Le président français l'aime bien
Le rêve d'Alain Berset: être l'alter-ego d'Emmanuel Macron

L'actuel président de la Confédération a intégré le Conseil fédéral lorsque Nicolas Sarkozy présidait la France. Le Chef de l'État français avec lequel le courant passait le mieux est toutefois Emmanuel Macron.
Publié: 21.06.2023 à 21:07 heures
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Dernière mise à jour: 22.06.2023 à 09:02 heures
Alain Berset ser jeudi soir à Paris, lors du dîner officiel à l’Élysée pour le sommet sur le «pacte financier mondial».
Photo: keystone-sda.ch
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Richard WerlyJournaliste Blick

Alain Berset sera dans son élément à Paris ce jeudi soir, lors du dîner officiel à l’Élysée pour le sommet sur le «pacte financier mondial» convié par Emmanuel Macron. Mais il a longtemps dû ronger son frein, avant de trouver ses aises dans la capitale française.

Impossible, au début de sa carrière exécutive, de discuter d’égal à égal avec Nicolas Sarkozy, l’homme qui présidait la France lorsque le Fribourgeois débarque au Conseil fédéral, le 1ᵉʳ janvier 2012. «Sarko» n’aime guère la Suisse, dont il a pilonné le secret bancaire lors de la crise financière de 2008-2010.

Pire: les premiers mois de 2012 sont le théâtre d’une bataille politique sans merci entre le chef de l’État sortant et son adversaire socialiste François Hollande. On connaît la suite: Hollande l’emporte et accède à l’Élysée.

Mais pour l’ancien patron du PS Français, l’Helvétie sent le soufre. Son «Mon véritable adversaire, c’est le monde de la finance» prononcé lors de son discours du Bourget, pile au moment où Berset accède à des responsabilités exécutives, retentit comme une déclaration de guerre du côté suisse.

Berset-Hollande: deux socialistes peu compatibles

Exit, donc, la possibilité pour Alain Berset, grand admirateur de l’éloquence française et fin connaisseur de l’actualité politique hexagonale, de jouer aux réconciliateurs entre Paris et Berne. Le nouveau conseiller fédéral doit en plus patienter. Tout au long du quinquennat de François Hollande, de 2012 à 2017, le chef du département de l’intérieur attend son heure pour présider la Confédération.

En 2015, c’est sa collègue socialiste Simonetta Sommaruga qui reçoit à Berne le chef de l’État français. Le style Hollande, fait de petites blagues et de bataille avec les «frondeurs» de la gauche radicale, n’est pas du goût d’Alain Berset, plus à l’aise dans le débat d’idées et plus compatible avec une gauche acquise au libéralisme et au marché.

Juste avant la visite présidentielle française, le ministre des Finances de l’époque, Pierre Moscovici (aujourd’hui président de la Cour des comptes) a d’ailleurs fait le déplacement en Suisse en 2014 pour y discuter notamment de l’échange automatique d’informations bancaires et fiscales. Son échange avec le conseiller fédéral socialiste a porté, entre autres, sur les droits des frontaliers français.

Difficile de faire plus aride. D'autant qu'une ombre plane au-dessus de la relation Franco-Suisse: celle du compte bancaire caché un temps chez UBS de l'ancien ministre du budget Jérome Cahuzac...

Une romance Berset-Macron

C’est là qu’intervient la romance. Une romance? Oui, presque. Car d’emblée, Alain Berset est conquis par le nouveau ministre de l’Économie Emmanuel Macron. L’ex-conseiller de François Hollande respire le talent et l’élitisme. Il est un personnage de littérature, mi Rastignac – mi Bonaparte.

Pour le politicien suisse, son positionnement social-libéral est aussi porteur. Et voilà qu’en 2018, les étoiles se retrouvent alignées. Le 12 septembre 2018, voici Alain Berset à Paris, cette fois en tant que président de la Confédération. Le courant passe entre les deux hommes.

La formule officielle est lapidaire: «Les deux parties se sont félicitées des liens étroits qui unissent la Suisse et la France dans tous les domaines. Ont notamment été évoquées l’importance des relations économiques bilatérales et la richesse des échanges dans le domaine de la recherche».

La réalité est bien plus chaleureuse: au point de presse qui suit la rencontre élyséenne, Alain Berset avoue son engouement pour les réformes en cours en France. «Macron a du cran» lâche-t-il en aparté aux journalistes à l’ambassade de Suisse à Paris.

Le 11 novembre 2018, une commémoration lui permet de revenir à Paris: celle de l’armistice de 1918 qui mit fin à la première guerre mondiale. Macron-Berset: le tandem a rapidement pris ses marques.



Le Covid marquera l’apogée de cette relation étroite entre les deux dirigeants. La Suisse, très vite, accepte des patients français dans ses hôpitaux. Emmanuel Macron est au front. Le 16 mars 2020, le président de la République a déclaré que son pays est «en guerre contre le virus».

Résultat: une invitation en forme de «Graal» politique. Le 14 juillet 2020, Alain Berset est, comme ministre suisse chargé de la santé, invité à assister au traditionnel défilé de la prise de la Bastille à Paris. Mieux: le Conseiller fédéral voit défiler devant lui une dizaine de soldats helvètes. La lune de miel se confirme. Une visite d’État de Macron en Suisse à Berne est mise en route.

Berset y croit. Lui, le socialiste qui croit aux réformes, est l’interlocuteur privilégié d’un président qui a décidé de transformer la France. Bingo! Le modèle suisse plaît à l’Élysée.

A Paris cette semaine

La suite est connue. Ce jeudi soir et vendredi, lors du sommet sur le pacte financier mondial, Alain Berset pourra la méditer et espérer la surmonter. Cette suite se nomme Rafale et Union européenne.

La fin du printemps 2021 est, entre la Suisse et la France, synonyme de précipice. Le rejet du projet d’accord institutionnel avec l’UE par le Conseil fédéral, le 26 mai 2021, est pris comme une attaque directe par ce président passionné de souveraineté européenne qu’est Emmanuel Macron. Quelques semaines plus tard, la décision helvétique d’acheter des F35 américains enfonce le clou. Le président français est vexé.

En novembre de cette même année, il annule sine die une rencontre prévue avec Guy Parmelin. Entre lui et Berset, le téléphone sonne. Fin de non-recevoir. «Alain Berset a compris ce jour-là qu’un fossé s’est ouvert entre Paris et Berne. Et que lui, le Fribourgeois francophone, ne parviendrait pas à le surmonter» juge un diplomate suisse.

Retrouvez la conférence de presse d’Alain Berset

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Reste l’ultime espoir: une visite présidentielle suisse à Paris à l’automne, qui marquerait la réconciliation. Mais il faut pour cela que Berne fasse un pas vers Bruxelles. «Emmanuel Macron estime qu’Alain Berset doit démontrer qu’il est un pro-européen. Il s’est senti trahi. Il attend des actes» s’amuse un ancien ambassadeur français à Berne.

La date de cette visite pourrait être fixée cette semaine, en marge des discussions sur l’aide financière des pays riches aux pays les plus pauvres de la planète.

Alain Berset avait réussi le concours du DFAE avant de se faire élire une première fois et d’entrer en politique. Il doit maintenant prouver qu’il peut achever son mandat de Conseiller fédéral en diplomate. Sa présence au sommet de la Communauté politique européenne à Chisinau, le 1er juin, a permis de rétablir le dialogue avec Macron. Après son rôle de «soignant en chef» durant la pandémie, une mission (impossible) de «réconciliateur en chef» entre Paris et Berne ?




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