Il faut regarder la donne électorale en face: sans union, la gauche n’a aucune chance de revenir au pouvoir en France. C’est ainsi, et Jean-Luc Mélenchon a eu, de ce point de vue, raison de le répéter lors des journées d’été de La France Insoumise (LFI) ce week-end dans la Drome.
Les électeurs de gauche le suivent d’ailleurs sur ce terrain : 28% des Français se disent prêts à voter pour la NUPES, la Nouvelle union populaire écologique et sociale constituée autour de LFI pour les législatives de juin 2022, selon un récent sondage de l’institut Cluster 17. Dans le détail, 22% des Français se disent d’après cette enquête prêts à voter pour La France insoumise, 16% pour Les Verts, 15% pour le Parti socialiste et 9% pour le Parti communiste.
La personnalité de Mélenchon
Cette évidence pose, compte tenu de la personnalité de Jean-Luc Mélenchon et des options politiques radicales suivies par son parti, de sérieuses questions. Le soutien de LFI aux thèses communautaristes, les accusations sur sa bienveillance problématique envers l’islam politique, la tendresse réaffirmée de Mélenchon pour les autocrates de gauche latino-américains et surtout la volonté des Insoumis de refonder l’Union européenne aux forceps, quitte à s’opposer frontalement à l’Allemagne, sont un repoussoir évident pour une bonne partie des socialistes et écologistes. La scission et la division paraissent donc programmées d’ici aux élections européennes du 9 juin 2024 pour lesquelles Les Verts ont déjà annoncé qu’ils iront seuls aux urnes.
Reste la réalité, que l’ancienne candidate socialiste à la présidentielle Ségolène Royal vient à son tour de mettre en avant, avec sa proposition (aussitôt ridiculisée) de prendre la tête d’une liste d’Union de la gauche pour ce scrutin européen: s’il ne se rassemble pas, ce camp politique jouera pour longtemps dans l’opposition. D’abord parce que le système présidentiel français impose un leadership fort. Ensuite car la droitisation de l’opinion est incontestable dans le pays. Enfin parce que l’avènement d’une VIe République plus parlementaire, défendue sans relâche par Jean-Luc Mélenchon et les siens, est encore une illusion.
Contradiction fatale
La contradiction est fatale. Coté stratégie, La France Insoumise a raison, et Ségolène Royal, aussi discutable soit-elle, a posé ce week-end la bonne question. Coté politique, l’union ne peut pas trouver ses marques tant que Mélenchon, avec sa présence dominatrice, restera la figure de proue d’un mouvement qui surfe sur le désordre social plutôt qu’il ne cherche à construire une alternative.
D’où la question: qui, pour rendre de nouveau acceptable à gauche l’indispensable union? Il manque cruellement à la France, en 2023, une figure telle que François Mitterrand ou Lionel Jospin, capable de réunir contestation sociale, espoir de changement et culture de gouvernement.