Donald Trump s’y était refusé. Au lendemain de sa défaite de 2020, persuadé à tort de fraudes électorales, celui qui est redevenu le président «élu» des États-Unis dans la nuit du 5 au 6 novembre avait fermé à double tour les portes de la Maison-Blanche. Pas question de recevoir à Washington, comme le veut l’usage, son successeur démocrate Joe Biden. Trump s’était ensuite contenté, le jour de l’investiture officielle de Biden, le 20 janvier 2021, de déserter le 1600 Pennsylvania Avenue. En laissant quand même sur le bureau ovale une lettre à destination de celui que les électeurs américains avaient désigné pour le remplacer.
Changement radical d’attitude ce mercredi 13 novembre. Joe Biden, 46e président des États-Unis, va recevoir comme il se doit le 45e et 47e président, à savoir Donald Trump. Une transition démocratique parfaite, que l’actuel locataire de la Maison-Blanche veut «pacifique» comme il l’a indiqué dans son seul discours, le 7 novembre, depuis la défaite cinglante de sa vice-présidente Kamala Harris. Et Trump, vainqueur incontestable, a accepté l’invitation. Une première pour ces deux hommes qui ne s’étaient pas serré la main lors de leur débat télévisé le 27 juin. C’est ce jour-là, face aux caméras, que Joe Biden avait donné le spectacle fatal d’un candidat affaibli, balbutiant et fragilisé par son âge, 81 ans.
«Crooked Joe» ou Joe l’escroc
Mais que vont-ils se dire? Et surtout, comment Trump va-t-il s’adresser à celui qu’il n’a cessé de cibler durant sa campagne comme «Crooked Joe» ou Joe l’escroc? Biden, de son côté, va aussi devoir ajuster son discours. Il y a quelques jours seulement, dans la dernière ligne droite de la campagne présidentielle, Kamala Harris avait dénoncé son adversaire comme un «fasciste». Plusieurs généraux de l’armée américaine, proches de l’actuel président, ont aussi dénoncé la présumée fascination de Trump pour Hitler. Rien à voir, donc, avec une transition normale. Ces deux dirigeants politiques se détestent. D’autant plus que Trump n’a jamais accepté sa défaite de 2020 et porte une écrasante responsabilité dans l’assaut de ses partisans contre le Capitole, siège du Parlement américain, le 6 janvier 2021.
En réalité, Biden et Trump n’ont pas vraiment besoin d’échanger. Leurs équipes chargées de la transition s’occupent de se passer le relais du pouvoir, à la tête de la première puissance mondiale, même si le «président élu» a refusé, jusqu’au 5 novembre, d’autoriser ses représentants à signer les documents requis. Logique, puisqu’il se préparait à une bataille légale de grande ampleur pour contester éventuellement des résultats défavorables. Ce qui n’a pas eu lieu en raison de sa victoire massive et de la déferlante républicaine. Le parti de Donald Trump se retrouve en effet avec tous les leviers du pouvoir: un président victorieux au sein du collège électoral et vainqueur du vote populaire, doublé d’une majorité au Sénat et à la Chambre des Représentants.
Le droit, la loi et… Trump
De quoi vont-ils parler alors? Pour Biden, le programme sera légal. Le droit, la loi, la démocratie. «Il croit aux normes, il croit à notre institution, il croit au transfert pacifique du pouvoir», a déclaré mardi 12 novembre sa porte-parole Karine Jean-Pierre. «C’est la norme. C’est ce qui est censé se passer.» Pour Trump? Mystère. Les documents légaux de la transition n’ont toujours pas été signés par son équipe qui opère depuis son golf de Mar-a-Lago, en Floride. Le futur Commander in Chief a en plus radicalement changé de stratégie par rapport à ce qui s’était passé après sa première élection de 2016. Il a très vite procédé aux plus importantes nominations de son administration, dont celle d’Elon Musk, le milliardaire chargé désormais d’un nouveau département: celui de l’efficacité gouvernementale.
Idem sur les questions internationales, tant les positions de Joe Biden et de son successeur sont aux antipodes. L’actuel secrétaire d’État américain Antony Blinken est arrivé ce mercredi à Bruxelles pour rassurer les alliés européens des États-Unis alors que, déjà, son successeur quasi désigné, le sénateur Marco Rubio évoque «des pourparlers de paix accélérés» à propos de l’Ukraine. La question très symbolique des codes de l’arme nucléaire est aussi hors de propos. Ceux-ci resteront dans les seules mains de Joe Biden jusqu’à son départ le 20 janvier.
17 décembre et 6 janvier
D’ici là, deux dates sont à retenir: le 17 décembre pour la confirmation des voix au sein du collège électoral (312 grands électeurs pour Trump contre 226 pour Harris), et le 6 janvier pour leur validation officielle par le Congrès des États-Unis qui sera alors présidé par… Kamala Harris. C’est en effet l’ex-candidate démocrate, vice-présidente, qui présidera officiellement la session du Congrès, comme présidente du Sénat.