Un torrent d’insultes, de la violence et un conseiller fédéral profondément ébranlé. Il y a des scènes dont on se souvient toute sa vie. La rencontre avec ce Bernois déchaîné en fait partie. C’était il y a deux ans, je venais d’interviewer Alain Berset pour le lancement de Blick en Suisse romande et le ministre de la Santé se prenait une sacrée volée «citoyenne» pour sa gestion du Covid, à deux pas de la fosse aux ours.
J’avais mesuré ce que signifiait «gouverner» quand on était pris en étau. Pour la faire simple, entre les complotistes qui exigeaient de vivre tout-comme-avant et les scientifiques jusqu’au-boutistes qui réclamaient plus de poigne de l’État. J’avais trouvé ce jour-là que notre pays, dans sa posture faite de compromis, s’en sortait avec intelligence, sous la direction de ce socialiste fribourgeois prêt à déplaire à tous les camps. Ou décidé à tous les satisfaire un minimum.
Un homme d'État mais patatras
En voulant préserver au mieux les intérêts économiques de la Suisse et nos libertés individuelles, en faisant preuve de mesure et de prudence, en résistant aux pressions de plusieurs pays européens, Alain Berset avait acquis une stature d’homme d’État, comme d’illustres romands avant lui. Les Couchepin, Calmy-Rey et Burkhalter, pour citer les plus récents.
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Mais voilà, dans l’épilogue, on revient sur l’entier du chemin parcouru. Et on observe l’adresse avec laquelle on baisse le rideau. Au moment du bilan — même si le conseiller fédéral fait mine ne pas avoir été ébranlé par ses «affaires», on peut regretter qu’Alain Berset n’ait pas adopté la mesure et la prudence évoquées ci-dessus à tous les endroits de son mandat.
Un départ bien brumeux
Le conseiller fédéral a beau jeu d’évoquer encore et toujours le respect des institutions, il ne leur a certainement pas fait du bien en entachant sa propre fonction. On pense bien sûr à ses histoires «romantiques», à sa passion (manifestement plus dévorante que talentueuse) du pilotage d’avion et au rôle présumé qu’il a pu jouer dans les «Corona Leaks», sous enquête du Ministère public de la Confédération (MPC).
Face aux médias, Alain Berset a semblé fatigué et surtout très emprunté pour expliquer les raisons et le timing de l’annonce de son retrait (un terme réfuté par le principal intéressé, étonnamment pinailleur). Un exercice peu convaincant, dès lors que le ministre laissait encore récemment entendre qu’il avait l’énergie et la volonté de rester aux affaires.
Dans un tel contexte, l’annonce brumeuse et peu sereine du Fribourgeois (qu’un petit gag sur la Journée du yoga n’aura pas réussi à égayer), a paru bien triste. À l’image d’une fin de mandat que l'on peut résumer en un seul adjectif: maladroite.