Emmanuel Macron est-il un président français «puéril» et «masculiniste»? À en croire les médias, la réponse est oui. Aussitôt diffusée, la vidéo montrant ce chef de l’État de 45 ans en train de descendre cul sec une bouteille de bière avec les rugbymen du Stade Toulousain samedi 17 juin a déclenché la polémique.
Un geste d’adolescent. Une façon ridicule de faire «populaire». Pire: un reliquat de domination machiste et «masculiniste toxique» dans ce geste applaudi par les joueurs. On savait qu’Emmanuel Macron aime les vestiaires des équipes sportives, lui qui ne rate pas une occasion pour féliciter ou réconforter les Bleus de l’équipe de France de football. Le voici désormais, façon rugby, soupçonné de vouloir jouer au dirigeant viril avec sa bouteille aux lèvres!
Dans le vestiaire toulousain, la bière cul-sec de Macron:
La réalité est plus simple que ça. Emmanuel Macron est un président persuadé de son charme qui agit et boit comme il entend réformer son pays: cul sec. L’homme aime la rapidité. Il ne déteste pas l’esbroufe. Il veut, depuis son élection, rester le «bon copain» des Français qui l’ont deux fois porté au pouvoir.
Logique. Élu à 39 ans en mai 2017, après deux ans passés au ministère de l’Économie où il n’avait de cesse de jouer au ministre «cool», imbibé de technologie et de «start-up nation», ce président n’a toujours pas d’ancrage, et il le sait. Pas de racines électorales. Pas de tribu politique prête à se battre pour lui, hormis son cercle macroniste de la première heure. Alors, autant aller vite et cul sec. En cherchant, à chaque fois, la brèche qui lui permettra de faire oublier son image-boulet de «président des riches».
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Boire une bière cul sec, dans un pays normal, habitué à voir ses politiciens suivre les modes populaires, serait un non-événement. Au mieux, le sujet d’une énième discussion de comptoir. Mais la France de 2023 n’est pas ce pays ordinaire où un locataire de l’Élysée peut se permettre ce genre de fantaisie alcoolisée de vestiaire. Jacques Chirac, lui, savait enfiler les Corona à table ou au salon de l’Agriculture, après avoir serré tellement de mains que ses phalanges souffraient.
Or Emmanuel Macron est l’antithèse de ce Chirac-là. Il ne boit pas sa bière cul sec au café du coin. Il le fait dans un vestiaire inaccessible, même pour les fans. Il le fait à l’anglaise, dans une ambiance de club protégée de l’extérieur par un cordon de sécurité, des badges et des passe-droits. Sa bière cul sec est une boisson de privilégié, bue avec des sportifs de haut niveau, ravis de faire le show. On se souvient du président français sur le stade, au Qatar, après la finale perdue des Bleus contre l’Argentine. On le voyait réconforter Mbappé, frôlant le ridicule. Là aussi, mauvais registre: «faire populaire» n’a rien à voir avec se comporter comme quelqu’un du peuple.
Santé!
La seule chose à dire, face à cette image, est tout simplement «santé!». Une bière, après tout, est faite pour être bue. Cul sec ou pas. Santé, président! Santé aux rugbymen de Toulouse, vainqueurs du Top 14 sur le score de 29-26! Santé à la France, ce pays où la politique ne pourra jamais être vue sous l’angle de la normalité.
Au pays de la Révolution de 1789, de Charles de Gaulle et de François Mitterrand, boire cul sec et le faire savoir ne pourra jamais apparaître autrement que comme une énième manœuvre d’un dirigeant assoiffé de popularité.
Revenir aux grands crus
Mieux vaut, pour Emmanuel Macron, revenir aux meilleurs crus de la cave (bien gardée) de son palais de l’Élysée. Eux sont à l’opposé de ses réformes et de sa façon de présider: symboles du vieux pays passionné de lui-même qu’est la France, ils sont à déguster lentement.