Deux frappes massives, et deux analyses de situation très différentes. Entre l’envoi de près de 300 roquettes et drones par l’Iran dans le ciel d’Israël le 13 avril et l’attaque de plus d’une centaine de missiles déjouée par le «dôme de fer» israélien le 1er octobre, des différences majeures inquiètent les experts et nourrissent le débat sur les capacités militaires réelles de la République islamique.
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La première attaque de l’Iran contre l’État hébreu, le 13 avril 2024, consistait avant tout en l’envoi de drones et de roquettes faciles à intercepter par la défense antiaérienne avant d’atteindre leurs cibles. La volonté de Téhéran de saturer le «dôme de fer» qui protège Israël était évidente, mais le déroulement de cette opération, dont les services de renseignement américains avaient été tenus informés, témoignait paradoxalement d’une volonté de ne pas aller plus loin dans l’escalade. Ce qui n’a pas d’ailleurs pas été le cas, au vu de l’élimination le 31 juillet à Téhéran d’Ismaël Haniyeh, chef politique du Hamas, tué dans une maison des hôtes du gouvernement au lendemain de l’investiture du nouveau président Masoud Pezeshkian.
Missiles à grande vélocité
La seconde attaque aérienne de l’Iran, ce mardi 1er octobre, est d’une autre nature. Sa composante est pour l’essentiel faite de missiles, dont certains à grande vélocité, susceptibles de causer de très graves dommages humains et matériels s’ils avaient atteint leurs cibles. Le régime de Téhéran affirme en outre officiellement ne pas avoir informé les États-Unis au préalable, contrairement aux dires des médias américains. En théorie, l’Iran a donc haussé sa menace militaire de façon très significative. Ce qui engendre des inquiétudes sur le type de riposte que choisira Israël. Le bombardement des sites nucléaires iraniens fait bien sûr partie des possibilités.
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Un élément, toutefois, est essentiel dans l’évaluation du risque d’engrenage. Il s’agit de la juste prise en compte, par Israël et ses alliés, de l’arsenal iranien. Le régime de Téhéran a-t-il les moyens de livrer une guerre totale, et de soutenir un assaut aérien durable de la part de l’État hébreu? De quoi dispose-t-il si l’escalade n’est plus contrôlée? La revue française «Défense» a publié sur ce sujet, en mai 2024, un article très détaillé d’un chercheur, Patrick Michon. Sa question est la bonne: «Peut-on comparer la montée en puissance de l’industrie militaire iranienne avec l’industrie turque ou celles du Pakistan?». De quels équipements sophistiqués dispose l’Iran et le bras armé du régime des mollahs, les Gardiens de la révolution?
Le chercheur apporte dans son article trois réponses qui pèseront lourd dans la décision de riposte d’Israël (soutenu par les États-Unis) et dans le choix des cibles en Iran ou dans les pays qui abritent des «proxys» du régime de Téhéran: le Liban (Hezbollah chiite), le Yémen (Houthis chiites) ou l’Irak (milices chiites).
Première question: le nucléaire. Oui, l’Iran dispose d’uranium enrichi indispensable à la fabrication de l’arme atomique qu’il ne détient toujours pas. Selon le dernier rapport de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) publié en juin 2024, Téhéran est le seul État non doté de l’arme nucléaire à enrichir de l’uranium jusqu’à 60%. Avec cette réserve: pour une application militaire, le taux d’enrichissement doit s’approcher de 90%.
Toujours selon ce rapport, l’Iran possédait 6201,3 kg d’uranium enrichi alors que l’accord de 2015 (dénoncé en 2018 par Donald Trump, alors président) fixait la limite à 202,8 kg. Le danger existe. Certains experts affirment même que l’Iran pourrait tenter un essai nucléaire souterrain, pour accréditer cette menace. Reste que personne ne croit l’Iran capable de concevoir une bombe et de la faire porter par un missile balistique suffisamment performant. Il n’y a donc pas à ce sujet de mensonges, mais des doutes très sérieux sur la capacité offensive nucléaire iranienne, d’autant qu’au moins cinq chercheurs iraniens travaillant sur l’atome ont été tués depuis 2012, dont le père du programme militaire, Mohsen Fakhrizadeh en novembre 2020.
La question des missiles
Deuxième question: les missiles. On sait qu’une coopération existe aujourd’hui entre la Russie et l’Iran sur ce sujet. Dernier-né de l’arsenal militaire iranien, le Fatah peut voler à une vitesse située entre Mach 13 et Mach 15 (entre 16'000 et 18'500 km/h) et peut parcourir une distance de 1400 kilomètres. Opérationnel depuis 2023, il est produit par la Force aérospatiale des Gardiens de la révolution islamique.
On sait aussi qu’il existe des stocks importants de missiles Fateh 110, Zolfaghar ou Qiam 1. Restent que les sanctions occidentales limitent considérablement les performances technologiques du complexe militaro-industriel iranien, en particulier pour les systèmes de guidage et pour l’aspect «furtif» indispensable pour déjouer les défenses antiaériennes. «Les capacités de l’Iran ne sont plus l’objet de sarcasmes, note le chercheur français Patrick Michon. Ces missiles sont fournis secrètement à des organisations comme le Hezbollah, mais leurs conditions de maintenance sont sans doute loin de celles des forces américaines, qui approvisionnent Israël.
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Quelle capacité antiaérienne?
Troisième question: la capacité antiaérienne de l’Iran. Cet aspect est crucial car si Israël attaque et que l’Iran ne peut déjouer ou limiter les frappes, les destructions pourraient être énormes. On sait que la Russie s’est engagée à fournir à son allié «des avions de chasse de pointe et une technologie de défense aérienne ainsi que des batteries de missiles antiaériens russes S-300» dont la livraison prévue en 2007 avait été alors bloquée par les Occidentaux.
Les S-300 iraniens sont devenus opérationnels depuis 2019 et Téhéran a tenté de se procurer le système S-400, qui pourrait détecter et détruire les avions de chasse furtifs d’Israël et des États-Unis. Mais là, rien n’est sûr. Il est certain en revanche que la force aérienne iranienne est largement un leurre. Le soi-disant avion furtif Qaher 113 serait même un subterfuge. Ses images auraient été retouchées sur Photoshop. La puissance du régime de Téhéran est celles des drones, notamment les Shahed fournis en grand nombre à la Russie pour pilonner l’Ukraine. Mais leur capacité contre Israël est moindre.
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Conclusion? «Tous les pays masquent les performances réelles de leurs arsenaux, soit pour minimiser leurs capacités, soit pour impressionner», note Patrick Michon dans la revue 'Défense'. Dans le cas de l’Iran, nous ne pouvons qu’être étonnés de l’amateurisme avec lequel ces gesticulations sont parfois effectuées.» De quoi nourrir les arguments, côté israélien, des partisans d’une action préventive pour anéantir une menace avant qu’elle ne soit matérialisée.