Il veut copier la Suisse. Jordan Bardella l’a même cité en modèle lors de sa conférence de presse de présentation du programme de gouvernement du Rassemblement national ce lundi 24 juin, avant le premier tour des élections législatives anticipées dimanche 30 juin.
Sur quel sujet la Suisse peut être pertinente pour la France? Sur l’école. La proposition du président du Rassemblement national est de créer un «collège modulaire» qui permettrait davantage aux élèves intéressés par des métiers manuels d’être rapidement orientés vers le marché du travail.
«Nous adapterons l’école aux réalités économiques, à la vie active, et nous referons des métiers manuels une fierté nationale», a expliqué celui qui vient de mener avec succès la liste du RN aux élections européennes, victorieux avec 31,8% des voix. «Le collège modulaire fonctionne chez nos voisins suisses et nous l’adopterons», a-t-il poursuivi.
Notre suivi de la campagne électorale
L’exemple suisse aussi vis-à-vis de l’Union européenne? La Confédération n’a pas été citée en exemple, ce qui est logique, puisque la France est l’un des pays fondateurs de l’UE. Mais difficile de ne pas voir une référence à la distance helvétique dans la volonté exprimée par Bardella de «faire une pause dans la surtransposition absurde de directives communautaires».
Bruxelles dans le viseur
Bruxelles, ou la principale cible du RN. Ce n’est pas une surprise. Le parti national-populiste a longtemps préconisé une rupture avec l’Union. Rien de tel désormais. La reculade est généralisée, comme sur beaucoup d’autres sujets. Place à l’Europe à la carte! Le candidat du Rassemblement national au poste de Premier ministre s’est prononcé contre une «société normative», et pour la «préférence aux citoyens Français aux «postes stratégiques de l’État», dont les binationaux seraient exclus. Les sujets de friction, voire d’affrontements futurs avec la Commission européenne sont annoncés. Sur le plan économique, une baisse de la TVA sur les produits énergétiques est envisagée. Y compris si les règles européennes compliquent la donne.
«Il est parfaitement possible de baisser la TVA à 5,5% sur les produits énergétiques. Il y a là une jurisprudence, car la Pologne l’avait fait.». Fait très symbolique: Jordan Bardella a dit vouloir un «rabais budgétaire pour la France», qui contribuerait donc moins au budget communautaire. Il a dit «réfléchir» au fait d’accepter la présence du drapeau européen bleu étoilé s’il devait diriger le gouvernement français.
Il a également confirmé travailler sur différentes options de candidat pour le futur poste de commissaire européen français. La nomination de celui-ci sera l’un des premiers actes du futur gouvernement, alors que la répartition des portefeuilles sera bientôt discutée, dès que les 27 États membres se seront mis d’accord, lors de leur sommet des 27 et 28 juin, sur le nom du président de la Commission européenne pour laquelle la sortante, Ursula von der Leyen, semble bien partie.
Défendre la France
Interrogé sur l’attitude vis-à-vis de l’Allemagne et des autres partenaires européens de la France, Jordan Bardella s’est voulu déterminé, mais rassurant. La seule ligne assumée par le candidat du RN est de défendre au maximum les intérêts de la France dans l’UE, sans dire comment il obtiendra gain de cause. Le candidat Premier ministre n’a bien sûr pas dit comment il ferait pour obtenir le «rabais budgétaire» pour la France dans l’Union, ce qui promet de sérieuses batailles au sein de la zone euro, cette monnaie unique que le RN n’envisage plus du tout d’abandonner. Il n’a pas non plus précisé s’il exigera, ou non, de siéger aux côtés d’Emmanuel Macron lors des sommets européens à Bruxelles.
«Pas une majorité qui écrase»
L’autre sujet clé de cette conférence de presse tenue derrière le slogan «L’alternance commence» aura été celui du bon fonctionnement démocratique. «Pas un seul droit ne sera enlevé aux Français», a-t-il promis. «Nous ne serons pas une majorité qui écrase. Je veux la république du respect.» La nouvelle préférence nationale vaudra pour les postes «stratégiques» Elle s’accompagnera d’une remise sur pied des deux grands corps de la haute fonction publique supprimés par Emmanuel Macron: le corps préfectoral et le corps diplomatique.
«Il faut rendre à l’État la considération qu’il mérite», a asséné Jordan Bardella, qui s’est dit ouvert à l’accueil de personnalités issues de la société civile dans son futur gouvernement. Cela, si son parti obtient une majorité absolue de 289 sièges de députés sur les 577 en lice. L’intéressé demeure donc fidèle à sa ligne de n’accepter la direction du gouvernement qu’en cas de majorité absolue: «Il faut conjurer le diable politique que serait le manque de majorité. Nous sommes prêts à un gouvernement d’union national mais il nous faut pour cela la majorité absolue. Je ne changerai pas là-dessus.»
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Sur le plan économique, le viseur de Jordan Bardella est pour l’essentiel dirigé contre la gestion d’Emmanuel Macron, accusé d’avoir mis le pays «en faillite» et d’avoir même, peut-être, dissimulé certaines dépenses, ce qui justifiera un audit financier. Pas question pour le patron du RN de se lancer dans des justifications comptables, alors que certains experts chiffrent le coût de son programme à 100 milliards d’euros de dépenses publiques supplémentaires. Lui chiffre à sept milliards d’euros seulement le coût de son programme économique, qui inclura une incitation à la hausse des salaires dans les entreprises, via une exonération de charges sur les augmentations jusqu’à 10%, et l’abandon de l’impôt sur les successions pour les ménages les plus modestes, jusqu’à hauteur de 100 000 euros. Des mesures justifiées par le «contexte d’urgence sociale» dans lequel se trouve selon lui la France.
A quoi ressemblera une éventuelle cohabitation avec le président? «Toute la Constitution, rien que la Constitution. Je serai respectueux mais intransigeant sur la politique que je mènerai parce que j’aurai eu la légitimité démocratique pour la mettre en œuvre.». Interrogé sur le risque de crise sociale et de manifestations en cas d’accession du RN au gouvernement, Jordan Bardella a promis de «dissoudre toutes les organisations d’ultra-droite ou d’ultragauche qui mettraient en péril l’ordre public». «Ma main ne tremblera pas» a-t-il précisé, en un message adressé à tous ceux qui redoutent une France en éruption dès l’issue du premier tour, et encore plus après le second tour le 7 juillet.
Une autre mesure «à la Suisse» a été évoquée. Elle n’est pas nouvelle: il s’agit du recours au référendum pour lequel Marine Le Pen avait plaidé dans Blick. Jordan Bardella maintient son intention de demander au président de la République d’organiser un référendum sur un arsenal de mesures anti-immigration. Il n’en a toutefois pas précisé les contours exacts. «Il s’agira d’entériner ces mesures dans la constitution française pour les rendre intouchables aux juridictions européennes» a-t-il justifié. Plus que jamais, le repli national est à l’ordre du jour.