«Bonjour de Gaza, je suis toujours vivant.» Chaque matin au réveil, des Palestiniens de la bande côtière envoient par texto quelques mots à leurs proches hors du petit territoire bombardé sans relâche et soumis à un blocus israélien.
L'armée israélienne pilonne la bande de Gaza, en particulier la nuit, depuis l'attaque menée sur ISraël le 7 octobre par le Hamas. La guerre a tué des milliers de personnes, majoritairement des civils de part et d'autre.
Conséquence du «siège complet» annoncé par Israël deux jours après l'attaque, l'approvisionnement en électricité de la bande de Gaza a été coupé. Cette pénurie d'énergie entrave très largement les communications entre le reste du monde et le territoire palestinien, plongée dans l'obscurité.
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Peut-être le dernier
«J'enregistre ce message, qui pourrait être le dernier, même si je ne l'espère pas», écrit à ses collègues depuis Beit Lahia (nord) Mahmoud Shalabi, cadre de l'ONG britannique Medical Aid for Palestinians. Puis il leur raconte sa journée ponctuée de «bombardements qui touchent tout le monde». Et de conclure: «Je ne quitterai pas ma maison (...) je mourrai débout, ma seule existence sur cette terre est un témoignage de résistance.» L'armée israélienne a demandé aux habitants du nord du petit territoire d'aller vers le sud.
Solennité et désespoir émaillent les messages aux amis, aux confrères, au monde, via les réseaux sociaux. «C'est le genre de phrase que j'essaie d'interrompre tout de suite, quand ils me disent 'S'il nous arrive quelque chose, prends soin de toi'», raconte Walid, un Gazaoui installé à Paris, qui ne veut pas donner son nom de famille.
Le jeune homme ne parvient pas à avoir ses parents en ligne tous les jours. «Parfois j'appelle dix fois de suite, et je n'ai aucune tonalité, parfois, je reçois un message envoyé la veille, parfois, j'arrive à les avoir en ligne, mais ça coupe au bout de 30 secondes», raconte-t-il.
«On ne peut pas s'appeler»
Faute de 3G dans la bande de Gaza, pour se parler, il faut utiliser des lignes fixes, qui sont rares, ou internet, qui demande de l'électricité, tout aussi rare. Certains utilisent des générateurs, qui nécessitent du carburant, en pénurie aussi, d'autres des batteries de voiture. «Ma famille s'est résolue à alimenter ses générateurs avec de l'huile alimentaire afin de recharger ses téléphones», assure Hebh Jamal, une Gazaouie qui vit à Mannheim, en Allemagne.
Deux des trois principales lignes de communication mobile et internet ont été détruites par les frappes aériennes, selon le Bureau de coordination des affaires humanitaires de l'ONU (OCHA). «On ne peut pas s'appeler», raconte Mme Jamal, qui dit n'avoir aucune nouvelle d'une partie de sa belle-famille.
Pour ceux qu'elle arrive à joindre, elle décrit ainsi les échanges: «'Ils ont bombardé votre zone à Khan Younès aujourd'hui, est-ce que tout le monde va bien?', 'Ce n'était pas sur notre maison, Dieu merci, nous sommes vivants'.»
Travail journalistique difficile
Après plusieurs heures sans nouvelles, Walid dit s'être retrouvé à «regarder les visages des victimes de bombardements sur Al-Jazira», «seul moyen d'avoir des nouvelles en direct et encore, pas toujours». Les journalistes locaux sont soumis aux mêmes contraintes que le reste de la population. Quant aux journalistes étrangers, ils n'ont pas accès au territoire.
Depuis la Haute-Savoie (France), Wafa Eleiwa appelle ses parents, âgés de 63 ans, toutes les heures pour parvenir à leur parler une fois. Il n'ose pas leur demander «ce qu'ils ont à manger» alors que toutes les denrées manquent, selon les organisations internationale d'aide humanitaire. «Les gens sont choqués», détaille Wafa, qui insiste sur la difficulté à échanger avec ses proches qui «ont peur pour leur vie» ou ont perdu des membres de leur famille.
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Des SOS en vain
Dans ce climat de restrictions et d'angoisse, beaucoup craignent les rumeurs et la propagande. «On est complètement déconnecté», décrit Jamileh Tawfiq, journaliste et écrivaine de 26 ans, déplacée à Khan Younès avec toute sa famille.
Ses parents demandent à son frère, hors de Gaza, comment les pays arabes réagissent, ou combien de personnes sont mortes. «Quand j'ai des nouvelles des autres (dans la bande de Gaza), c'est par accident», dit-elle.
La jeune femme sort du centre de formation où elle s'est installée temporairement, et doit marcher plus d'une dizaine de minutes, avec le risque d'être piégée par les bombardements, pour capter un réseau. «Raconter ce qui se passe ici me tient à cœur, c'est une responsabilité importante», confie Jamileh Tawfiq, qui a «toujours peur de perdre le contact».
Après avoir lancé des SOS, Gaza a peur de ne plus pouvoir répondre.
(AFP)