Devant les députés ce mardi
Retraite à 64 ans: les Français disent toujours non (et Bayrou est coincé)

Le nouveau Premier ministre français prononcera ce mardi 14 janvier sa déclaration de politique générale devant l'Assemblée nationale. Au cœur de son discours: le maintien, ou non, de la réforme des retraites adoptée en 2023. Les marchés financiers sont en embuscade.
Publié: 05:37 heures
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Dernière mise à jour: 14:58 heures
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Les syndicats français sont toujours aussi mobilisés contre la réforme des retraites promulguée en avril 2023.
Photo: AFP
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Richard WerlyJournaliste Blick

Ils n’en veulent pas. C’est Non. Niet. Pas question de travailler jusqu’à 64 ans! Et tant pis pour la compétitivité de l’économie, ou pour le dérapage des finances publiques, dans une France pour l’heure sans budget pour 2025.

Dans son discours de politique générale ce mardi 14 janvier, François Bayrou s'est donc retrouvé obligé de prendre acte de ce refus catégorique d’une majorité de l’opinion d’entériner la réforme controversée du système de retraite entré en vigueur en avril 2023. Il ne devrait pas décider de la suspendre. Mais une renégociation de cette réforme serait néanmoins ouverte, via l'ouverture d'une conférence sociale.

De 62 à 64 ans

La réalité ? Entre 57% et 65% des Français interrogés, selon les sondages, refusent toujours le report de l’âge légal de départ à la retraite de 62 à 64 ans. Plus important sur le plan politique, les socialistes exigent une concession sur ce sujet pour s’engager, en retour, à ne pas voter la censure et à ne pas faire tomber le gouvernement, en mêlant les voix de leurs députés à celle du Rassemblement national (droite nationale populiste) et de La France Insoumise (gauche radicale).

Résultat: au diable la réalité démographique, sociale et financière! La suspension de la réforme des retraites est, aujourd’hui, la condition presque sine qua non de la stabilité gouvernementale en France.

Restent les faits, et ils sont têtus. La France est endettée à hauteur de 3200 milliards d’euros, un record, et doit sortir chaque année environ 50 milliards d’euros pour rembourser les intérêts à ses créanciers. Le pays, malgré son taux record de prélèvements obligatoires de 48% du Produit Intérieur Brut (PIB), va de nouveau afficher en 2024 un déficit public de 5,5% du PIB. Bref, le panier français est sacrément percé.

La retraite, un totem

Mais tant pis: «Obtenir l’abrogation de la retraite à 64 ans était, lors des législatives du 30 juin et 7 juillet 2024, l’une des motivations claires pour les électeurs opposés au camp présidentiel, souligne Jean-Daniel Levy, de l’Institut Harris Interactive. Sur le fond (il faut travailler plus longtemps) et encore plus sur la forme (le report à 64 a été adopté sans vote, grâce au recours à l’article 49.3 de la Constitution), cette réforme des retraites est presque rejetée par tous, même par une partie de la droite.»

François Bayrou, leader centriste expérimenté devenu enfin Premier ministre le 13 décembre à l’âge de 73 ans, a bien compris la donne. A titre personnel, celui-ci a toujours mis en garde contre une dette française excessive. Haut commissaire au plan, il avait avalisé, en 2022, un rapport préconisant deux scénarios pour le rallongement de la durée de la vie active jusqu'à 64 ans et 62 ans et demi. Mais côté politique, l’âge de la retraite semblait presque son unique garantie de survie. S'il refuse de sacrifier les 64 ans (alors que la quasi-totalité des Européens partent en retraite plus tard), que restera-t-il aux socialistes pour justifier leur rupture avec le reste de la gauche et leur engagement à ne pas voter une motion de censure ?

Ricochet anti RN

Et maintenant? Chaque mot sera pesé, ce mardi, dans le discours programme de François Bayrou, obligé de monnayer chaque phrase pour espérer faire adopter un budget pour 2025. Suspension de la réforme des retraites? Gel au seuil actuel de 62 ans et demi? Reprise d’une négociation sociale pour s’assurer que les 15 milliards d’euros d’économies prévus ne seront pas enterrés?

L’on voit déjà les sourires des gérants de fonds présents au Forum économique mondial de Davos, du 20 au 24 janvier, prêts à monter une embuscade sur les taux d’intérêt français. L’on imagine la grise mine des partenaires de la France, lorsque les Chefs d’Etat et de gouvernement des 27 pays membres de l’Union européenne se retrouveront le 3 février à Bruxelles, deux semaines après l’investiture de Donald Trump. Emmanuel Macron avait imposé la réforme des retraites pour démontrer que ses compatriotes sont capables d’efforts. Les agences de notation financière avaient reçu le message, en maintenant leurs notes.

Raté. Sauf énorme surprise, la volonté de ne pas travailler plus est en passe de l’emporter dans le pays où la retraite, pour beaucoup de Français, rime avec paradis. Et tant pis s’il est artificiel. Et intenable à terme.

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