Il en a parlé dans ses vœux
Cher président Macron, un référendum est une chose (très) sérieuse

La surprise des vœux présidentiels français pour 2025 est venue à la fin du discours d'Emmanuel Macron. «Je vous demanderai de trancher certains de ces sujets déterminants» a-t-il lancé à ses concitoyens. Sérieux ou pas? Notre journaliste Richard Werly s'interroge.
Publié: 02.01.2025 à 08:53 heures
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Dernière mise à jour: 02.01.2025 à 09:09 heures
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Comme chaque année, le Président français a prononcé son traditionnel discours de vœux le 31 décembre.
Photo: AFP
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Richard WerlyJournaliste Blick

Quelle occasion ratée! Pourquoi donc, cher Président Macron, n’avez-vous pas interrogé vos interlocuteurs suisses sur le référendum, et sur sa pratique, lors de votre visite d’État en Suisse, les 15 et 16 novembre 2023? Vous aviez alors tout ce qu’il faut sous la main. Des Conseillers fédéraux habitués à essuyer les refus populaires. Des élus passés maîtres dans l’art de concilier démocratie directe et démocratie représentative. Et, surtout, des citoyens helvétiques prêts à vous expliquer le fonctionnement d’une votation, dans un pays où le peuple souverain peut encore avoir le dernier mot!

Imaginez ce qu’un échange sur le référendum, en Suisse, vous aurait apporté avant d’ouvrir, dans votre discours de vœux du 31 décembre 2024, la possibilité d’un ou plusieurs scrutins référendaires durant l’année à venir.

«Trancher certains sujets»

«Nous continuerons de décider et je vous demanderai aussi de trancher certains de ces sujets déterminants. Car chacun d’entre vous aura un rôle à jouer. Chacun d’entre vous sera nécessaire pour réussir ce projet que je viens rapidement de brosser devant vous» avez-vous déclaré dans cette allocution traditionnelle, mais plus courte que d’habitude, entamée avec un clip vantant les succès nationaux de l’année écoulée, des JO à la réouverture de Notre-Dame.

Et après? Pensez-vous vraiment que vos concitoyens ne vont pas sauter sur la première occasion pour vous fragiliser un peu plus? Êtes-vous sûr de vouloir vraiment connaître l’opinion de votre peuple aujourd’hui si divisé, et radicalisé par la montée des extrêmes?

Permettez à «Blick», quotidien populaire rompu à la chronique des votations helvétiques, d’attirer donc votre attention sur quelques points que votre visite en Suisse aurait pu permettre d’éclaircir.

Le premier point est qu’un référendum est un aboutissement, pas une manœuvre, ni un chemin de traverse politique. Il doit, pour être respecté, énoncer la décision finale à l’issue d’une campagne focalisée sur la question posée. Si vous n’êtes pas prêt à perdre, ne la posez pas! Et si vous pensez la gagner, gardez-vous bien de le montrer. Vous avez, dans votre discours, parlé de «lucidité et d’humilité» à propos de votre dissolution controversée de l’Assemblée. Faites de ces mots votre seul ordre de marche référendaire.

Question et explication

Le second point est que toute question mérite explication. Quelles seront les conséquences du «Oui» ? Quelles seront celles du «Non» ? La pédagogie est le prérequis d’un référendum réussi, compris et utile pour le pays. Rares sont les référendums gagnés, s’ils sont mal expliqués. Des mots simples. Des phrases simples. Des concepts simples. Vous qui aimez tant la complexité, laissez là pour une fois de côté!

Le troisième point ne dépend pas de vous. Enfin presque. Il dépend des forces politiques françaises. Toutes doivent s’engager à répondre à la question posée. Et à dissocier de vote de votre fonction, ou de votre mandat. Comment y parvenir dans une République si présidentielle? En prenant le plus possible vos distances avec le sujet et la campagne qui suivra. En vous murant dans le silence, une fois le référendum décidé et lancé. Et surtout en l’expliquant.

Une chose très sérieuse

Le dernier point est le plus important: un référendum, parce qu’il implique le peuple dans nos démocraties bousculées par la technologie, les réseaux sociaux et les mutations de l’information, est une chose très sérieuse. Y recourir sur une question centrale pour l’avenir de la nation ne peut donc pas se faire sans préparation, et par simple volonté présidentielle tombée d’en haut. Les Suisses se rendent aux votations avec la conviction que leur bulletin fera la différence car leur décision collective, quelle qu’elle soit, sera respectée.

Éviter le pire

Bonne année 2025 cher Président Macron! La recette helvétique n’est absolument pas parfaite. Elle ne prétend pas être un modèle. Mais elle fonctionne efficacement comme une déterminante soupape démocratique.

Vu la cocotte-minute qu’est la France, avec vous assis sur le couvercle, la scruter de plus près peut au moins vous permettre d'éviter le pire.

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