Le patron de la Nati s'exprime
«Nous avons vivement recommandé la vaccination»

Quelle semaine agitée pour la Nati avant le choc contre l'Italie! Pierluigi Tami (59 ans), directeur des équipes nationales, est revenu sur l'affaire Xhaka et la recherche du nouveau sélectionneur.
Publié: 05.09.2021 à 10:32 heures
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Dernière mise à jour: 05.09.2021 à 11:00 heures
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Pierluigi Tami à la gare centrale de Zurich.
Photo: BENJAMIN SOLAND
Andreas Böni (Interview) et Beni Soland (Photos)

Pierluigi Tami, votre contrat expire l’été prochain. Allez-vous rester directeur des équipes nationales?
Nous avons eu une première discussion, nous voulons continuer à travailler ensemble. Il y aura d’autres rencontres au cours desquelles je présenterai mon concept pour les années à venir.

Vous avez vécu un été intense. D’abord l’Euro, puis le départ de Vladimir Petkovic pour Bordeaux et la recherche d’un entraîneur. Avez-vous eu le temps de prendre des vacances?
C’était une période intense après cet Euro riche en émotions. Mais avant que l’équipe ne se réunisse à nouveau, nous avons pris quelques jours de vacances en Espagne.

La première semaine de la Nati après ce championnat d’Europe a été à nouveau agitée. Qu’avez-vous fait quand Granit Xhaka a ressenti les premiers symptômes suggérant une infection au Covid mercredi?
Nous l’avons immédiatement isolé et lui avons fait passer un test rapide, qui s’est révélé négatif. Pour des raisons de sécurité, nous avons alors effectué un test PCR et l’avons laissé en isolement – et oui, malheureusement, ce deuxième test était positif. Notre médecin a alors informé le médecin cantonal et l’UEFA.

Pouvez-vous comprendre qu’il ne soit pas vacciné en tant qu’athlète professionnel, constamment en déplacement et en contact avec de nombreuses personnes?
La question est la suivante: avons-nous le droit de forcer une personne? Je pense qu’il est difficile de répondre à ça. Si c’était facile, le gouvernement aurait déjà obligé les gens à se faire vacciner depuis longtemps. C’est une question de choix personnel. Nous avons vivement recommandé la vaccination aux joueurs et au personnel.

Mais n'est-ce pas égoïste de la part de Xhaka? En tant que capitaine, il aurait dû se faire vacciner pour montrer la voie.
Non, égoïste n’est pas le bon mot. Il a choisi une autre voie pour se protéger, lui et sa famille.

Comment s’est-il comporté lors des discussions avec vous?
Granit n’a pas discuté du tout. Il a simplement pris sa décision personnelle, ce que je respecte. Même si je ne suis pas d’accord avec lui. Je parle souvent de respect et de tolérance. Il est facile d’avoir du respect et de la tolérance pour les personnes qui ont la même opinion que vous. Mais il faut que ce soit aussi le cas pour les personnes qui pensent différemment.

Xhaka était le seul joueur non vacciné ou non immunisé de l’équipe. Avec environ 25 joueurs, vous pouvez également dire que 96% étaient protégés. Comment êtes-vous arrivé à ce chiffre?
J’en suis fier. 48 des 50 joueurs et membres de la délégation ont été vaccinés. Je ne sais pas combien d’entreprises arrivent à un tel résultat. Pas même les hôpitaux. Et au final, nous avons fait une publicité précieuse pour la vaccination, qui montre que quiconque se fait vacciner est également protégé contre l’infection.

Pourquoi l’ASF a-t-elle rejeté la proposition de l’OFSP de faire une campagne commune pour soutenir la vaccination?
Nous avons travaillé avec l’OFSP dès le début et établi des contacts. Sur le même principe, car chaque joueur doit décider pour lui-même. Je suis vacciné, comme ma femme, ma fille, mon fils, et tout le monde dans ma famille. La proposition de l’OFSP s’adressait directement aux joueurs, et ce sont eux qui doivent décider pour eux-mêmes, pas nous en tant qu’équipe nationale.

Le fait que Xhaka n’ait pas été vacciné a-t-il joué un rôle?
Non.

Mais si 96% sont vaccinés, vous auriez pu en choisir deux ou trois pour se lever et dire: «Vaccinez-vous tous».
L’OFSP a été en contact avec certains joueurs. C’est maintenant aux joueurs de décider. J’ai été marqué très tôt dans la pandémie, au Tessin, par la violence du coronavirus.

De quelle manière?
Le mari de ma cousine en est mort. J’ai été choqué. Depuis, il y a de plus en plus de cas. Si bien qu’il m’est rapidement apparu évident que je ferais campagne pour la vaccination parmi le staff de la Nati.

Xhaka se fera-t-il désormais vacciner? Même José Mourinho l’a publiquement exhorté à le faire.
Encore une fois, c’est sa décision privée.

Bien, alors parlons de sport et de la recherche d’un entraîneur cet été. D’abord, l’entraîneur Vladimir Petkovic est parti, puis vous avez cherché un sélectionneur pour la Nati. L’ancien entraîneur de Xamax, Erich Vogel, a affirmé que vous vouliez vous-même être le successeur de «Vlado». Une volonté personnelle qui n’aurait pas trouvé d’écho dans les médias et l’association. C’est vrai?
Non, je n'ai jamais envisagé cela. Le comité central de l’Association suisse de football m’a interrogé sur cette possibilité dès le début.

Ils vous ont demandé si vous vouliez être un entraîneur de la Nati?
Ils m’ont demandé si je serais disponible comme candidat. J’ai immédiatement dit non. Mon rôle de directeur des équipes nationales est trop important. J’ai de nombreux projets en cours et d’autres dans les cartons. Je suis en poste depuis deux ans maintenant et il y a encore beaucoup de choses que je veux aborder. D’autre part, j’étais convaincu que nous avions de nombreux candidats solides.

En 2014, ils ont choisi Vladimir Petkovic à votre place. Aviez-vous été déçu?
C’est le football. Lorsque vous êtes candidat, il arrive que quelqu’un d’autre soit choisi. Ce n’était pas une décision contre moi, mais en sa faveur.

Est-il vrai que votre relation avec Petkovic n’était plus très bonne?
Ce n’est pas vrai du tout. Il m’a appelé cet été et m’a dit qu’il voulait partir et accepter cette offre de Bordeaux. Ensuite, les deux parties ont adopté un comportement professionnel. Nos relations ont toujours été amicales et professionnelles.

Vous avez ensuite dressé une liste de candidats. Selon quels critères?
La personnalité, l’expérience internationale, la bonne connaissance de notre philosophie de jeu en Suisse, la bonne connaissance des joueurs, l’identification pour la Nati. Ce sont les points les plus importants.

En Suisse, Marcel Koller, un homme expérimenté qui a déjà entraîné la Nati, était sur le marché. Il remplit tous ces critères. Pourquoi ne lui avez-vous pas parlé?
C’est un nom intéressant, c’est sûr. Mais comme beaucoup d’autres.

L’une des autres pistes menait à Arsène Wenger. Comment se sont passées les discussions avec lui?
C’est également un nom très intéressant – comme Koller ou Raphaël Wicky. Mais quand vous avez autant de candidats, vous devez rester concentré sur ce que vous voulez. Nous avions des certitudes avec une équipe en grande forme. Il y a un bon équilibre entre les anciens et les jeunes joueurs, nous avons une hiérarchie. Au final, nous étions convaincus que Murat Yakin était la meilleure personne pour continuer dans cette direction.

Il figurait parmi les trois derniers candidats, aux côtés de René Weiler et Bernard Challandes. Qu’a-t-il fait de mieux que les autres lors des entretiens?
Murat Yakin fait toujours preuve de personnalité dans sa communication. Je vois comment il gère les joueurs, en étant à la fois très froid d’un côté et très proche d’eux de l’autre. J’aime cela. Il a été concentré, clair, confiant et calme dès les premiers jours. Nous avons une équipe ambitieuse qui est tout aussi désireuse de réussir que Murat.

La nomination de l’entraîneur assistant Vincent Cavin a de quoi faire parler d’elle. D’autres entraîneurs auraient aimé ce poste, ce qui n’a rien d’étonnant avec un salaire annuel de 300 000 francs, et doutent des qualifications du Vaudois qui ne possède pas les plus hauts diplômes d’entraîneur.
Cette somme n’est pas du tout correcte.

C’est plus?
Non. Il est également faux de dire que Vincent Cavin n’est pas un entraîneur, mais un formateur. Il a occupé un rôle très important avec Vladimir Petkovic en tant qu’analyste de match, il a eu une forte influence tactique. Il complète très bien Murat, également parce qu’il peut l’aider et parler en français quand c’est nécessaire. Vincent Cavin, comme beaucoup d’autres membres du staff, représente la continuité dans l’encadrement de la Nati.

Parlons de notre adversaire, l’Italie. Vous avez un passeport italien et vous êtes né en Italie. Vous aviez un maillot bleu quand vous étiez enfant?
Non, j’étais un fan de la Serie A et de l’AC Milan quand j’étais enfant. Mes parents étaient en Suisse depuis longtemps, d’abord à Pfäffikon (ZH), puis au Tessin. Mon père était le patron d’une entreprise de construction, mais ma mère voulait retourner dans sa ville natale de Bergame en Italie pour me donner naissance.

Votre père est décédé depuis. Dimanche, quelle équipe votre mère va supporter dimanche soir?
Elle est toujours fan de l’Italie, bien sûr. Mais elle dit que quand l’Italie joue contre la Suisse, elle espère un match nul. Alors je lui dis: «OK, mais nous, nous préférions prendre trois points…» Mon cœur est à cent pour cent avec la Suisse, j’ai toujours vécu ici.

Les matches contre l’Italie sont-ils très particuliers pour vous?
Oui, en tant que joueur tessinois, c’est logique. Trois points contre l’Italie, c’est comme gagner un derby.

Vous avez déjà battu la France une fois au championnat d’Europe. La défaite 3-0 à Rome contre l’Italie a été un tournant dans ce tournoi. Comment avez-vous vécu ce match?
C’était mauvais. Nous avons été déçus. On peut toujours perdre, mais ce n’est pas grave si on a tout donné. Dans ce match, nous n’avons pas tout donné, nous nous sommes trop découverts. Les Italiens étaient meilleurs sur tous les points. Mais cette défaite a réveillé quelque chose dans notre équipe car ils ont de la fierté.

Les joueurs étaient en colère à cause des polémiques sur leurs voitures de luxe, leurs coups de cheveux et leurs performances.
Tous ces points ont compté, oui. Mais ils ont voulu montrer par la suite qu’ils pouvaient tout simplement jouer un meilleur football. Et puis, ils ont en apporté la preuve sur le terrain contre la Turquie dans ce match décisif. Bien sûr, nous parlons à présent beaucoup du huitième de finale contre la France et du quart contre l’Espagne, mais le 3-1 contre la Turquie a été une très belle performance.

Est-ce une bonne chose que l’Italie ait concédé le nul 1-1 contre la Bulgarie jeudi? Les Italiens ne sont pas en forme?
Ça sera bien si nous gagnons ou obtenons un résultat positif…

Comment le jeu de la Nati va-t-il changer sans Granit Xhaka et Xherdan Shaqiri?
Nous n’avons pas à nous cacher sans eux. Ils sont expérimentés, c’est sûr. Et il est impossible de remplacer leurs qualités à l’identique. Ils feront défaut. Mais d’un autre côté, nous avons déjà vu contre la Grèce lors du match amical (2-1) que beaucoup de jeunes joueurs ont saisi leur chance. Ils doivent être courageux et profiter de cette opportunité.

Quels sont les joueurs italiens que vous préférez?
L’entraîneur Roberto Mancini (rires). Ce qu’il a fait après 2018, quand ils ont raté la Coupe du monde, est incroyable. Non seulement, il a obtenu de bons résultats, mais il a surtout construit une équipe. Ce qu’ils ont ensuite montré lors de cet Euro était incroyablement fort. Ils ont été sacrés champions d’Europe à juste titre.

Quel est votre pronostic pour le Suisse - Italie de dimanche soir?
Je ne veux pas faire de pronostic. Mais je pense que nous pouvons livrer un grand match.

Et où en serons-nous à la mi-novembre, une fois les qualifications pour la Coupe du monde terminées?
J’espère que nous serons sur le terrain après le match contre la Bulgarie à Lucerne et que nous aurons obtenu notre billet pour la Coupe du monde 2022 au Qatar. À la première place du groupe.

Si vous vous qualifiez pour la Coupe du monde au Qatar: le nouvel objectif sera-t-il alors de passer en demi-finale?
Pas si vite. La qualification serait déjà un grand succès. Une fois que nous aurons atteint la Coupe du monde, nous pourrons parler des nouveaux objectifs.


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