Hassan Nasrallah est mort sous les bombes israéliennes. Cette seule phrase semblait, il y a quelques mois, impensable. Après l’assaut terroriste du Hamas le 7 octobre 2023, l’État hébreu semblait plus en difficulté que jamais, pris au risque d’un enlisement fatal dans la bande de Gaza, dévastée par ses troupes en riposte au massacre de plus de 1100 Israéliens.
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Les roquettes et missiles s’abattaient presque chaque jour sur le nord d’Israël, forçant plus de 70'000 personnes à l’exode. Puis la guerre à distance contre le Hezbollah libanais s’est engagée. Et de ce bras de fer meurtrier, Benjamin Netanyahu sort aujourd’hui vainqueur incontestable. Hassan Nasrallah vient d’être éliminé, après plusieurs commandants du Hezbollah et des centaines de cadres du mouvement chiite libanais, mutilés par l’explosion de leurs bipeurs.
Cette victoire intervient à un moment décisif. A quelques jours de la commémoration du 7 octobre, ce «pogrom» qu’Israël a juré de venger, en tuant tous ceux qui l’ont commandité ou y ont participé. Mais quel sera le prix de cette victoire militaire acquise grâce à la supériorité technologique de l’armement israélien, et à l’extraordinaire maîtrise de ses services de renseignements qui ont même réussi à tuer, le 31 juillet dernier, le leader politique du Hamas Ismaïl Haniyeh dans une frappe sur la maison d’hôtes où il se trouvait, en plein cœur de Téhéran, la capitale iranienne. Ce prix risque en effet d’être très lourd. Au moins sur ces trois fronts, toujours béants après les opérations réussies de l’armée israélienne qui n’est toujours pas intervenue au sol, au Liban sud, contre l’armée du Hezbollah.
Supériorité militaire incontestée
Le prix géopolitique. La supériorité incontestée de l’armée israélienne va-t-elle casser les dernières velléités de résistance du peuple palestinien, et briser les reins du mouvement chiite au Liban sud? L’Iran, aujourd’hui durement frappé par les sanctions économiques occidentales, et en danger d’autres opérations d’assassinat ciblées de la part d’Israël, va-t-il enfin changer de posture et cesser d’armer ces «proxys» pour s’en prendre à l’État hébreu? C’est très peu probable. Oui, le régime des Mollahs est en grande difficulté. Oui, Benjamin Netanyahu peut se prévaloir d’une victoire. Oui, tous ceux qui s’en prennent à Israël ont peur. Mais l’histoire a montré que la volonté de vengeance est vraie des deux côtés. Aujourd’hui, le peuple palestinien est à genoux. Les chiites libanais sont humiliés. Les puissances arabes peuvent-elles les abandonner et négocier sur leurs cadavres? Ou, au contraire, risque-t-on d’assister à l’ouverture d’un autre front?
Le prix de la peur pour les juifs. Israël se bat avec la force qu’on lui connaît. Sa riposte est impitoyable. Mais le prix de cette riposte, à Gaza, est un bilan en pertes humaines sans précédent. Plus de 40'000 morts dans le territoire palestinien. Et maintenant, des frappes aériennes sur la capitale libanaise, et sur le sud Liban, qui font des centaines de morts. Le résultat le plus probable, malgré le recueillement mondial à l’occasion du 7 octobre, sera une montée de l’antisémitisme. Israël transforme, de facto, tous les juifs des pays occidentaux en cibles potentielles. Le prix de la peur est surtout payé par les communautés juives d’Europe, exposées à une cohabitation de tous les jours avec d’importantes communautés musulmanes. Benjamin Netanyahu a, il est vrai, une réponse: que tous les juifs viennent résider en Israël et y trouvent refuge.
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Victoire et vulnérabilité
Le prix de la surenchère militaire. Israël a toujours, dans son histoire, connu des moments de gloire et des moments de vulnérabilité. Aujourd’hui, avec la mort de Hassan Nasrallah, frappé dans son QG de Beyrouth enterré sous des immeubles d’habitation, l’armée israélienne enregistre un de ses plus beaux succès. Mais la condition de cette supériorité est une surenchère militaire permanente. Israël est toujours plus tributaire des livraisons d’armes américaines, indispensables à ses opérations. Et cette surenchère a un coût, y compris financier. Le pays est désormais entièrement suspendu à cette guerre. Le débat démocratique reste vif en Israël, où des manifestations quotidiennes demandent le départ de Netanyahu. Mais l’extrême-droite s’installe aux commandes. L’État hébreu demeure assiégé. Cette réalité ne va pas disparaître.
Le prix politique. Benjamin Netanyahu est en train d’obtenir ce qu’il cherchait: apparaître, pour la commémoration du 7 octobre, comme l’homme qui n’a jamais cédé aux pressions internationales et qui a éliminé les ennemis d’Israël. Cela, au prix d’une politique de la guerre permanente et d’une humiliation sans précédent de la population palestinienne. La démocratie israélienne peut-elle reprendre le contrôle? La coalition de droite et d’extrême-droite au pouvoir ne va-t-elle pas être encore plus tentée de pousser son avantage, par exemple dans les territoires occupés, avec l’expansion des colonies? Le glaive d’Israël reste sa suprême garantie. Il peut aussi faire très mal à sa société. Et à ses institutions.