Merz l'emporte dans les urnes
Ce futur chancelier peut-il réparer l'Allemagne?

Le leader de la CDU, le parti de droite chrétien démocrate, sera le futur chancelier allemand. Il doit maintenant former une coalition. Mais peut-il réparer l'Allemagne, alors que l'AfD, le parti d'extrême droite remporte un succès historique ?
Publié: 23.02.2025 à 21:41 heures
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Dernière mise à jour: 23.02.2025 à 22:01 heures
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Friedrich Merz sort vainqueur des légilsatives anticipées. Son parti, la CDU, arrive en tête avec 29% des voix contre 19,6% pour l'AfD.
Photo: Getty Images
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Richard WerlyJournaliste Blick

Réparer l’Allemagne: telle est la mission de Friedrich Merz, 69 ans, en route pour devenir ce dimanche 23 février le futur chancelier, à la place du social-démocrate Olaf Scholz. Réparer, car la première puissance économique européenne est en difficulté, après deux années de récession consécutive, en 2023 et 2024. Mais il lui faut aussi – surtout – rassurer ses concitoyens, tétanisés par les ingérences de la nouvelle administration Trump dans la politique intérieure en faveur du parti d'extrême droite AfD, et choqués par les attaques au couteau survenues dans plusieurs grandes villes allemandes ces dernières semaines, toutes perpétrées par des réfugiés islamistes.

Friedrich Merz n’a jamais été ministre. Longtemps chef du groupe de son parti conservateur au Bundestag, il avait quitté la politique en raison de ses désaccords avec Angela Merkel. Le voici en passe de conquérir la Chancellerie, mais à condition de former préalablement une coalition majoritaire. Ce qui ne sera pas simple.

Victoire de la CDU

Selon les estimations disponibles ce dimanche 23 février à 21 heures, la CDU remporterait 29% des voix et 197 députés. Le SPD social-démocrate, nettement battu, affiche 16% des suffrages (moins 8% par rapport aux législatives de 2021) et 112 élus. L’autre vainqueur incontestable de ce scrutin est l’AfD, le parti d’extrême droite codirigé par Alice Weidel, l’ex-banquière domiciliée en Suisse où vivent son épouse et leurs deux enfants. L’AfD obtiendrait un peu moins de 20% des voix, mais c’est un bond spectaculaire puisque ce parti double son score par rapport à 2021. Un record historique, avec des scores supérieurs à 30% à l'est, dans l'ancienne RDA ! Un électeur allemand sur 5 a voté AfD. Lequel enverrait au Bundestag 139 députés.

Une chose est sûre à ce stade: Friedrich Merz, revenu en politique après un passage réussi dans la finance à la tête du fonds Black Rock, ne gouvernera pas avec l’extrême droite. Il s’ est engagé à respecter le «cordon sanitaire» anti AfD. Son choix naturel sera donc sans doute de tenter une coalition «simple» à deux partis, avec le SPD. A condition que celle-ci puisse être majoritaire, ce qui n’est pas encore certain puisque le nombre d’élus CDU et SPD atteindrait 328 sièges sur les 640 du Bundestag. Des résultats tardifs pourraient compliquer la donne.

Coalition à trois?

Plus solide, en termes arithmétiques, serait une coalition à trois avec les Verts (13,3% des voix et 86 députés), mais l’écueil serait alors sérieux dans les négociations à venir. Friedrich Merz défend un agenda très dur envers les immigrés et libéral sur le plan économique. Il envisage même de relancer le nucléaire abandonné en 2011 par Angela Merkel. Or pour les «Grünen», des concessions trop importantes à l’industrie, contre le pacte écologique européen, pourraient s’avérer inacceptables.

L’homme de la situation

Est-il l’homme de la situation? Oui pour beaucoup d’observateurs qui lui accordent trois «bons» points en termes de leadership.

1. Merz est un Européen convaincu, résolu à garder l’AfD loin du pouvoir, pour empêcher l’extrême droite europhobe d’accéder à la Chancellerie. Il s'est aussi dit partisan, dès dimanche soir, d'une défense européenne renforcée. Un appel du pied vers son partenaire français, à la veille de la visite d'Emmanuel Macron à Washington pour y rencontrer Donald Trump.

2. Son discours très dur envers les immigrés est aujourd’hui devenu fort consensuel, dans une Allemagne qui se sent démunie et fragilisée par cette population musulmane, souvent originaire de Syrie ou d’Afghanistan (en plus de l’immigration turque classique).

3. Atlantiste convaincu, à l’image de son parti chrétien-démocrate, Friedrich Merz a détesté l’intervention d’Elon Musk et du vice-président américain JD Vance en faveur de l’AfD. Il se retrouve donc dans la quasi-obligation de tenir tête à l’administration américaine. Il avait par exemple, dans le passé, affirmé son intention de livrer à l’Ukraine les fameux missiles à longue portée Taurus, retenus par son prédécesseur. Passera-t-il à l’acte?

Réparer l’Allemagne est impossible sans consolider l’Europe. Et Friedrich Merz en est conscient, même s'il est favorable à la fermeture des frontières. Laquelle pourrait engendrer une crise au sein de l'espace Schengen. Il a mis l’accent sur la nécessité d’un partenariat plus étroit avec la Pologne. Ses origines rhénanes, et le fait qu’il parle un peu français, le rapprochent de la France. Est-ce une assurance? Non. Merz, l’homme des milieux d’affaires, sait que son pays a cruellement besoin d’exporter vers les marchés émergents, à commencer par la Chine. Il sera sans doute très sollicité par les industriels allemands désireux de déplacer des usines aux Etats-Unis, pour bénéficier des avantages fiscaux promis par Trump, et contourner les hausses de tarifs.

Olaf Scholz et la déprime allemande

Olaf Scholz, originaire de Hambourg, était devenu en trois ans le chancelier de la grande déprime allemande. Battu, il va désormais être remplacé à la tête de son parti. Friedrich Merz, lui, a promis un «sursaut». Ces législatives lui en donnent a priori politiquement les moyens, surtout si les petits partis (celui de Sarah Wagenknecht pour la gauche radicale, les Libéraux du FDP) n’atteignent pas les 5% indispensables pour accéder au Bundestag.

Dernière leçon de ce scrutin: la remontée très nette du parti de gauche Die Linke, seul à défendre encore l’immigration dont l’Allemagne a besoin pour combler son déficit démographique. Les contours du «sursaut» prendront des semaines avant d’apparaître clairement.

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