Le pari est perdu. Le gouvernement français n’a pas été renversé lundi 20 mars. Mais Emmanuel Macron et sa première ministre ont conjointement subi une lourde défaite, lorsque 278 députés se sont ralliés à la motion de censure «transpartisane» (la seconde était présentée par le Rassemblement national).
À neuf voix près (l’actuelle majorité est à 287 voix), Élisabeth Borne a failli devoir faire ses valises. Le scénario d’une reconfiguration majoritaire avec la droite traditionnelle et la soixantaine de députés «Les Républicains» n’est plus d’actualité. Ceux-ci sont divisés. Une partie d’entre eux est désormais en lutte ouverte avec ce président qui, il faut le redire, n’a cessé depuis 2017 de mordre sur leur électorat conservateur.
Bien plus qu’un ratage politique
Ce pari perdu est bien plus qu’un ratage politique ponctuel. Il marque du discrédit démocratique une réforme des retraites dont le gouvernement a fait le pilier de son action, désormais ternie par le passage en force sans vote à l’Assemblée. Comment, dès lors, expliquer aux Français, qui devront travailler jusqu’à 64 ans au lieu de 62 (si la loi entre en vigueur), que cette réforme est légitime? Comment ne pas inciter, au vu du chaos ambiant, les juges du Conseil constitutionnel à retoquer ce texte présenté comme un budget rectificatif de la sécurité sociale?
La faille ouverte par les huit journées de mobilisation sociale et de grève court désormais sous les pieds de la République. Le gouvernement demeure en place, dans les règles fixées par la constitution. Élisabeth Borne n’a pas été «tuée» politiquement en direct. Mais son maintien s’avérera à coup sûr une bombe politique à retardement.
L’annonce des résultats de la motion de censure
La réalité est qu’aucune sortie de crise institutionnelle, aujourd’hui, ne paraît susceptible de faire baisser la tension ambiante. Bien sûr, l’abandon du projet de loi sur les retraites calmerait le jeu, à la veille d’une nouvelle journée d’action des syndicats ce jeudi, et alors que le blocage des raffineries s’installe. Et après?
Du côté des marchés financiers, appelés à la rescousse pour refinancer la dette publique française, le doute s’installera. Les voisins européens de la France, dont le système de retraites est bien moins généreux, verront en Emmanuel Macron un «perdant», incapable de mener les réformes promises. Plus grave: les oppositions radicales sortiront renforcées de l’épisode. La convalescence post-réforme avortée des retraites ressemblera à une agonie.
L’autre sortie possible pour Emmanuel Macron est celle des urnes. Soit en décidant un futur référendum sur la question des retraites sur la base d’un nouveau projet de loi à écrire avec les partenaires sociaux – ce que Blick suggère depuis le début. Soit en prononçant la dissolution de l’Assemblée nationale, en misant sur les fractures de l’opposition parlementaire actuelle et la possible peur du chaos. Dans tous les cas, l’air politique restera irrespirable.
Nous avons souvent écrit que ce quinquennat s’est achevé avant même d’avoir commencé. Cette motion de censure rejetée à neuf voix près confirme ce scénario. Un scénario de plus en plus intenable.