Commentaire de Richard Werly
Au Kosovo, l'indépendance rongée par l'incompétence et le clanisme

De nouveau en proie aux violences, le Kosovo démontre son incapacité à être un État digne de ce nom. Ses bailleurs de fonds doivent cesser de faire preuve d'une indulgence aveugle.
Publié: 30.05.2023 à 20:38 heures
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Dernière mise à jour: 31.05.2023 à 15:47 heures
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La KFOR fait face depuis plusieurs jours à des violences de la part de la minorité serbe. En son sein, le contingent hongrois a refusé d'intervenir contre les émeutiers.
Photo: keystone-sda.ch
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Richard WerlyJournaliste Blick

Ainsi donc, rien n’est réglé au Kosovo! Relisez bien cette phrase, car elle résume tout. Rien n’est réglé dans ce petit pays de 10'000 kilomètres carrés (un quart de la Suisse) et d’un peu moins de 2 millions d’habitants. Rien n’est réglé, entre Serbes et Albanais, dans ce territoire devenu indépendant le 17 février 2008, et reconnu dix jours plus tard comme un nouvel État à part entière par la Confédération, où vivent à peu près 200'000 Kosovars. Rien n’est réglé dans ce coin des Balkans sur lequel pleut, depuis vingt ans, l’aide européenne et internationale: 4,5 milliards de dollars en 2021 (dont 1,3 en provenance de l'UE) pour un produit intérieur brut annuel de 11 milliards...

La liste pourrait s’allonger. Il suffit d’une image pour la résumer: celle des populations serbes du nord du pays en train d’affronter depuis plusieurs jours les troupes de la KFOR, la force de l’OTAN composée d’environ 3000 soldats, dont les 200 hommes et femmes de la Swisscoy, le contingent helvétique.

La Suisse condamne les violences au Kosovo:

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Entre 100 et 150'000 Serbes

Cette répétition sinistre des affrontements initiés par des extrémistes serbes dans le nord du pays où vivent 150'000 Kosovars d'origine serbe peut, bien sûr, être attribué au contexte régional des Balkans. La situation de la Bosnie-Herzégovine, toujours aussi fracturée presque trente ans après les accords de paix de Dayton signés en 1995, donne un aperçu de l’ampleur des défis que l’Union européenne n’est toujours pas parvenue à surmonter dans cette partie du continent.

Mais oublions un instant les comparaisons. Et regardons les faits. Le Kosovo utilise l’euro comme monnaie. Le pays tient debout, en plus des aides, grâce au soutien financier de la diaspora, qui représente jusqu’à 15% de son produit intérieur brut. Sa situation géographique, enclavée, lui impose des relations apaisées avec tous ses voisins s’il espère un jour se développer sur le plan économique.

Tout, dans cette description, conforte une idée simple: le gouvernement de Pristina, dirigé depuis février 2020 par le Premier ministre nationaliste Albin Kurti, jadis prisonnier du régime serbe de Milosevic et partisan affiché d’une «grande Albanie», a d’abord des devoirs envers la communauté internationale. Laquelle, en tolérant sur place la corruption, les trafics et l’économie de rentes, a transformé l’indépendance en impasse, sur fond d’incompétence rampante, de loi du silence et de clanisme généralisé.

Ce 1er juin, les 47 pays de la Communauté politique européenne (CPE), dont la Suisse, se retrouvent pour leur second sommet à Chisinau, la capitale de la Moldavie, petit pays voisin de l’Ukraine particulièrement vulnérable aux agressions de la Russie. Ce qui se passe au Kosovo, où les élections municipales contestées du 23 avril ont été boycottées par les Serbes et transformées en instrument de domination par la majorité albanaise, doit y être évoqué. Alors que l’Ukraine résiste aux assauts de Vladimir Poutine, le pire serait qu’un incendie nationaliste, attisé à la fois par Belgrade et par Pristina, embrase à nouveau ce territoire.

La poudrière kosovare est aujourd’hui bien plus qu’un reliquat de la dislocation de l’ex-Yougoslavie. Elle est une honte pour l’Europe de 2023. Et pour la Suisse aussi.

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