Une scène mythique pour de grands discours historique: voilà ce qu'est le WEF depuis plus de 50 ans. L'allocution que Volodymyr Zelensky a tenu mardi après-midi à Davos sort toutefois du lot. Le président ukrainien, rhétoricien chevronné et combattant infatigable pour son pays meurtri, a dû employer les grands moyens au WEF afin d'extirper la lassitude de la guerre de la tête des dirigeants économiques et des hommes de pouvoir.
Voici les trois messages clés qui ressortent de cette intervention historique. Mais c'est un incident survenu en marge du discours qui a fait le plus de bruit.
«Poutine est un prédateur qui ne se contente pas de produits congelés»
On lui demande régulièrement s'il n'est pas venu l'heure des négociations. Volodymyr Zelensky, qui a prononcé son discours d'une vingtaine de minutes en anglais, s'adressait devant un auditoire presque plein. «Ce n'est pas encore le moment», a averti le président. Les négociations actuelles mènent à un conflit gelé. Et Poutine est un prédateur qui ne se contente pas de produits congelés.»
La Russie, en tant que système, ne fonctionne que quand elle fait la guerre, a-t-il ajouté. Poutine n'a pas réussi à générer des victoires économiques à son «peuple esclave». Il mise donc entièrement sur les annonces de succès militaires. Ceux qui croient qu'il se tiendra sagement à l'écart après les négociations sont naïfs, a prévenu Volodymyr Zelensky.
Le président russe tente depuis longtemps de forcer le gouvernement ukrainien à s'asseoir à la table des négociations, selon ses propres conditions. «Seule une paix stable et sûre basée sur notre plan de paix peut le garantir», a martelé Volodymyr Zelensky.
«Ceux qui pensent que cette guerre concerne l'Ukraine se trompent fondamentalement»
Volodymyr Zelensky a de nouveau souligné que la Russie n'avait pas pour objectif d'asservir l'Ukraine, mais qu'il s'agissait d'une conquête plus vaste qui ne s'arrêtera à aucune frontière. La communauté européenne doit se serrer les coudes et tout entreprendre pour endiguer le danger. Dans le cas contraire, elle risque d'être confrontée à de graves problèmes.
«Renforcez notre économie et nous renforcerons votre sécurité», a déclaré Volodymyr Zelensky en s'adressant aux dirigeants européens. Aucun pays d'Europe ne dispose d'une armée aussi puissante et d'un peuple de combattants aussi courageux que l'Ukraine. On fait le travail sanglant, mais on a besoin de toute urgence d'un soutien supplémentaire, a-t-il rappelé.
«Soudan, Mali, Syrie: Poutine a partout les mains dans le cambouis»
Dès les premières minutes de son discours, Volodymyr Zelensky a mentionné toute une série de pays du Sud global qui ont souffert de l'agression de Poutine ces dernières années. Le président ukrainien invite clairement ces pays, jusqu'ici neutres, à se retourner contre la Russie et à rejoindre la communauté des États qui s'opposent résolument à Poutine.
L'appel au Sud global peut être perçu comme un signe de désespoir. Volodymyr Zelensky se rend compte qu'il reçoit de moins en moins de compréhension et d'armes, de la part de l'Occident et de la puissance américaine. Il cherche donc de nouveaux alliés pour gagner son combat.
Le président ukrainien, ancien comédien de télévision à succès, a terminé son intervention dans la salle du WEF par une brève séance de questions-réponses, pour laquelle il a mis le casque de traduction. Il a continué à parler en anglais, tout en recevant sa propre traduction à l'oreille. Volodymyr Zelensky a fait une courte pause, a ri et a lancé: «Maintenant, ils me traduisent mes réponses en ukrainien. Tant mieux! Je trouve la voix du traducteur plus belle que la mienne.»vUne petite blague en marge, qui a pourtant marqué ce rendez-vous. Elle montre que Volodymyr Zelensky ne se laisse pas abattre. Il n'a pas totalement perdu le sens de l'humour, même après deux années de guerre brutale.