Sa nomination avait surpris beaucoup de monde. Vincent Cavin était encore inconnu du grand public il y a quelques semaines. Le voici propulsé sur le banc de la Nati, bras droit de Murat Yakin. Le Vaudois de 46 ans a gravi tous les échelons à l'interne, dans l'ombre. Cet homme du sérail veut tout faire pour que cette nouvelle ère, incarnée par un duo surprise, soit couronnée de succès.
Vincent, comment se passent vos premiers jours dans le costume d’entraîneur-assistant de la Nati?
C’est intense. Lorsqu’un nouveau staff arrive, il y a beaucoup de choses à mettre en place. Tellement que parfois c’est compliqué de se concentrer uniquement sur l’aspect sportif. Ce changement n’était pas prévu en juillet dernier. On savait que ce serait une semaine chargée mais ces matches nous permettent d’entrer dans le vif du sujet.
Vous formez un duo avec Murat Yakin. Comment se passe votre collaboration?
Bien. Comme toute relation, il faut du temps pour construire une expérience de vie commune. Nous passons du temps ensemble, on échange. Nous avons beaucoup regardé d’images à la vidéo. Je suis à sa disposition et je dois aussi comprendre ce dont il a besoin. Avec un assistant, il cherche une vision différente, un autre avis. On doit apprendre à se connaître sur le plan footballistique, mais aussi en dehors.
Pour vous connaître, vous avez aussi fait des activités plus décalées?
On a partagé quelques repas au restaurant mais nous avons manqué de temps pour d'autres activités. En plus, contrairement à Murat, je ne suis pas bon au golf (rires).
Quelle est la plus grande qualité que vous pouvez mettre à son service?
Ma disponibilité. Je suis une personne altruiste qui travaille beaucoup. Sans vouloir être mégalo, je suis compétent dans mon domaine. Je mettrai toute mon énergie, et j’en ai à revendre, pour qu’il réussisse. Son succès sera aussi le mien.
Même si vous avez une grande expérience dans la formation, vous n’avez jamais entraîné à haut niveau. Votre nomination a surpris.
Le foot en équipe nationale n’a rien à voir avec la vie en club. J’avais le bon profil pour apporter ce vécu avec la Nati et cette continuité. Cela fait quand même huit ans que je suis ici, d’abord comme analyste vidéo puis comme coordinateur sportif sous Petkovic.
Comment avez-vous été choisi?
Une fois que Murat a été nommé sélectionneur, on s’est rencontré pour que je lui présente l’équipe nationale. On a bossé de 10h à 22h. On a tout passé en revue. À la fin de la journée, on a évoqué la question du staff. J’ai fait part de mon intérêt de me rapprocher du terrain. Il a réfléchi quelques temps, téléphoné à deux ou trois personnes qui me connaissaient, puis il m’a choisi.
Vous aviez intégré l’ASF chez les M21 avec un certain Pierluigi Tami, qui est aujourd’hui directeur des équipes nationales. Cela a aidé?
Oui dans le sens où Pierluigi a participé à la réflexion mais c’est le choix de Murat. Je ne voulais surtout pas être imposé. Quand Tami était sélectionneur des M21, il visitait plusieurs fois par année la structure du Team Ticino que je dirigeais. Une fois, il m’a dit qu’il cherchait un observateur pour un match de la Géorgie. J’y suis allé et il faut croire qu’il a bien aimé mon rapport (rires).
En Suisse romande, le poste d’entraîneur assistant de la Nati est encore incarné par Michel Pont même s’il a arrêté en 2014.
Je l’ai connu au début de mon aventure avec la Nati, sous Hitzfeld. C’est quelqu’un que j’apprécie beaucoup humainement. Si on me compare à lui, c’est flatteur mais chacun a ses caractéristiques, ses compétences. Je ne suis pas le nouveau Michel Pont.
Vous aurez quand même un rôle d’ambassadeur en Suisse romande?
Oui, c’est un rôle que Michel a incarné durant douze ans. Mais, je suis prêt pour ce rôle, ce lien entre la Nati et les régions latines. J’espère être à la hauteur.
L’ASF est parfois très alémanique, non?
Oui, c’est vrai. Même quand on dit qu’on parle en bon allemand, on bascule vite vers le dialecte. J’ai la chance de maîtriser les langues. C’est plus facile pour exprimer et faire comprendre ses idées. Dans le groupe, je peux aussi aider ceux qui parlent surtout français, comme Zeqiri ou Ndoye. Mais vu qu’ils ont signé dans des clubs germanophones cet été, je leur ai donné un ultimatum de trois mois pour qu’ils progressent à fond! (rires)
Jusque-là, vous étiez dans l’ombre. Cette discrétion vous plaisait?
Oui, je vis très bien dans l’ombre. Cela correspond à mon type de personnalité. Je ne suis pas quelqu’un de timide mais je n’ai pas besoin d’être exposé pour exister. Mais, cela fait plaisir si votre travail est reconnu. En plus c’est pratique, ma famille peut avoir de mes nouvelles quand je passe dans les journaux (rires).
J’ai lu que vous jouiez de la musique. Pour vous évader?
Oui, je joue de la batterie. Une fois que j’ai eu une famille, j’ai acheté un modèle électronique pour ne pas faire trop de bruit (rires). J’ai aussi un cajon qui est un instrument en bois. Mais ma grande passion, c’est la plongée sous-marine. Je suis instructeur. Le football, qui est aussi un métier passion, ne laisse pas beaucoup de temps libre. Il n’y a jamais d’horaires et ma femme ne s’étonne plus que je passe des coups de fil à 23 heures le samedi. Quand j’en ai la possibilité, je profite de passer du temps avec elle et nos quatre enfants.
Jeudi soir, le forfait de Granit Xhaka a été confirmé. Le capitaine de la Nati est le seul à ne pas être vacciné ou immunisé. Quel est votre avis sur ce cas?
Je n’ai pas à commenter les décisions individuelles. Je suis vacciné et je l’assume. La vaccination est un sujet tabou dans toute la société, qui divise parfois des groupes d’amis et des familles. L’équipe de Suisse est, à sa façon, un groupe social.
Vous avez tenté de le convaincre de changer d’avis?
Non pas directement mais on a beaucoup échangé avec les joueurs avant l'Euro. Certains avaient peur. Il ne faut pas oublier qu’ils font un métier où ils gagnent leur vie grâce à leur corps. Ce n’est pas facile d’être complètement serein avec toutes les rumeurs ou les appréhensions. À moins que les lois en vigueur ne changent, chacun est libre de décider de se vacciner ou pas.