Les deux cherchaient l’affrontement devant les députés européens. Et ils l’ont eu. Mercredi 9 octobre, dans l’hémicycle du Parlement européen de Strasbourg, Viktor Orban et Ursula von der Leyen se sont réciproquement accusés de vouloir saboter l’Europe. Logique. Le Premier ministre hongrois, dont le pays assume jusqu’à la fin 2024 la présidence tournante du Conseil (l’instance qui représente les 27 pays membres de l’UE), a besoin de démontrer à son opinion publique, et aux partis nationaux-populistes dont il est l’un des inspirateurs, que sa voix compte et fait trembler les «européistes». Tandis que la présidente allemande de la Commission européenne, elle, doit imposer sa marque à la veille de son second mandat qui débutera officiellement le 1er janvier.
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Cet affrontement était donc programmé. Mais il n’a pas donné lieu au spectacle politique que l’on était en droit d’attendre. Ursula von der Leyen, réélue avec le soutien du PPE, le Parti conservateur européen dominé par la CDU allemande (son parti d’origine), n’a pas trouvé les arguments pour contrer la posture de l’homme fort de Budapest, pour qui tout ce qui vient de Bruxelles est dangereux.
Progrès de la Hongrie
Elle aurait pu s’appesantir sur les progrès économiques incontestables réalisés par la Hongrie depuis son entrée dans l’Union, qu’une grande partie de la population soutient toujours. Elle aurait pu, davantage encore, détailler les abus des gouvernements successifs de Viktor Orban en matière de liberté de la presse. Son choix d’attaquer ce dernier essentiellement sur l’État de droit et l’immigration sont en revanche plus contestables. Car dans les deux cas, Orban peut se targuer d’un vrai soutien de sa population sur ces deux sujets.
Le droit et la justice d’abord. Répéter que le droit communautaire s’impose aux États membres qui ont fait librement et démocratiquement le choix de l’intégration communautaire est juste. Mais oublier le ressentiment que suscitent aujourd’hui, partout en Europe, les normes bruxelloises et les instances de contrôle supranationales est une première erreur. Le combat, face à Orban, ne doit pas être que juridique. Il d’abord être résolument politique. C’est par ce biais, comme le prouve la montée actuelle de l’opposition en Hongrie, que la démocratie doit fonctionner.
Von der Leyen accusée
Les médias ensuite. Ursula von der Leyen, sur ce terrain, n’est pas à l’aise. Sa gestion très verticale et centralisée de la Commission, mais aussi les accusations étouffées durant la pandémie de Covid-19 sur ses conflits d’intérêts avec les laboratoires pharmaceutiques, l’ont coupée de la presse. Ses initiatives personnelles, son alignement sur les Etats-Unis et sa tendance à regrouper tous les pouvoirs, avec l’Allemagne en arrière-plan, lui valent de sérieuses inimitiés médiatiques. Or, c’est parce qu’Orban contrôle sans merci les médias qu’il a pu asseoir son pouvoir, et promouvoir sa vision nationale populiste.
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Viktor Orban a été hué au Parlement européen. Des refrains antifascistes ont été entendus. C’est une erreur. Le Premier ministre Hongrois doit d’abord être contesté sur ses options, y compris sur sa volonté de ne pas fâcher la Russie de Vladimir Poutine. Mais il doit aussi être écouté. Ses relations avec Donald Trump, sa conviction que la paix doit revenir coûte que coûte en Ukraine, son refus du pacte sur l’asile et les migrations sont des clous plantés dans le projet communautaire qu’il faut contester avec des faits et des propositions alternatives, pas avec des invectives.
Plus Orban est hué dans les enceintes européennes, plus il sort vainqueur aux yeux de ceux qui l’ont élu, et de ceux dont il est proche.