«Les civils ne doivent pas avoir à souffrir des atrocités du Hamas», a affirmé le secrétaire d'Etat américain Antony Blinken, revenu lundi en Israël après une tournée dans plusieurs pays arabes, alors que se dessine le scénario d'une offensive terrestre israélienne contre le mouvement islamiste palestinien.
Pour l'Organisation mondiale de la Santé, Gaza est menacé d'une «vraie catastrophe» humanitaire dans les 24 heures si l'aide d'urgence ne lui parvient pas.
L'Europe va dès lors ouvrir un couloir aérien humanitaire vers la bande de Gaza, a annoncé lundi la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen. Les Palestiens de Gaza ne peuvent «pas payer le prix de la barbarie du Hamas», a-t-elle expliqué.
Plusieurs vols vont avoir lieu vers l'Egypte «pour acheminer des fournitures vitales aux organisations humanitaires sur le terrain à Gaza. Les deux premiers vols auront lieu cette semaine, transportant du fret humanitaire de l'UNICEF, des médicaments et des kits d'hygiène», a précisé en soirée un communiqué, sans donner de détails sur les modalités d'acheminement de ces aides vers Gaza, sous blocus total depuis le 7 octobre.
Le bilan s'alourdit
Ripostant à l'attaque d'une ampleur sans précédent lancée le 7 octobre sur son sol, Israël a promis «d'anéantir» le Hamas, au pouvoir dans la bande de Gaza depuis 2007, et déclenché une intense campagne de frappes sur le territoire.
Lundi après-midi, des sirènes d'alerte à la roquette ont été entendues à Jérusalem, après de nouveaux tirs de roquette du Hamas dimanche vers Israël.
Plus de 1400 personnes sont mortes en Israël depuis le début de la guerre, la plupart des civils tués le jour de l'attaque. Le Hamas a en outre capturé 199 otages, selon Israël.
Les représailles israéliennes ont tué au moins 2750 personnes à Gaza, en majorité des civils palestiniens, dont des centaines d'enfants, selon les autorités locales.
Israël exhorte depuis vendredi les habitants du nord de Gaza, soit environ 1,1 million de personnes sur un total de 2,4 millions, à fuir vers le sud, affirmant frapper la ville de Gaza pour y détruire le centre des opérations du Hamas.
«Aucun endroit sûr»
Lundi, des centaines de Palestiniens étaient massés à la frontière avec l'Egypte, dans l'espoir d'une ouverture du point de passage de Rafah.
«Nous sommes à la frontière depuis trois jours», raconte Ahmad Al Qassas, qui détient la citoyenneté allemande. «De plus en plus de personnes viennent ici pour être en sécurité mais on entend toujours des tirs d'artillerie autour de nous. Il n'y a vraiment aucun endroit sûr à Gaza».
Pour preuve, une nouvelle frappe a touché le secteur du point de passage de Rafah entre la bande de Gaza et l'Egypte lundi. Trois frappes israéliennes avaient déjà touché cette zone, selon des journalistes d'AFP.
«Pas d'électricité, pas d'eau, pas d'internet. Je sens que je perds mon humanité», confie Mona Abdel Hamid, une Palestinienne de 55 ans. Elle aussi a gagné Rafah, où l'aide humanitaire venue de plusieurs pays afflue du côté égyptien sans pouvoir passer la frontière.
Un million de personnes, selon l'ONU, ont fui en une semaine vers le sud de la bande de Gaza, un micro-territoire de 362 kilomètres carrés placé en état de siège, coincé entre Israël, la Méditerranée et l'Egypte.
Mais le point de passage de Rafah, seule ouverture de la bande de Gaza sur le monde extérieur, contrôlé par l'Egypte, est actuellement fermé.
Couloirs humanitaires
Le président égyptien, Abdel Fattah al-Sissi, dont le pays accueillera samedi un sommet sur la question palestinienne, a affirmé la semaine dernière que les habitants de la bande de Gaza devaient «rester sur leur terre».
Lundi, la Ligue arabe a exigé l'arrêt des «opérations militaires» à Gaza et la mise en place de couloirs humanitaires.
L'armée israélienne a indiqué qu'elle s'"abstiendrait» de frapper lundi matin les couloirs d'évacuation. Mais Israël comme le Hamas ont démenti des informations faisant état d'une trêve pour laisser entrer l'aide humanitaire ou sortir les étrangers.
«Il n'y a pas de cessez-le-feu et d'entrée d'aide humanitaire dans Gaza», a affirmé le bureau du premier ministre israélien, Benjamin Netanyahu.
«Nous sommes au début d'opérations militaires d'ampleur dans la ville de Gaza», située dans le nord du territoire, a déclaré lundi un porte-parole de l'armée, Jonathan Conricus. «Les civils ne seraient pas en sécurité s'ils restaient ici», a-t-il averti.
A Rafah, où «un camp de fortune a été installé», «les gens manquent de nourriture, d'électricité et d'eau pour répondre à leurs besoins de base», a déclaré William Schombug, un responsable du Comité international de la Croix-Rouge.
Tension à la frontière libanaise
La tension est très vive aussi à la frontière nord avec le Liban, où Israël a commencé lundi à évacuer des milliers d'habitants dans 28 localités après des accrochages meurtriers ces derniers jours entre le Hezbollah pro-iranien, allié du Hamas, et l'armée israélienne.
Le 7 octobre à l'aube, en plein Shabbat, le repos juif hebdomadaire, des centaines de combattants du Hamas ont infiltré Israël par la terre et les airs, tuant plus d'un millier de civils et semant la terreur sous un déluge de roquettes. Environ 270 personnes, d'après les autorités, ont été abattues ou brûlées dans leur voiture quand les combattants ont fait irruption dans un festival de musique.
Le Hamas, classé organisation terroriste par les Etats-Unis, l'Union européenne et Israël, a enlevé 199 personnes lors de l'attaque, selon Israël qui a annoncé avoir retrouvé lors d'incursions à Gaza «des cadavres» d'otages. Le mouvement palestinien avait fait état de 22 otages tués dans les raids israéliens.
La présence de ces otages sur le sol de Gaza rend plus compliquée encore toute offensive terrestre, une perspective terrifiante de combats au coeur d'une ville à l'extrême densité de population, au sous-sol parsemé de souterrains.
Une «grave erreur»
En riposte à l'attaque, la plus meurtrière contre son territoire depuis sa création en 1948, Israël a massé des dizaines de milliers de soldats autour de la bande de Gaza. L'armée a annoncé avoir récupéré sur le sol israélien les corps de 1500 combattants du Hamas.
Le président américain Joe Biden a encore une fois appelé au calme et averti qu'une nouvelle occupation par Israël de la bande de Gaza serait une «grave erreur», alors que le Conseil de sécurité de l'ONU doit se réunir une nouvelle fois dans la nuit de lundi à mardi.
Israël a occupé Gaza de la guerre des Six Jours en 1967 à 2005.
Le Moyen-Orient est «au bord de l'abîme», a averti dimanche le secrétaire général de l'ONU Antonio Guterres, appelant le Hamas à libérer tous les otages et Israël à autoriser l'entrée de l'aide humanitaire dans la bande de Gaza.
Les Etats-Unis, ainsi que l'Allemagne, ont appelé l'Iran, un allié du Hamas et du Hezbollah libanais, à ne pas étendre le conflit.
Via des agences de presse, le ministre iranien des Affaires étrangères a averti lundi que le temps pressait «pour trouver des solutions politiques» afin que «la propagation» de la guerre entre Israël et le Hamas ne devienne «inévitable».
Par ailleurs, le président iranien, Ebrahim Raïssi, a prévenu, au cours d'un entretien téléphonique avec son homologue russe Vladimir Poutine, qu'une «attaque terrestre» de l'armée israélienne sur Gaza «entraînerait une guerre longue et sur de multiples fronts», selon un message envoyé par Mohammad Jamshidi, l'un de ses conseillers politiques.
Siège complet
Soumise à un blocus israélien terrestre, aérien et maritime depuis que le Hamas y a pris le pouvoir en 2007, la bande de Gaza est placée en état de «siège complet» depuis le 9 octobre par Israël, qui y a coupé les approvisionnements en eau, en électricité et en nourriture.
La coordonnatrice humanitaire de l'ONU pour les Territoires palestiniens, Lynn Hastings, a regretté qu'Israël «associe l'aide humanitaire à Gaza à la libération des otages».
Seule lueur d'espoir, l'eau est revenue dans certaines localités du sud du territoire, où la situation reste toutefois très compliquée.
«Chaque jour, nous réfléchissons à la façon d'économiser l'eau. Si l'on prend une douche, on ne boira pas d'eau», regrette Assem, un habitant de Khan Younès, une ville de 400'000 habitants dont la population a plus que doublé en quelques jours.
(ATS)