir accéder à la tête du gouvernement de la troisième économie de l’UE et de la zone euro, en remplacement de l’ancien patron de la Banque centrale européenne Mario Draghi, acculé à démissionner le 21 juillet.
En Suède, l’extrême droite aux portes du pouvoir
Deux femmes face à face. Tandis qu’une autre femme joue elle aussi, ce mercredi, son destin politique. C’est aujourd’hui que l’on connaîtra les résultats définitifs des élections législatives suédoises. Si la percée au-dessus de 20% des voix se confirme pour le parti d’extrême droite des «Démocrates de Suède» – comme cela semblait être le cas à la sortie des urnes dimanche soir – la majorité du parlement échappera à la Première ministre sortante sociale-démocrate Magdalena Andersson. Celle-ci devra alors laisser sa place à un gouvernement où le leader national populiste Jimmie Akesson fera une entrée en force.
A la tête de la commission à Bruxelles, Ursula von der Leyen, 63 ans, se retrouvera alors prise en tenaille au nord, au sud et à l’est, où les gouvernements polonais et hongrois bataillent toujours contre l’exécutif communautaire. Les peurs européennes l’auront emporté.
Les trois peurs européennes
La peur: tel est bien le terme qui définit le mieux l’ambiance qui règne ces jours-ci au-dessus de l’Union européenne, même si la réussite de la contre-offensive de l’armée ukrainienne rallume l’espoir d’une possible négociation avec un Vladimir Poutine affaibli.
Peur d’une crise politique au Conseil européen, l’instance représentant les 27, si l’Italie se cabre et se met à défier les institutions communautaires dont Giorgia Meloni exige publiquement le retrait dans de nombreux domaines. Si cette dernière se voit confier les rênes du palais Chigi, siège du gouvernement à Rome, le prochain sommet européen des 20 et 21 octobre à Bruxelles pourrait être celui de tous les dangers.
Peur économique, compte tenu des tensions énergétiques et de la chute continue de l’euro face au dollar, tandis que l’inflation atteint 9,1% en moyenne dans les 19 pays dotés de la monnaie unique. Lesquels n’échapperont pas à la récession en 2023 en cas de «rupture totale des livraisons de gaz russe», selon les propres termes de la présidente de la Banque centrale européenne Christine Lagarde.
Peur stratégique enfin, au vu de la très faible marge de manœuvre des Européens pris dans l’engrenage de la guerre en Ukraine, et de facto, otages de l’hyperpuissance des Etats-unis qui mènent le bal militaire à travers l’OTAN. Ursula von der Leyen ne peut pas non plus ignorer une autre coïncidence: la rencontre probable cette semaine des présidents russes et chinois en Ouzbékistan ou au Kazakhstan, deux pays d’Asie centrale où ils se rendront tous les deux. Preuve de l’importance de ce déplacement, le chinois Xi Jinping n’était pas sorti de son pays depuis la crise du Covid en 2020.
En résumé? D’un côté, un front occidental toujours menacé de se fissurer et d’être mis à rude épreuve cet hiver, même si «Fratelli d’Italia» et «Les Démocrates de Suède» sont résolument pro atlantistes et pro ukrainiens, à la différence de Viktor Orbán, qui ménage le Kremlin. De l’autre, un axe Moscou-Pékin de plus en plus affirmé, même si la retraite actuelle de l’armée russe risque d’ébranler la confiance de Xi Jinping dans Vladimir Poutine.
La confiance dans l’UE reste forte, mais…
C’est à ses trois peurs conjuguées qu’Ursula von der Leyen s'est efforçée de répondre, alors que les Européens s’interrogent. 65% d’entre eux sont optimistes sur l’avenir de l’Union européenne selon le dernier sondage Eurobaromètre réalisé en juillet, soit une augmentation de trois points par rapport aux résultats de janvier-février, avant l’agression de l’Ukraine par la Russie. 49% des Européens ont tendance à faire confiance à l’UE alors qu’ils sont seulement 34% à s’estimer bien défendus par leur gouvernement national.
Problème: 53% des personnes interrogées à travers l’Union s’attendent à une détérioration de l’économie. Et dans les deux plus grands pays de l’UE, le moral tangue: 34% seulement des Français et 46% des Allemands disent encore faire confiance à l’UE dans les épreuves actuelles.