Le sauveur de la République. C’est ainsi que François Bayrou, 73 ans, se voit depuis longtemps. Un sauveur inspiré par sa fibre démocrate-chrétienne, seul capable de faire travailler ensemble les partis traditionnels de gouvernement, de la droite au centre-gauche.
Un sauveur qui a besoin pour survivre politiquement de neutraliser les socialistes, et d’obtenir de ces derniers la garantie qu’ils ne voteront pas la censure de son gouvernement. François Bayrou, sauveur de la France? Depuis sa nomination le 13 décembre au poste de Premier ministre par Emmanuel Macron, l’intéressé y croit.
Pourquoi y croit-il justement, cet élu tout droit venu de «l’ancien monde», puisqu’il a pour la première fois été élu député des Pyrénées Atlantique, sa région, en 1986, alors que François Mitterrand présidait la France? D’abord parce qu’il a beaucoup attendu. Après avoir été trois fois candidat à l’élection présidentielle (2002, 2007 et 2012), François Bayrou patiente depuis huit ans dans l’ombre d’Emmanuel Macron, qu’il a soutenu dès le début.
Vieilles ficelles
Ensuite, parce que Bayrou sait tirer les vieilles ficelles du monde politique français. Malgré son caractère ombrageux, celui-ci peut parler à la droite et au centre-gauche. Il a dans le passé soutenu la candidature présidentielle de François Hollande, ex-Chef de l’État socialiste, contre Nicolas Sarkozy. Il se veut, un peu, l’héritier de Valéry Giscard d’Estaing.
Il affiche ses convictions catholiques et ses origines paysannes. Bref, il est convaincu de ressembler à la France réelle: celle qui veut avant tout de la stabilité, après la démission du gouvernement de Michel Barnier, son prédécesseur poussé dehors par le vote d’une motion de censure, le 5 décembre 2024, pour la première fois depuis 1962.
François Bayrou sait aussi manier ce que la politique «Made in France» continue de vénérer: les mots et les promesses. Agrégé de lettres classiques, auteur d’une biographie d’Henri IV, le roi originaire de son Béarn (protestant converti au catholicisme pour réconcilier le royaume), le chef du gouvernement a dû surmonter son bégaiement pour faire carrière. Et il a réussi.
Son discours de politique générale, ce mardi 14 janvier, sera sans doute long, car son débit est lent. Mais Bayrou sait ciseler les formules. Tout le monde attend ce qu’il va dire sur la controversée réforme des retraites entrée en vigueur en avril 2023, qui repousse l’âge légal de départ de la vie active à 64 ans contre 62. Celle-ci, selon les dernières informations disponibles, ne serait ni suspendue, ni abrogée, mais remise sur le métier avec une grande conférence sociale. En promettant de faire les économies prévues de 15 milliards d’euros dans un pays en déficit public chronique...
Borne et la retraite
Ironie du sort: c’est l’ex-Première ministre Elisabeth Borne, celle qui avait mené la réforme, qui prononcera le discours de Bayrou devant le Sénat. Au risque d’annoncer elle-même une possible renégociation de cette mesure explosive qui marqua son passage aux rênes du pays.
Bayrou le sauveur? Cela dépend des données suivantes.
La stabilité. La condition sine qua non, pour François Bayrou, est de durer. Il doit tenir au moins jusqu’à la prochaine élection présidentielle de mai 2027. S’il n’est pas renversé, il aura alors acquis un capital qu’il pourrait utiliser pour se présenter devant les Français, comme le successeur naturel de Macron.
L’austérité. Cela paraît contradictoire. François Bayrou est très attendu sur les retraites, même s'il semble avoir renoncé à suspendre la réforme de 2023. Obligation dans tous les cas: dépenser moins d’argent public. Les Socialistes français peut-ils s contenter de la convocation d'une conférence sociale pour justifier leur soutien politique ? La réalité est quer tous les indicateurs budgétaires et financiers sont au rouge. La France de Bayrou devra dépenser moins.
La popularité. Aujourd’hui, François Bayrou est apprécié par moins de 30% de ses concitoyens. La confiance n’est pas au rendez-vous. S’il veut incarner un changement et gouverner, le Premier ministre doit devenir populaire. Il ne peut pas laisser Marine Le Pen, la leader du Rassemblement national, être la personnalité politique préférée des Français aux côtés de son dauphin, Jordan Bardella.
Stabilité, austérité, popularité: les premières indications seront données ce mardi 14 janvier. François Bayrou est pour l’heure un Premier ministre funambule. Son obligation prioritaire est de ne pas perdre l’équilibre.