Sommet en Moldavie
Von der Leyen, Macron, Scholz, Zelensky: qui est l'Européen N°1 face à Moscou?

Le président suisse Alain Berset était à leurs côtés au sommet de la Communauté politique européenne en Moldavie. Entre Von der Leyen, Macron, Scholz et Zelensky, la course pour le leadership européen bat son plein.
Publié: 01.06.2023 à 18:12 heures
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Dernière mise à jour: 01.06.2023 à 20:53 heures
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La «photo de famille» prise en Moldavie.
Photo: DUKAS
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Richard WerlyJournaliste Blick

Quatre visages pour un sommet regroupant 47 pays, au niveau des chefs d’État ou de gouvernement. A Chisinau, la capitale de la Moldavie, Ursula von der Leyen, Emmanuel Macron, Olaf Scholz et Volodymyr Zelensky n’étaient pas les «patrons» de la seconde réunion de la Communauté politique européenne (CPE), à l’invitation de la présidente Moldave Maia Sandu. Alain Berset, le président de la Confédération, y a aussi assisté. Mais face à Vladimir Poutine, et compte tenu de la nature de la CPE – nouvelle arène de dialogue géopolitique à l’échelle du continent – ces quatre dirigeants-là pèsent lourd. Avec chacun des forces et des faiblesses. Voici pourquoi.

Ursula von der Leyen – offensive et clivante

A 64 ans, la présidente de la Commission européenne est arrivée jeudi à Chisinau en pole-position. Elle est, depuis l’agression russe contre l’Ukraine du 24 février 2022, l’une des dirigeantes qui s’est le plus affichée aux côtés de Volodymyr Zelensky (également présent à Chisinau), et une fervente partisane de l’acceptation de la candidature de l’Ukraine et de la Moldavie à l’Union, en juin 2022. Elle a fait de la solidarité avec Kiev la cause principale de son mandat, qui s’achèvera en juillet 2024, après les élections européennes du début juin.

Les dirigeants des 27 pays membres de l’UE devront alors tenir compte des résultats du scrutin avant de décider, ou non, de la reconduire pour cinq ans à la tête de l’exécutif communautaire, une «machine» de près de 30’000 fonctionnaires qui gère les 1074 milliards d’euros du budget européen pour la période 2021-2017, dont les fameux fonds dédiés à l’élargissement qui intéressent tous les pays candidats.

L’offensive von der Leyen connaît toutefois de sérieuses embûches. Des soupçons de conflits d’intérêts pèsent toujours sur elle dans l’attribution des mirifiques contrats de vaccins à Pfizer, le géant pharmaceutique avec lequel son époux est professionnellement lié. Autre casserole: la révélation récente d’une de ses conversations téléphoniques avec l’ex-Premier ministre bulgare Kiril Petkov, auquel elle aurait fait des promesses pour «contourner» les règles d’entrée dans la zone euro.

De quoi alimenter les inquiétudes de tous ceux qui, au sein de l’UE, redoutent un élargissement accéléré à l’Ukraine, et un manque d’impartialité de la Commission. L’ancienne ministre de la Défense allemande (2013-2019) est aussi perçue comme trop proaméricaine, au point que certains l’imaginent déjà remplacer l’actuel secrétaire général norvégien de l’OTAN, Jens Stoltenberg, lors du sommet de Vilnius les 11 et 12 juillet.

Points forts: Femme à poigne, tenace, médiatique
Points faibles: Suscite la jalousie, manque de concertation avec les 27

Emmanuel Macron – visionnaire et irritant

Le président français de 45 ans n’a pas raté son entrée au sommet de Chisinau. Il a prononcé la veille, lors d’une rencontre à Bratislava (Slovaquie) un éloquent et brillant discours sur la nécessité de construire en accéléré une défense européenne digne de ce nom, compatible avec l’OTAN, et capable de fournir «des garanties de sécurité tangibles et crédibles à l’Ukraine» en étant «beaucoup plus ambitieux».

Plus que jamais, la force de Macron est d’être l’une des «boîtes à idées» sur l’avenir de l’UE, et ce sommet moldave de la Communauté politique européenne lui doit d’ailleurs beaucoup. C’est lui qui avait lancé cette idée en mai 2022, en réponse à l’offensive russe.

Le problème, logique, est que le fait d’avoir des idées l’expose aux critiques et fait de lui une cible. Cible, d’abord, de pays ouvertement pro américains comme la Pologne ou les Pays Baltes, pour qui l’Union doit être avant tout un «club économique et politique» sous parapluie militaire de Washington. Cible, ensuite, des pays candidats d’Europe de l’Est et des Balkans pour lesquels il a exigé à Bratislava «d’inventer plusieurs formats».

«C’est le seul moyen de répondre à l’attente légitime des Balkans occidentaux, de la Moldavie et de l’Ukraine qui doivent entrer dans l’Union européenne et de garder une efficacité géopolitique», a-t-il affirmé. Mais que veut dire cette Europe à la carte? On sait que la Pologne et la Hongrie ont déjà dit leur opposition à toute levée de l’unanimité en matière de politique étrangère et de sécurité. A Budapest, le Premier ministre Hongrois Viktor Orbán est aussi furieux de l’énergie déployée par les eurodéputés français pour faire adopter ce jeudi 1er juin une résolution proposant de priver son pays, trop proche de la Russie, de sa présidence tournante de l’UE au second semestre 2024. Pile au moment où la nouvelle Commission entrera en fonction…

Points forts: Machine intellectuelle, président d’une puissance militaire
Points faibles: Imprévisible, provocateur, paie le prix d’avoir parlé du «coma» de l’OTAN en 2019

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Olaf Scholz – allié solide mais empêché

A 64 ans, le Chancelier social-démocrate allemand est devenu un allié solide de l’Ukraine, et l’interlocuteur privilégié des États-Unis. C’est ce statut, lié bien sûr à la puissance économique de son pays, qui fait de lui un des dirigeants incontournables du sommet de Chisinau.

Tous les pays «périphériques» à l’Union européenne – candidats ou non – savent que leur avenir passe par des liens avec l’industrie allemande, dont les délocalisations ont permis le développement de la Pologne, de la Hongrie, de la Tchéquie, etc. Les militaires de ces pays, comme ceux de Washington, n’oublient pas non plus le plan d’urgence de 100 milliards d’euros débloqué fin février 2022 pour rénover et rééquiper de fond en comble la Bundeswehr, dans le cadre de la «Zeitenwende», le changement d’époque imposé par l’agression russe. Même si les investissements annoncés se font attendre. D’où les appels aux livraisons de munitions et de chars Leopard suisses, que l’industriel Ruag vient à nouveau de solliciter ce jeudi.

Olaf Scholz a en revanche trois problèmes. Le premier est, dans cette Communauté politique européenne de 47 pays dont l’avenir n’est pas encore clair, d’avoir toujours sur ses épaules le poids de l’histoire. Au moins deux pays – la Pologne et la Grèce – réclament aujourd’hui des réparations au nom des spoliations et des ravages de l’Allemagne Nazie. Second problème: par tempérament et en raison de sa coalition gouvernementale, Olaf Scholz doit se montrer prudent, y compris sur le thème crucial du moment: une possible discussion sur l’adhésion de l’Ukraine à l’Otan dès le prochain sommet de l’Alliance à Vilnius (Lituanie) en juillet. Troisième difficulté enfin: plus l’Allemagne va investir dans les industries vertes et les énergies renouvelables, plus elle va devoir rapatrier ces investissements. L’égoïsme et l’impérialisme économique allemand vont redevenir un sujet majeur sur le continent européen.

Points forts: Calme, proche de Washington, volonté d’en finir avec la dépendance russe
Points faibles: Facile à prendre pour cible. Trop prudent

Volodymyr Zelensky – résolu et jusqu’auboutiste

Le président Ukrainien est venu en personne au sommet de Chisinau, à quelques kilomètres de la frontière de son pays. Et une fois encore, il a raflé la mise. Personne, aujourd’hui, ne conteste son leadership, sa volonté de résistance et sa demande réitérée d’avions pour se défendre face à la Russie. Pardon: un seul dirigeant, au sein des 46 dirigeants présents (le président Turc réélu Erdogan ne s’est pas déplacé) s’est mis en travers de sa route: le Hongrois Viktor Orbán, qui a rendu public son opposition à entamer, dès le sommet de Vilnius, des pourparlers sur l’entrée de l’Ukraine dans l’Otan. Attention toutefois: ce que Orban a dit publiquement (en le justifiant à nouveau par le traitement de la minorité hongroise en Ukraine), d’autres pays le pensent. Volodymyr Zelensky, 45 ans, va donc devoir choisir de stratégie dans les semaines qui viennent: soit faire un forcing diplomatique et risquer d’irriter certains de ses alliés, comme le Royaume-Uni, les États-Unis, l’Allemagne ou la France. Soit focaliser sur l’aide militaire dans une sorte de donnant-donnant: d’accord pour ne pas forcer la porte de l’Otan à Vilnius, mais à condition de recevoir des avions F16 au plus vite.

A Chisinau, le forcing Zelensky

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La réalité est que ce second sommet de la Communauté politique européenne est le produit de la guerre en Ukraine. Ce forum informel de 47 pays qui se réunira à nouveau en Espagne à l’automne est conçu pour permettre une solidarité continentale, et dégager des partenariats pour les pays non membres de l’Union, avant leur adhésion. Cette «périphérie» de pays est disparate, mais Volodymyr Zelensky est de loin celui qui domine cet ensemble d’États. Question: son leadership de chef de guerre peut-il se muer en stature d’homme de paix, comme beaucoup le souhaitent?

Points forts: Détermination, popularité
Points faibles: Besoin de sortir de la surenchère

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