Manifestations monstre
En Serbie et en Hongrie, une autre révolution européenne se joue

Des centaines de milliers de manifestants sont descendus ce week-end dans les rues de Belgrade et de Budapest. Dans les deux cas, la révolte contre le pouvoir en place prend de plus en plus d'ampleur. Cette autre révolution européenne doit être suivie de près.
Publié: 16.03.2025 à 21:41 heures
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En Serbie, le pouvoir du président Aleksandar Vučić est de plus en plus contesté par les manifestants.
Photo: AFP
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Richard WerlyJournaliste Blick

Le sort de l’Europe se joue aussi, ces jours-ci, dans les rues de Belgrade et de Budapest. Alors que les médias internationaux se focalisent à juste titre sur l’Ukraine et sur la prochaine conversation téléphonique, cette semaine, entre Donald Trump et Vladimir Poutine, les capitales serbe et hongroise ont été, ce week-end, le théâtre de manifestations massives qui pourraient avoir des conséquences politiques décisives.

L’événement le plus important s’est déroulé en Serbie, où le pouvoir du président Aleksandar Vučić, réélu en avril 2022, se retrouve le dos au mur face à une mobilisation étudiante qui ne baisse pas en intensité. Plus de 300'000 jeunes manifestants – certains parlent d’un million – ont pris à nouveau d’assaut les rues de Belgrade pour exiger à nouveau toute la vérité sur le scandale de l’effondrement survenu à la gare de Novi Sad, le 1er novembre 2024. Ce jour-là, quatorze personnes sont mortes lorsque l’auvent tout juste construit de cette gare s’est écroulé. Un accident aussitôt attribué par la population à la corruption endémique dans les marchés publics en Serbie.

La Russie et la Chine

Cette catastrophe a aussi révélé au grand jour les liens entre le pouvoir du président Vučić – politiquement proche de la Russie de Poutine – et des compagnies de construction chinoises (l’une d’entre elles ayant travaillé sur le site ferroviaire de Novi Sad), impliquées dans la mise en œuvre des cinq trains rapides achetés en 2023 par la Serbie à la Chine pour desservir la ligne Belgrade-Budapest.

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Or l’enquête diligentée depuis n’a débouché sur rien. L’inculpation, le 30 décembre 2024, de treize personnes dont l’ancien ministre des Infrastructures et les concepteurs et superviseurs du projet de reconstruction du toit de la gare, n’a pas été suivie de la publication, exigée par les manifestants, des documents sur le chantier et de l’ensemble des accords conclus entre Belgrade et Pékin.

Tensions au sommet de l’Etat

Preuve de la tension qui règne au sommet de l’Etat serbe, la police est accusée d’avoir pour la première fois utilisé dans la nuit de samedi à dimanche des «canons soniques» provoquant de très fortes détonations, ce que le gouvernement a démenti. Dans une intervention télévisée, le président Vučić – dont le pays est depuis 2012 candidat à l’entrée dans l’Union européenne – a affirmé avoir «compris le message» et promis de «tirer les leçons de la manifestation» sans prendre d’engagements sur des réformes à venir.

Parallèlement, un mouvement de protestation similaire s’est déroulé à Budapest, la capitale de la Hongrie de Viktor Orban, ce Premier ministre national-populiste à la fois proche de Vladimir Poutine et de Donald Trump. Plus de 50'000 opposants au gouvernement ont bravé le froid et la bruine en cette journée de fête nationale, le 15 mars, pour se rassembler à Budapest, aux cris de «Fidesz sale» et «la Tisza est en crue», autour du leader de l’opposition Peter Magyar (dont le parti porte le nom du second fleuve du pays après le Danube).

Poubelles de l’histoire

«Ceux qui trompent leur propre nation devraient finir dans les poubelles de l’histoire», a déclaré celui-ci. Alors que quelques heures plus tôt, le chef du gouvernement l’avait accusé de diriger une «armée de l’ombre» composée d’ONG, de journalistes, de juges et d’hommes politiques payés par les Etats-Unis (sous Joe Biden) et Bruxelles, faisant référence au milliardaire George Soros, d’origine hongroise. «Après les célébrations d’aujourd’hui, viendra le grand nettoyage de Pâques, car les insectes ont survécu à l’hiver», a promis M. Orban. «Nous éliminerons toute l’armée des ombres.»

Serbie-Hongrie: à l’heure où la plupart des observateurs focalisent sur l’Ukraine et sur des pays où les ingérences russes sont massives (comme la Moldavie ou la Géorgie), ces deux mouvements de protestation doivent être suivis de près. Ils témoignent à la fois de l’exaspération d’une partie de la population, mais butent sur le malaise des institutions européennes, au sein desquels Viktor Orban agite en permanence son droit de veto.

Vucic et la France

Le président serbe Aleksandar Vučić entretient aussi, avec habileté, une étroite relation avec Emmanuel Macron avec lequel il a encore échangé au téléphone le 8 février 2025. La coopération entre Paris et Belgrade sur le terrain de la défense complique ainsi la donne. Tandis que Vladimir Poutine, lui, a plusieurs fois jeté le discrédit sur ces «révolutions de couleur» (en référence à la révolution orange en Ukraine), dont il dénonce le «travail de sape» contre les pouvoirs en place.

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