C'est la question que tout le monde se pose, en France comme à l'étranger: la bataille politique sur la réforme des retraites sera-t-elle fatale à Emmanuel Macron, réélu président de la République française voici moins d'un an, le 24 avril 2022, avec 58% des suffrages face à Marine Le Pen?
A 45 ans, le jeune chef de l'État a en effet tout à perdre si sa réforme est finalement abandonnée, et si la crise actuelle bascule dans l'affrontement et le chaos politique. Comment peut-il s'en sortir? Et pourquoi cette épreuve est, de loin, la plus redoutable depuis son arrivée à l'Élysée, en mai 2017? Explications.
Scénario 1: Macron jette l'éponge et quitte le pouvoir
On ne peut pas l'exclure. Cette hypothèse n'est pas la plus probable, mais elle sera posée si le gouvernement d'Elisabeth Borne est renversé par le vote d'une des deux motions de censure qui seront présentées aux députés par l'opposition, ce lundi 20 mars. Le dépôt d'une motion de censure est le rituel après l'utilisation de l'article constitutionnel 49.3, qui permet l'adoption d'un projet de loi sans vote.
C'est ce qui a eu lieu jeudi 16 mars vers 15 heures. L'exécutif, qui redoutait de ne pas avoir de majorité s'il présentait la réforme au vote, a joué son va-tout. En contrepartie, il s'expose à une possible censure. Mais les chiffres sont pour l'heure assez formels: les opposants à Macron ne devraient pas réunir lundi les 287 voix nécessaires (la majorité absolue est à 289 voix, mais deux sièges de députés sont non pourvus).
Si le contraire devait arriver, en revanche, ce serait un coup de tonnerre. Un seul gouvernement français a été renversé: celui dirigé par Georges Pompidou en 1962, après la proposition du Général de Gaulle de faire élire le président au suffrage universel. Une majorité de députés ne le voulaient pas. De Gaulle a ensuite obtenu gain de cause en faisant voter sa loi par référendum le 28 octobre 1962.
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Dans le cas où la Première ministre Elisabeth Borne serait censurée, Emmanuel Macron se retrouvera encore plus le dos au mur. Il pourra la renommer, mais au risque d'une invraisemblable crise politique. Il pourra, sinon, choisir un autre Premier ministre, par exemple issu de la droite, comme le propose l'ancienne ministre de la Justice Rachida Dati. Il pourra, enfin, dissoudre l'Assemblée nationale élue en juin 2022, où son camp ne dispose que d'une majorité relative avec 245 sièges. Autre issue: le séisme. Emmanuel Macron démissionne.
Probabilité: 2/10
Scénario 2: Macron garde les rênes et calme le jeu
C'est sans doute ce que veut le président français. Mais comment faire? Une grande partie des manifestants opposés au projet de réforme des retraites lui vouent une haine désormais insurmontable. Le gouvernement d'Elisabeth Borne sort lessivé de cette crise. Les partenaires étrangers de la France voient dorénavant le locataire de l'Élysée comme un dirigeant fragilisé, ce qui est le cas.
Restent deux réalités: la Constitution française le protège, jusqu'à la fin de son second mandat en 2027 (il ne pourra pas se représenter). Et les oppositions sont fracturées, sans majorité de remplacement en cas de dissolution d'après les sondages et les politologues.
La force d'Emmanuel Macron, outre sa position institutionnelle, est qu'il a pour lui sa cohérence. Cette réforme des retraites faisait partie de son programme présidentiel de 2022. Elle correspond à sa volonté de moderniser le pays. Elle répond aux exigences financières internationales, compte tenu de l'endettement record actuel de la France, et des tensions engendrées par la guerre en Ukraine.
Macron peut aussi espérer que les manifestants, s'ils plongent dans la violence, deviendront impopulaires. On peut donc parier sur le fait qu'il va d'abord jouer la montre, si les motions de censure sont rejetées. Une nouvelle journée de mobilisation sociale est prévue le 23 mars, à l'appel des syndicats. Mais pour garder vraiment les rênes, il lui faut trouver un nouveau souffle. Or, on ne le voit pas. Pas simple, dès lors, de calmer le jeu.
Pronostic: 8/10 (à court terme)
Scénario 3: Macron va à l'affrontement – dissolution ou référendum
Le président français aime le combat politique. Il aime aussi aller «au contact». Il l'a prouvé, quitte à se prendre une gifle en juin 2021 lors d'un déplacement. Il avait aussi, en janvier 2019, réussi à mettre un terme à la crise des «gilets jaunes» en lançant le Grand débat national, et en effectuant un tour de France. Alors? L'affrontement. Oui, c'est possible. Avec deux possibilités.
La première est une dissolution de l'Assemblée nationale. Macron renverrait les députés aux urnes et la balle aux électeurs, quitte à risquer une déferlante électorale en faveur de la France Insoumise (LFI, gauche radicale) et du Rassemblement national (RN, droite nationale-populiste).
Le président français peut décider seul d'une dissolution. Il ne pourra pas, en revanche, dissoudre de nouveau avant un an la prochaine assemblée. Avantage: la clarté institutionnelle. La victoire de la démocratie représentative sur les violences urbaines et la guérilla sociale. Quitte à devenir, si l'opposition est victorieuse aux législatives, un président en cohabitation, comme ce fut le cas pour François Mitterrand en 1986 et 1993 et Jacques Chirac en 1997.
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La seconde option est celle que nous avons défendu, chez Blick, depuis le début: le recours au référendum. Soumettre aux Français le projet de réforme des retraites qui n'a pas été soumis au vote du parlement. Le présenter comme un choix de société. En France, une grande partie de la classe politique s'y refuse.
Mais la France Insoumise et le RN l'ont proposé. Emmanuel Macron pourrait proposer un référendum législatif aux termes de l'article 11 de la constitution. Celui-ci prévoit que le peuple peut être consulté «à propos de tout projet de loi portant sur l’organisation des pouvoirs publics, sur des réformes relatives à la politique économique, sociale ou environnementale de la nation et aux services publics qui y concourent, ou tendant à autoriser la ratification d’un traité qui, sans être contraire à la Constitution, aurait des incidences sur le fonctionnement des institutions». La question, ensuite, sera de savoir quelles conséquences Emmanuel Macron tirerait, ou non, d'un éventuel désaveu populaire.
Pronostic: 5/10 (7/10 à moyen terme)