L'opération «Epées de fer» d'Israël a des objectifs clairs, mais elle n'a apparemment pas prévu de stratégie de sortie précise. L'armée israélienne veut détruire l'infrastructure du Hamas dans la bande de Gaza, éliminer l'organisation terroriste et, elle l'espère, libérer les otages. «Ce que le Hamas nous a fait subir est un traitement digne des nazis», a expliqué le général de brigade Amir Avivi aux médias. Il faudra probablement plusieurs mois pour «nettoyer toute la bande de Gaza. Il ne restera rien du Hamas», affirme l'Israélien.
Mais que se passera-t-il si la mission réussit? Que y aura-t-il après le Hamas? Le ministre de la Défense israélienne Yoav Gallant parle d'une nouvelle réalité sécuritaire dans laquelle Israël n'assume aucune responsabilité. Il ne précise pas à quoi elle pourrait ressembler.
L'offensive terrestre fera encore plus de victimes
Depuis la terreur infligée aux Israéliens le 7 octobre 2023, l'armée bombarde des bases du Hamas et Israël est continuellement attaqué par des roquettes depuis Gaza. Les combats avec le Hezbollah au nord se multiplient. En Cisjordanie également, Israël combat des cellules du Hamas et du Jihad islamique.
Les dommages collatéraux de la guerre sont déjà énormes: 6000 morts et 22'000 blessés – pour la plupart des civils – des villes en ruines, plus de 600'000 réfugiés palestiniens dans le sud de Gaza, pour la plupart sans électricité, sans eau, sans nourriture et sans médicaments. Une offensive terrestre ferait encore bien plus de victimes et attiserait la colère de la population arabe. L'Iran menace ouvertement d'intervenir.
Un embrasement généralisé entraînerait éventuellement les Etats-Unis ainsi que des pays occidentaux comme la Grande-Bretagne, la France, l'Italie et l'Allemagne dans la guerre. Le président américain Joe Biden a déjà averti Israël de ne pas se laisser guider par la colère et de ne pas commettre les mêmes erreurs que les Américains après les attentats du 11 septembre 2001. Il insiste pour que l'aide humanitaire soit plus importante, que la population palestinienne soit ménagée, et met en garde contre une occupation de la bande de Gaza par l'armée israélienne.
Grande inquiétude pour l'avenir des Palestiniens
Le dilemme apparaît également clairement lors de la réunion des ministres des Affaires étrangères de l'UE aujourd'hui à Luxembourg. Alors que le représentant de l'UE pour les affaires étrangères, Josep Borrell, exige un cessez-le-feu immédiat, Berlin s'y oppose. La deuxième grande préoccupation est l'avenir de Gaza. Tant l'UE que les Etats-Unis font pression pour une solution à deux Etats.
«Israël se concentre sur son action punitive, explique Walter Posch de l'Académie de défense nationale de Vienne à Blick, il faut affaiblir le Hamas de la manière la plus durable possible. Ensuite, la bande de Gaza pourrait être administrée au niveau international.» Selon l'islamologue, Israël ne veut pas dévoiler les détails de cette gestion. Un point important serait en outre de savoir «qui devrait payer la reconstruction».
Régime de sécurité international à Gaza
Lors de l'émission d'Anne Will sur la chaîne ARD dimanche soir, l'ambassadeur israélien en Allemagne, Ron Prosor, a estimé que 20 à 30% de la population soutenait l'organisation terroriste. Même si le Hamas était mis hors d'état de nuire, de nouvelles cellules terroristes pourraient rapidement se former. La haine d'Israël est profondément enracinée.
L'expert du Proche-Orient Peter Lintl s'interroge lui aussi sur la stratégie de sortie d'Israël. «Je pense qu'ils ne savent pas exactement ce qu'il adviendra de la bande de Gaza après la fin du Hamas, suppose ce politologue de la Fondation Science et Politique à Berlin. Ni quels acteurs prendraient en charge ce nouveau régime de sécurité international? Peut-être via un mandat de sécurité de l'ONU?»
Entre-temps, les solutions diplomatiques s'éloignent, selon Peter Lintl. Une solution à deux États n'est pour l'instant guère possible. «Les derniers sondages ont montré que seuls 30% de la population palestinienne, mais aussi israélienne, croient en une solution à deux États.» Et les pays voisins arabes sont sans horizon politique, poursuit l'expert. La situation est actuellement trop inextricable pour cultiver un réel espoir, a-t-il ajouté.