Emmanuel Macron fait face. L’ultimatum des généraux putschistes du Niger et la menace d’une expulsion manu militari de l’ambassadeur de France à Niamey ne le font pas changer de discours. Lors de la traditionnelle conférence de rentrée des ambassadeurs lundi 28 août, le locataire de l’Élysée a réaffirmé sa ligne: soutien inconditionnel au président destitué Mohamed Bazoum, retenu prisonnier depuis plus d’un mois avec sa famille dans le palais présidentiel, et refus de transiger sur l’illégalité du nouveau pouvoir en place.
«On nous explique que la bonne politique serait de le lâcher. Il faudrait produire local même quand ce sont des putschistes» a ironisé le chef de l’État français, après avoir salué l’équipe de diplomates toujours présents dans la capitale nigérienne. «Non! On doit être clair, cohérent, sinon qui nous écoutera? Le problème des Nigériens, ce sont des putschistes qui les mettent en danger et qui sont en train de perdre tous les financements internationaux.»
Retrouvez le discours d’Emmanuel Macron en vidéo
Cette clarification, au milieu d’un discours de près de deux heures, annonce donc la poursuite du bras de fer engagé entre les généraux qui ont pris le pouvoir au Niger au début août, et son ancienne puissance coloniale qui maintient sur place un contingent de 1 500 soldats déployés à la demande du gouvernement légitime pour lutter contre le terrorisme au Sahel. La réponse de la junte a d'ailleurs été immédiate: coupure prochaine de l'eau, de l'électricité et de l'approvisionnement en nourriture des installations françaises.
Ce bras de fer, Emmanuel Macron en a dénoncé les rouages télécommandés: Moscou, via la milice Wagner désormais orpheline de son chef Evgueni Prigojine. Le président s’est bien gardé d’accuser nommément la Russie. Mais les coupables sont pour lui bien identifiés: «Le sentiment anti-francais est manipulé par les réseaux néo-impérialistes. Nous avons une difficulté qui est notre passé. Mais 70% de ce continent est né après les décolonisations. On ne doit pas tomber dans la facilité d’un postcolonialisme.»
Des mots que l’actualité au Gabon, pays longtemps protégé de la France, illustrent aussi: le résultat de l’élection présidentielle y est en ce moment même contesté. L’internet vient d’y être suspendu, et un couvre-feu a été décrété.
En plus de la confrontation sur le terrain, au Niger, la France est régulièrement l’objet d’attaques sur les réseaux sociaux. La Suissesse Nathalie Yamb, très influente sur internet et interdite de séjour en France, fait partie de ces influenceurs africains qui dénoncent dès qu’ils le peuvent les agissements réels ou fantasmés de Paris.
Réponse d’Emmanuel Macron: «Il faut renforcer le lien avec la société civile, avec les oppositions et les forces vives. Nous avions en Afrique un dispositif trop associé à ceux qui sont au pouvoir. On n’a pas vu la société bouger. Quand je vois les montants d’investissements solidaires, ce n’est pas acceptable.»
Ce qui ne signifie pas la fin des coopérations militaires dont Emmanuel Macron a rappelé qu’elles sont le fruit d’accords avec des États qui, sans l’appui de la France, auraient disparu. «Il n’y aurait plus de Burkina Faso, de Mali, de Niger dans leurs frontières actuelles si nous n’étions pas intervenus» a-t-il redit. Le Bénin et le Kenya ont été cités comme partenaires africains avec lesquels la France entend à l’avenir davantage se rapprocher.
Une relation à réinventer
Quels leviers pour une relation réinventée avec l’Afrique francophone, cet ex-précarré longtemps surnommé «Françafrique»?Emmanuel Macron croit toujours dans sa recette à base de coopération culturelle, d’aide aux diasporas, d’investissements et de formation, y compris sur le plan militaire.
En octobre 2024, la France accueillera le prochain sommet de la Francophonie, dans la nouvelle cité internationale de la langue française qui sera inaugurée dans quelques semaines à Villers-Cotteret (Aisne) au nord de Paris. Le président s’est aussi félicité du succès d’initiatives artistiques comme la saison Africa 2020 qui s’est achevée en septembre 2021. Il a salué la fondation de l’innovation pour la démocratie de l’intellectuel camerounais Achille Mbembe.
Sauf qu’aucune de ces pistes ne répond vraiment à la question: comment empêcher, dans l’immédiat, que la France se retrouve marginalisée à la hussarde et au bout du fusil dans une région dont elle a besoin, en particulier du côté des ressources naturelles comme l’uranium au Niger?