Pas question, pour la France et pour Emmanuel Macron, d’avouer son impuissance face à la crise qui secoue le Proche-Orient. Depuis l’assaut terroriste du Hamas sur Israël le 7 octobre, une dizaine de dirigeants européens et le président américain Joe Biden se sont succédé à Tel-Aviv.
Le président français, qui s’y est rendu mardi 24 octobre, rencontre ce mercredi à Amman le roi de Jordanie Abdallah II, puis le Maréchal Sissi en Egypte. Il est donc arrivé bien tard sur place. Mais voilà, Paris a mis une proposition sur la table: s’inspirer de la coalition internationale contre l’État islamique (Daech) pour combattre le Hamas et assurer à Israël sa sécurité. Crédible? Pas vraiment. Décryptage en cinq questions.
Une coalition anti-Hamas est-elle nécessaire?
Pas vraiment. D’autant qu’elle existe déjà, à en juger par le nombre de dirigeants occidentaux qui se sont rendus depuis le 7 octobre en Israël pour affirmer leur soutien à l’État hébreu. Les États-Unis ont par ailleurs cherché très tôt le soutien de la Chine, lui demandant «d’user de son influence» au Moyen-Orient pour isoler le Hamas palestinien.
En proposant de s’inspirer de la coalition anti-Daech, Emmanuel Macron fait référence à la décision prise en 2014 par 22 pays d’unir leurs forces contre l’État islamique. Dirigée par les États-Unis, elle comptait dans ses rangs les principales armées européennes: l’Australie, le Canada, l’Arabie saoudite, la Jordanie, le Qatar, Bahreïn et les Émirats arabes unis. Difficile d’imaginer une mobilisation similaire pour lutter contre le Hamas.
Le Hamas et Daech sont-ils comparables?
La réponse est non. Le terme «terroriste» utilisé pour désigner ces deux groupes se justifie par leurs modes d’action et leur but, à savoir mener une guerre totale à leurs ennemis en s’attaquant aux populations civiles. Leur histoire et leurs soutiens internationaux n’ont en revanche rien à voir.
Le Hamas tire sa légitimité des élections législatives organisées en 2006 dans les territoires palestiniens, qui l’ont vu arriver en tête à Gaza. Il dispose d’une aile politique basée au Qatar. Cet Émirat finançait par ailleurs officiellement, avec l’accord d’Israël, l’administration de Gaza jusqu’au 7 octobre. Le Hamas est enfin soutenu par l’Iran, alors que Téhéran appuyait militairement, en Syrie, les forces anti-Daech de Bachar Al Assad.
En images, la déclaration Macron-Netanyahu
Macron fait-il une erreur?
Oui et non. Cette initiative est suffisamment floue pour être ensuite justifiée et adaptée aux réalités.
Dans l’entourage présidentiel français, on souligne qu’il s’agit d’abord d’envoyer un message aux pays ou aux groupes qui seraient tentés de soutenir le Hamas, contre lequel Israël s’apprête à intervenir massivement à Gaza. «Il s’agit de regarder les coopérations qui existent contre Daech pour envisager d’en étendre certaines à la lutte contre les autres menaces terroristes dans la région» souligne-t-on du côté de l’Élysée.
«Il s’agit plutôt d’envisager une gamme d’outils définis de longue date au sein de la coalition contre les djihadistes de l’EI, en évoquant des échanges de renseignement, mais aussi des sanctions contre les responsables du Hamas, qu’Israël souhaite voir chassés par la Turquie et le Qatar», note le journal «Le Monde». Bingo en revanche sur le plan intérieur: les médias français ont tous embrayé sur cette proposition. Emmanuel Macron occupe ainsi le terrain diplomatique.
L’État hébreu a-t-il besoin d’alliés contre le Hamas?
Sur le plan militaire, la réponse est non. Dès lors que les États-Unis assurent le cabinet de guerre israélien de leur plein soutien, l’affaire est entendue: Tsahal prépare maintenant méthodiquement son ratissage de Gaza pour «éradiquer» le groupe terroriste palestinien. Au risque bien sûr d’énormes pertes civiles et d’un possible enlisement militaire.
Benyamin Netanyahu n’a d’ailleurs pas accueilli la proposition de Macron avec enthousiasme. Il estime surtout que ce projet a vocation à défendre l’Europe face aux menaces d'attentats «Le Hamas, ce n’est pas l’État islamique à des milliers de kilomètres de l’Europe. C’est l’État islamique dans les banlieues de Paris», peut-on lire dans le journal «Le Monde».
En images, les destructions à Gaza
Qu’en pensent les pays arabes?
Une première réponse sera apportée ce mercredi 25 octobre par le Roi Abdallah de Jordanie, puis par l'Egypte. La proposition d’une nouvelle coalition internationale anti-Hamas n’a d’ailleurs pas été présentée aux pays de la région, selon Paris.
L’inquiétude, coté arabe, est bien sûr de mécontenter les populations, toujours attachées à la cause palestinienne, comme le démontrent les manifestations nombreuses depuis le 7 octobre, mais aussi la popularité réelle du Hamas. Il est probable, dans ces conditions, que la proposition française ne se matérialise pas rapidement. Emmanuel Macron pourra en revanche se targuer d'avoir ouvert ce débat.