Nicolas Sarkozy a un problème: son passé. C’est comme ça. A chaque fois qu’il évoque son ascension vers le pouvoir suprême, et ses années de président de la République, entre 2007 et 2012, l’auteur du «Temps des combats» (Ed. Fayard) remue les tripes de ses partisans et cajole ses fans. Ce passé de conquête de l’Élysée, contre la garde rapprochée de Jacques Chirac, puis de Chef de l’État offensif et audacieux, en pleine crise financière mondiale, est une machine à nostalgie pour tous les électeurs de droite qui croyaient avoir trouvé là le champion idéal. Sauf que ce passé est aussi ce qui plombe Sarkozy. La preuve: en pleine sortie de son livre, l’ex président vient d’apprendre qu’il sera renvoyé en procès, en 2025, pour répondre à ceux qui l’accusent d’avoir reçu de l’argent Libyen pour financer sa campagne victorieuse de 2007.
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Lire «Le temps des combats» revient à essayer de répondre à une question: l’énergique Nicolas Sarkozy a-t-il été, durant cinq ans, un bon président français? A la fin des presque 600 pages, osons un début de réponse. Oui, durant la crise financière de 2008-2012, et oui, lorsque la France a présidé, de juillet 2008 à décembre 2008, l’Union européenne. En clair: oui lorsque les situations de crise et d’urgence impliquaient une réponse rapide, mais aussi une coalition européenne. Nicolas Sarkozy ne mène bien les combats que lorsqu’il doit affronter des partenaires, les convaincre, mais aussi suivre leurs recommandations.
C’est la première leçon de cet ouvrage. A plusieurs reprises, l’ancien président français concède son irritation devant l’attentisme de la chancelière allemande Angela Merkel. L’on sent qu’il bout face à la prudence de Barack Obama. On le voit impressionné par la carrure de Mario Draghi, dont il plaidera avec succès pour la nomination à la tête de la Banque centrale européenne en 2011. Sarkozy est à son meilleur lorsqu’il monte à l’assaut au sein de forces politiques coalisées, et qu’il doit tenir compte de l’avis des autres. Ce passé-là plaide pour sa qualité d’homme d’État.
L’inverse est en revanche patent. «Le temps des combats» montre qu’à chaque fois qu’il s’est retrouvé seul pour prendre des initiatives, voire forcer le destin, «Sarko» a échoué. Qui peut croire, comme il l’écrit en page 476, que l’intellectuel français Bernard-Henri Lévy n’a pas été moteur dans sa décision de lancer une opération militaire en Libye, pour déboulonner le colonel Kadhafi? Qui peut croire, rétrospectivement, que ses relations avec Vladimir Poutine n’ont pas été influencées par la puissance des réseaux russes en France, notamment au sein de la droite? Le livre échoue là à nous convaincre.
Nicolas Sarkozy nous demande de le croire, comme lorsqu’il assène: «Si nous étions intervenus en Libye, ce n’était pas au nom d’une finalité que nous aurions cherché à imposer, mais en vertu de la conscience universelle, qui ne pouvait tolérer de tels crimes». Sarkozy, chantre de vertu internationale? Les justifications sont trop simples pour être convaincantes. Il est clair que l’ex président déteste les diplomates, ce qui a souvent été écrit. Clair, aussi, qu’il a toujours mêlé ses affaires personnelles aux affaires politiques. En clair: voilà un dirigeant qui a besoin d’être défendu contre lui-même.
Pas un récit d’envergure
«Le temps des combats» n’est pas un récit d’envergure. Il manque à Nicolas Sarkozy le goût de l’expertise géopolitique, bref, une vision qui nous ferait regarder cette période avec une acuité nouvelle. Son seul but est de se justifier et de s’assurer que son mandat passera à la postérité. Le cahier photos, à la fin, est fait pour ça: pour faire revivre une époque, pour faire en sorte que la trace de son passage à l’Élysée ne disparaisse pas.
Les anecdotes sont légion. Les remarques personnelles, parfois meurtrières (comme celle sur l’ancien ministre chiraquien Jean-Louis Debré qui refusa, comme président du Conseil constitutionnel, de valider ses comptes de campagne pour la campagne de 2012), sont nombreuses. Il y a de la roulette (russe) dans l’évocation de son passé. A presque chaque paragraphe, l’auteur apparaît tel qu’il est: obsédé par sa personne, l’importance de son action, sa place dans l’histoire, petite ou grande.
La Russie, au centre du livre
La Russie, justement. C’est à propos des phrases écrites sur Vladimir Poutine dans ce livre, et de son affirmation selon laquelle la Crimée ne pourra pas redevenir ukrainienne, que Nicolas Sarkozy a beaucoup été cité et chahuté depuis la sortie de l’ouvrage. C’est assez justifié compte tenu de l’actualité. Mais ce n’est pas fidèle au contenu du livre.
«Le temps des combats» doit se lire comme une chronique de cinq années durant lesquelles la France a tenté de tenir son rang. Cinq années aussi, durant lesquelles la situation économique du pays fut ébranlée par la crise. Nicolas Sarkozy rêvait d’être le président d’un redémarrage pour l’avènement d’une nouvelle France. Il n’a été, et ce livre le monde, qu’un président de transition.
A lire: «Le temps des combats» de Nicolas Sarkozy (Ed. Fayard)