Avant une grande compétition, il y a deux types d'athlètes: ceux chez qui un certain stress apparaît des mois ou des semaines avant et les autres, et ceux qui ne font pas la différence entre des Jeux olympiques et le concours annuel de Bourg-Saint-Pierre.
On a tous et toutes cette petite voix dans la tête qui nous rappelle d'aller faire sa lessive ou alors cette musique qui tourne en boucle et qui ne veut pas s'en aller (Baby shark dou dou dou dou…). Chez le commun des mortels, elle apparaît et disparaît à sa guise.
Mais qu'en est-il chez les athlètes d'élite? Usain Bolt fredonnait-il «I'm blue dabedee dabedaa» au moment de battre le record du monde du 100 m? Michael Phelps s'est-il demandé ce qu'il allait manger le soir même au moment de décrocher sa huitième médaille d'or à Pékin? Blick a rencontré cinq athlètes romands issus de sports divers et variés et a échangé avec eux sur cette large thématique.
Au programme: quatre épisodes diffusés sur quatre samedis.
- Episode 1 — Se préparer mentalement, la question qui hante tous les athlètes
- Episode 2 — Ces troubles du sommeil qui perturbent les athlètes avant une compétition
- Episode 3 — Juste avant le départ, quand le stress des athlètes est à son paroxysme
- Episode 4 — Pendant la course, les athlètes se motivent ou s'insultent
On a tous et toutes cette petite voix dans la tête qui nous rappelle d'aller faire sa lessive ou alors cette musique qui tourne en boucle et qui ne veut pas s'en aller (Baby shark dou dou dou dou…). Chez le commun des mortels, elle apparaît et disparaît à sa guise.
Mais qu'en est-il chez les athlètes d'élite? Usain Bolt fredonnait-il «I'm blue dabedee dabedaa» au moment de battre le record du monde du 100 m? Michael Phelps s'est-il demandé ce qu'il allait manger le soir même au moment de décrocher sa huitième médaille d'or à Pékin? Blick a rencontré cinq athlètes romands issus de sports divers et variés et a échangé avec eux sur cette large thématique.
Au programme: quatre épisodes diffusés sur quatre samedis.
- Episode 1 — Se préparer mentalement, la question qui hante tous les athlètes
- Episode 2 — Ces troubles du sommeil qui perturbent les athlètes avant une compétition
- Episode 3 — Juste avant le départ, quand le stress des athlètes est à son paroxysme
- Episode 4 — Pendant la course, les athlètes se motivent ou s'insultent
Mathilde Gremaud: «On a fait les cons comme d'hab'»
Mathilde Gremaud détonne par son calme qu'on peut aisément qualifier d'olympien. Depuis sa chambre à Saas-Fee, où elle s'entraîne depuis quelques jours, la Fribourgeoise creuse dans sa mémorie et revient sur ses expériences olympiques de Pyeongchang en 2018 et de Pékin cette année.
De l'autre côté de l'écran, la championne olympique se remémore son parcours en Corée du Sud: «On est partis le 8 février et la compétition avait lieu le 17». Plus de quatre ans et demi plus tard, Mathilde Gremaud à la mémoire des chiffres. En même temps, comment peut-elle oublier le jour de sa première médaille dans des JO.
Une fois sur place, Mathilde Gremaud se souvient d'avoir été frappée par toutes les personnes habillées de la même manière. Mais le groupe de ski freestyle n'a passé que deux jours dans le village olympique, avant de s'exiler dans des appartements au bas des pistes. «Le but à Pyeongchang était de garder les choses simples et comme on les fait toujours, décrypte la Gruérienne. Et on a fait les cons, mais ce n'est rien de différent que d'hab'.» Juste avant de partir dans leur nouveau logement, les freestyleurs ont par exemple été visités les toits des habitations du village olympique qui n'étaient pas achevées.
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Stricte lors de l'été 2021
À Pékin et malgré le Covid, les conditions de préparation n'ont pas été trop dures à vivre pour Mathilde Gremaud et ses compatriotes. «Après trois jours, personne n'était malade, se souvient-elle. On a pu voir nos potes, se balader dans le village olympique ou jouer au foot. On devait juste faire attention aux nouveaux qui arrivaient.»
Et attention, la Fribourgeoise le faisait depuis des mois déjà. Car la résidente de la Roche avait déjà les JO en ligne de mire bien avant la compétition. «L'été 2021, j'étais beaucoup plus stricte, développe-t-elle. J'ai pu profiter mais j'évitais les sorties jusqu'à 5h du mat'. Après les Jeux, je me suis un peu lâchée… Même si je pense qu'il faut toujours avoir une certaine discipline.» Et autant dire que, avec deux breloques décrochées à Pékin, les sacrifices de Mathilde Gremaud lors de l'été 2021 ont largement été récompensés.
Camille Rast: «C'est toujours le même concept»
La plus importante compétition de sa carrière, Camille Rast l'a vécue il y a quelques mois: ses premiers Jeux olympiques à Pékin. Retenue en géant et en slalom, la jeune femme a terminé respectivement à des prometteuses 16e et 7e places.
Des résultats qui, finalement, ressemblaient beaucoup à ceux qu'elle avait eus durant toute la saison. Et ce n'est guère étonnant. «Je ne vois pas pourquoi on devrait changer ses habitudes pour une course alors que c’est toujours le même concept: On est au départ, on a un dossard et on doit arriver en bas le plus vite possible», résume tout simplement la Valaisanne.
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Skier au feeling
Entre les Jeux de Pékin ou une course de Coupe d'Europe, il y a donc peu de différences pour Camille Rast, sauf au niveau des enjeux. Et c'est peut-être cette mentalité qui a permis à la jeune skieuse de 23 ans de décrocher son premier diplôme olympique.
La technicienne nous explique qu'avant une course, elle n'a pas de rituel. «On a tous nos routines mais je n’ai pas une check-list précise, développe-t-elle. J’y vais au feeling.» Et quand on l'a vue skier la saison dernière, on se dit que ce feeling lui réussit plutôt bien. A Schladming, elle a par exemple terminé à une excellente quatrième place.
Lors de ce prochain exercice, il ne faudra donc pas s'étonner si Camille Rast décroche son premier podium en Coupe du monde. Même si, ce ne sera peut-être pas lors du premier week-end à Sölden (AUT). «En début de saison, c’est un peu plus difficile car on a besoin de retrouver son rythme et surtout, de se retrouver soi-même.»
Roman Mityukov: «Il y a du stress à chaque palier»
Rien ne peut perturber le calme et la sérénité de Roman Mityukov. Pas même les garnements qui jouent au footall non loin de nous et dont le ballon interrompt parfois notre entretien. Posés sur un banc du Parc Baud-Bovy, juste derrière Uni Mail, nous décortiquons sa façon d'aborder les compétitions.
Le Genevois a à peine 22 ans, mais il a déjà tout vécu dans sa carrière de nageur. Des championnats suisses aux Jeux olympiques, il connaît les grandes échéances. Mais cela ne l'a pas empêché d'avoir bien souvent une belle montée d'adrénaline. «Quand j'ai participé à mes premiers championnats romands, j'étais tendu car c'était la compétition ultime pour moi à cet âge, se souvient-il. Il y a du stress à chaque palier que tu franchis. Naturellement, les JO étaient particuliers parce que tu croises les meilleurs athlètes du monde, c'est énorme. J'ai dû relativiser, me dire que j'avais travaillé pour être là et que je devais prendre du plaisir.»
Au moment de décrire le stress qui l'habite, l'athlète genevois est très pragmatique: «Il me motive plus qu'autre chose. Je n'ai jamais mal nagé à cause de ça. C'est difficile à expliquer mais les semaines qui précèdent, je pense au jour-J et au fait que j'ai travaillé toute une saison pour ce moment.» Roman Mityukov analyse cette pensée comme «un bon afflux» pour ses courses.
Assis non loin de l'université où il étudie également le droit, Roman Mityukov avoue être quand même plus stressé lors de ses compétitions que lorsqu'il passe un examen: «Rien ne peut m'arriver si j'ai bien travaillé pour les examens. En natation, c'est plus subtil. Et devant ma feuille, je me bats contre moi-même, pas contre les autres.»
Des exercices de respiration
Pourtant, ce stress (celui des compétitions, bien sûr) doit être canalisé. Lorsqu'il était plus jeune, l'anxiété chez le détenteur des records de Suisse en 100 m libre, 100 m dos et 200 m dos était bien plus importante. «Avec l'expérience, j'ai su que faire pour être moins stressé», souffle-t-il.
Une de ses méthodes consiste en une «toute bête» application avec des exercices de respiration conseillée par son entraîneur. «C'est vraiment quand ça ne va pas trop», explique-t-il. En plus de cela, Roman Mityukov et son équipe pratiquent le yoga une fois par semaine.
Mais ce qui permet au nageur du Genève-Natation de se relâcher au mieux, c'est tout simplement de ne pas se projeter sur la compétition qui arrive: «J'aime sociabiliser ou faire des jeux. Mais la pire chose à faire pour moi avant une compétition, c'est d'y penser.» Roman Mityukov nous avoue qu'il évite même les réseaux sociaux pour ne pas tomber sur des posts en rapport avec ses courses.
«J'essaie plutôt de voir des amis, sourit-il. Et si je ne peux pas, je joue avec mon équipe sur place, j'écoute de la musique ou je regarde des séries.» Tout ce qu'un jeune adulte de son âge fait au quotidien finalement.
Et concernant les contacts avec ses proches, Roman Mityukov en souhaite le moins possible. «Parler avec ma famille, je le fais au minimum car ça me met un stress supplémentaire. Discuter d'autres choses avec des amis de Genève me fait, a contrario, du bien.»
Sarah Atcho: «Durant huit mois, j'y pensais jour et nuit»
Sarah Atcho, elle aussi, n'aime pas qu'on lui parle de compétition avant une grande échéance: «Je ne supporte pas l'attention! Si mes proches m'écrivent pour me dire qu'ils sont derrière moi, ça me met une pression qui n'est pas du tout positive. Deux semaines avant une grosse course, je ne veux pas parler avec eux de sport.»
La sprinteuse vaudoise est claire: laissez-la tranquille avant une compétition. Le stress vient tout seul et la pression qu'elle se met est positive pour elle-même. «Je fonctionne à la motivation, au titillement», décrit la Lausannoise. Dans un café de la cité olympique, elle se souvient surtout de deux grandes compétitions où la pression était immense: ses premiers Jeux à Rio et les Européens de Berlin, en 2018. «Durant huit mois, j'y pensais jour et nuit.»
Une semaine avant sa première expérience olympique, Sarah Atcho parle d'un grand flou. «On nous prépare pas assez bien à tout ce qu'on va vivre sur place, souffle-t-elle. Tu subis plus que tu n'es actrice à ce moment-là.» Entre les dizaines d'interviews et autres rendez-vous, elle ne savait plus où donner de la tête: «J'étais dépassée par les événements.»
Son séjour brésilien n'a donc pas été qu'une partie de plaisir pour la sprinteuse: «Les appartements étaient un peu miteux et on nous disait de ne pas aller en dehors du village car on était entourés de favelas. Tu n'es pas serein et ce n'est pas le cadre dans lequel tu as envie d'arriver lors d'une compétition.»
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Elle a essayé la méditation, en vain
Pour remédier à cela, Sarah Atcho aurait peut-être apprécié parler à un psychologue. Problème, il n'y en a pas dans le camp suisse lors des Jeux olympiques. Ceci lui aurait encore été plus utile à Tokyo, où elle a vécu un véritable cauchemar. «On n'est pas du tout accompagné, martèle la spécialiste du 100 m. Si on est en stress dix minutes avant une course, on a personne pour nous remettre les pieds sur terre.»
Sarah Atcho l'avoue, elle n'a pas encore trouvé ce truc qui lui permet de se relaxer suffisamment et de vivre le plus tranquillement possible les jours avant la course. Elle a essayé la méditation, le yoga ou les massages mais rien n'y fait. «Quelques jours avant l'échéance, je me dis toujours: 'Peut-être que j'aurais dû faire cette série en plus il y a un mois, ça aurait changé quelque chose…' Mais bien sûr que non ça n'aurait rien changé! Je me pose trop de questions et je remets en doute mes capacités», s'exclame-t-elle.
Pourtant, au niveau alimentaire, Sarah Atcho fait tout pour être au meilleur de sa forme. «En Suisse, je ne mange et ne bois pas assez, avoue-t-elle. En compétition, je me force à augmenter les doses car je sais que j'en aurais besoin.» Et entre interviews, entraînements et compétitions, l'athlète de 27 ans dépense en effet beaucoup d'énergie quand elle est à l'étranger.
Sébastien Reichenbach: «Un peu d'appréhension avant mon premier Tour de France»
Sébastien Reichenbach se souviendra toute sa vie de ce jour de 2014, lorsqu'il apprend la bonne nouvelle: Il est sélectionné par son équipe IAM Cycling pour participer à son premier Grand Tour. Qui plus est, le Tour de France. L'excitation est palpable chez le Valaisan, qui voit le rêve de tout cycliste se réaliser. Durant trois semaines, il est prêt à parcourir les routes de l'Hexagone devant des millions de spectateurs.
Dans un café de son canton natal, il revient huit ans en arrière en notre compagnie: «Il y a une grosse préparation mentale car c'est la course la plus difficile, pas que physiquement…»
Car rapidement, la joie fait place à de la peur. «Il y a un peu d'appréhension car j'avais l'habitude de faire des courses de maximum une semaine. Je me suis dit que ça allait être compliqué… Et ça l'a été (rires).» Lors de cette première participation, Sébastien Reichenbach a terminé à la 85e place au classement général. Heureusement, au Giro l'année suivante, il était beaucoup plus détendu. Malheureusement, il a dû abandonner lors de la 16e étape.
De l'énergie à en revendre
De manière générale, Sébastien Reichenbach ne se prépare pas différemment pour un Grand Tour. Face à la montagne qui l'attend, il n'a d'autres choix que de se projeter au jour le jour. «C'est comme lors d'une course d'une semaine, sauf que ça continue après le 7e jour», relativise-t-il.
Quelques jours avant l'échéance, le natif de Martigny est plus que prêt: «J'ai énormément d'énergie à ce moment. Naturellement, mon corps se prépare à trois semaines difficiles. Vu que je roule, j'arrive à canaliser tout ça mais je sais que si j'étais au repos, ce serait compliqué.»
Dans sa tête, Sébastien Reichenbach essaie de ne pas penser à l'épreuve qui l'attend. «Je connais le parcours dans les grandes lignes mais j'ai aussi une vie à côté», sourit-il. C'est seulement lorsqu'il arrive sur place, 4-5 jours avant le grand départ, qu'il se focalise sur le livre de route. «Là, on a le temps de le lire 10 fois», rigole le Valaisan.
Malgré des étapes qui pourraient lui correspondre, celui qui annoncera sa nouvelle formation d'ici fin octobre n'aime pas les cocher. «C'est le meilleur moyen de se louper, relativise-t-il. Je ne peux pas me concentrer à fond sur une étape car si je n'arrive même pas à prendre l'échappée…» Et, Sébastien Reichenbach nous le dira dans un prochain épisode, l'échappée est une position dans laquelle il apprécie être.