Funérailles de Nahel
Kylian réveille-toi, le foot-business et l'argent roi rongent ta banlieue!

Les funérailles du jeune Nahel ont lieu ce samedi 1er juillet à Nanterre, quatre jours après sa mort causée par un tir policier. L'équipe de France de football a lançé un appel au calme après plusieurs nuits d'émeute. Mais son capitaine doit aussi ouvrir les yeux.
Publié: 01.07.2023 à 14:29 heures
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Dernière mise à jour: 01.07.2023 à 17:07 heures
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Dans Paris, la mobilisation policière est maximale ce week-end après quatre nuits d'émeutes et de violences urbaines
Photo: DUKAS
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Richard WerlyJournaliste Blick

La douleur d’une mère qui a perdu son fils unique ne sera jamais réparable. Quels que soient les résultats de l’enquête menée sur le tir policier qui a coûté la vie au jeune Nahel, mardi 27 juin à Nanterre (ouest de Paris), ses funérailles seront naturellement un moment d’affreuse douleur que tous les Français doivent regarder en face.

Une balle tirée à bout portant

Qu’un garçon de 17 ans meurt d’une balle tirée à bout portant par un motard de 38 ans, a priori formé au maniement des armes et aux situations d’urgence, est inacceptable et, pour beaucoup, impardonnable. En ce sens, le message adressé dans la nuit de vendredi à samedi par une partie des joueurs de l’équipe de France de football, relayée par son capitaine Kylian Mbappé, est une excellente nouvelle. Il faut saluer ce geste courageux de joueurs souvent issus, comme ils l’écrivent, des quartiers populaires.

Il ne s’agit pas de transformer le ballon rond en instrument de médiation ou d’imaginer que ces paroles de footballeurs vont suffire à ramener le calme dans les banlieues. Il s’agit juste de saluer ce geste citoyen, au service de l’ordre républicain dans un pays sans cesse ramené à ses blessures sociales et urbaines.

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La réalité, toutefois, présente aussi un autre visage dont Kylian Mbappé et tous ceux qui l’entourent dans le monde très lucratif du foot business et du sport business doivent prendre conscience, à un an de l’avalanche d’argent que vont constituer les Jeux olympiques d’été 2024. Ce n’est pas un hasard si les jeunes émeutiers se sont rués d’emblée, lors de la première nuit d’émeutes, sur le magasin Nike du Forum des Halles, en plein centre de Paris. Je l’ai vu à Montreuil, cette ville de Seine-Saint-Denis encore en proie aux voitures incendiées et aux pillages la nuit dernière. L’argent roi du foot, le déluge de pubs sur la vie rêvée des footballeurs issus des quartiers, l’engrenage fatal des réseaux sociaux qui font des vies ordinaires de banlieusards ordinaires un échec devant la réussite de quelques-uns, participent aujourd’hui d’un drame commun en France.

Que le fric soit érigé en modèle aux Etats-Unis, dont la France semble suivre tragiquement la trajectoire, est compréhensible. L’Amérique a toujours été le royaume de l’argent et de la réussite individuelle. C’est ainsi. En France en revanche, cette poussée individualiste, centrée sur l’argent facile au bout d’un pied magique ou d’un trafic de stupéfiants, mine les quartiers.

J’ose mettre les deux choses côte à côte en ayant bien conscience de l’injustice absolue que cela représente. Kylian Mbappé, 24 ans, et les autres joueurs tricolores ne seraient jamais arrivés là où ils sont sans un énorme travail, une discipline de tous les jours et, souvent, un encadrement et un appui familial constant. Mais qui le dit? Pourquoi Mbappé le héros de Bondy (Seine Saint Denis) ne parle pas de sa famille métissée et bien française, de ses heures passées à travailler, des sacrifices qu’il a dû faire pour en arriver là?

Le message des Bleus est louable, mais il effleure trop la réalité. C’est pour prendre l’ascenseur social en version TGV, sans billets, que les jeunes des quartiers défoncent, brûlent, cassent, pillent au nom de la «vengeance pour Nahel». Le tout, dans une France où les violences policières, la chasse au faciès et les discriminations nient tous les jours le pacte républicain supposé tenir tout le monde ensemble.

Jeux vidéo et réseaux sociaux

Emmanuel Macron a eu raison en pointant du doigt les jeux vidéo et les réseaux sociaux qui transforment les jeunes garçons en quasi-fauves, indifférents aux douleurs des autres, dans le monde réel de leurs quartiers dans lesquels ils se sentent emprisonnés. Il a eu tort, en 2018, d’écarter le plan banlieues proposé par Jean-Louis Borloo, qui suggérait de faire de ces zones la priorité de la soi-disant «start-up nation».

Kylian Mbappé a eu raison d’intervenir pour essayer de ramener le calme. Son appel est légitime. Mais il doit aller plus loin. Parler. Redire que l’effort paie. Répéter que les milliards d’euros dépensés chaque jour ou presque dans le mercato footballistique mondial n’est pas la vraie vie. Tel est le message qui servira le plus à soigner les blessures de la société française. Pour éviter d'autres Nahel.

Kylian réveille-toi, le foot business et l’argent roi rongent (aussi) ta banlieue!

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