De Gaulle, reviens! Arrivé en Israël mardi 24 octobre pour une visite qui doit aussi le conduire à Ramallah, puis dans une ou plusieurs capitales arabes, Emmanuel Macron avance avec une ombre derrière lui: celle de son lointain prédécesseur qui, dans les années soixante, réussit la prouesse d’être à la fois l’un des partenaires militaires les plus fiables d’Israël (c’est à Paris que l’État Hébreu doit en partie d’avoir acquis la bombe atomique), tout en assumant sa position critique et en étant l’un des interlocuteurs les plus crédibles du monde arabe.
En France, le terme «politique arabe» reste d’ailleurs très utilisé. Problème: il ne recoupe plus guère de réalités aujourd’hui, après l’assaut du Hamas le 7 octobre. C’est d’abord en médiateur humanitaire, défenseur d’une trêve pour apporter des secours en quantité suffisante aux civils palestiniens de Gaza, et en pays blessé par la mort de trente ressortissants et la présence de neuf otages français aux mains du Hamas, que le président français est arrivé à Tel-Aviv, à la suite de plusieurs autres dirigeants européens.
Et les colonies israéliennes?
Preuve de ce chemin étroit sur lequel la France est engagée: c’est la solidarité avec Israël attaqué qui figure en première ligne dans l’agenda diplomatique d’Emmanuel Macron, dont l’entourage met l’accent sur deux autres objectifs plus large, mais bien éloignés des seules capacités de la diplomatie française: la maîtrise de l’escalade dans la région, et la construction d’un «nouveau consensus international» pour relancer de possibles négociations de paix.
Audible pour la population israélienne et pour la communauté franco-israélienne, très mobilisée et touchée au cœur par les attaques du Hamas? Peu probable. La recrudescence des actes antisémites en France, les problèmes rencontrés avec près de 200 lycéens lors de l’hommage à l’enseignant tué à Arras par un djihadiste, la mobilisation populaire pro palestinienne et la polémique sur le refus d’une partie de la gauche de qualifier le Hamas de groupe «terroriste» contribuent à rendre le climat très peu propice, dans l’hexagone, à des initiatives audacieuses.
La question décisive des colonies israéliennes en Cisjordanie, que Macron devrait évoquer, n’est d’ailleurs pas mise en avant par l’Elysée. Pas question, à ce stade, de se retrouver accusé par Israël en train de préparer sa riposte militaire de grande ampleur. C'est d'ailleurs sur une toute autre proposition, celle de mobiliser une coalition internationale antiterroriste contre le Hamas, similaire à celle qui opère contre l'État islamique, que le président français a focalisé à Tel Aviv.
Macron est impuissant
L’autre écueil rencontré par Emmanuel Macron au Proche-Orient est européen. Les 26 et 27 octobre, les dirigeants des 27 pays membres de l’Union européenne se retrouveront à Bruxelles pour un sommet qui, de facto, sera largement consacré à la guerre Hamas-Israël. Or derrière l’unité de façade, la fracture est profonde. Impossible pour l’Allemagne, dont le Chancelier s’est rendu en Israël le 18 octobre, de se distancier d’Israël compte tenu de son histoire.
Hors de question pour des pays alignés sur les États-Unis tels que la Pologne ou l’Italie, de suivre la France dans une éventuelle médiation «arabe» qui n’aurait pas préalablement reçu le soutien de Washington. La réalité est que l’UE se retrouve sans surprise dans ce conflit délégué au sauvetage humanitaire des populations, tandis que le Comité International de la Croix Rouge est mobilisé par les libérations d’otages à Gaza.
Or si la France du Général de Gaulle pouvait peser seule sans ses voisins européens, celle d’Emmanuel Macron ne dispose plus du tout de levier national, comme l’a montré son impuissance à résoudre, malgré son engagement à le faire, la crise politique au Liban. Une rumeur persistante selon laquelle l’Élysée œuvre à trouver un successeur au leader de l’Autorité palestinienne Mahmoud Abbas n’est pas de nature à rétablir des liens de confiance avec ses interlocuteurs à Ramallah.
Montrer la disponibilité de la France
Dernier facteur préoccupant pour la France: la course qu’elle mène parallèlement pour exporter ses armements au Moyen-Orient. La veille de la visite de Macron en Israël, le ministère français de la Défense a confirmé que l’Arabie saoudite pourrait acquérir des chasseurs Rafale, comme l’ont fait préalablement le Qatar et les Émirats arabes unis.
Pas simple, dans ces conditions, d’avoir vis-à-vis de ces pays la distance requise, d’autant que le Qatar, bailleur de fonds pour le Hamas, est engagé dans la libération des otages. Reste dès lors la communication, surtout à usage domestique.
Pour Emmanuel Macron, arrivé en Israël après ses collègues européens et président d’un pays où vivent les plus importantes communautés musulmanes et juives d’Europe, la priorité est de montrer que la France est disponible. L’ex «politique arabe» est largement réduite à celle d’intermédiaire. En prenant garde à ce qu’aucun message venu du Proche-Orient n’envenime la situation délicate sur le plan national.