Emmanuel Macron promet de rassembler. Il ne démissionnera pas en 2027. Et il affirme avoir entendu le message des Français dans la «crise démocratique» que traverse le pays. Tel est le résumé de la lettre que le président vient d’adresser à ses compatriotes.
Le locataire de l’Élysée avait promis d’intervenir tous les trois jours pour galvaniser les électeurs qui lui accordent encore leur confiance. Il y a renoncé, sous la pression de ses ministres et de ses députés sortants, très inquiets de la montée de la colère anti-présidentielle dans le pays depuis sa décision surprise de dissoudre l’Assemblée nationale au soir de sa défaite aux élections européennes, le dimanche 9 juin. C’est donc sur un autre mode que le chef de l’Etat français a décidé d’intervenir, en écrivant cette longue lettre publiée dans la presse quotidienne régionale et sur le site des stations de radio locales du réseau France Bleu.
Notre suivi de la campagne électorale
Une lettre? Cela signifie donc qu’Emmanuel Macron a compris que sa parole divise. Cela veut surtout dire qu’il a conscience de la nécessité de s’expliquer sur une décision encore mal comprise, qui débouche sur la campagne électorale la plus courte de l’histoire de la Ve République. Le premier tour aura lieu dans pile une semaine, dimanche 30 juin, et le second se tiendra le 7 juillet.
Il veut d’abord rassurer
Premier point: rassurer. A tous ceux qui jugent cette décision prise à la hâte, dans la colère de la défaite, Emmanuel Macron dit non. «J’ai pris cette décision en responsabilité, avec beaucoup de gravité et après une réflexion de plusieurs semaines. Je l’ai prise dans l’intérêt du pays avant toute autre considération, y compris personnelle, n’ayant par définition plus aucune échéance électorale». Il s’agit donc d’une décision réfléchie, liée à l’assurance d’une crise politique qui serait survenue dès la fin des Jeux olympiques et paralympiques. «Le fonctionnement de notre Assemblée et le désordre des derniers mois ne pouvaient plus durer. Les oppositions s’apprêtaient à renverser le gouvernement à l’automne, ce qui aurait plongé notre pays dans une crise au moment même du budget.»
Second point: redire l’exigence démocratique. C’est depuis dimanche dernier le point fort de toutes les interventions d’Emmanuel Macron. Il a choisi avec cette dissolution de rendre la parole au peuple qu’il a lui-même qualifié de «souverain», ce qui est rare en France. «Vous demander de choisir, vous faire confiance, n’est-ce pas là le sens-même de la démocratie et de notre République? L’élection qui vient est un rendez-vous de confiance, grave, sérieux, à l’occasion duquel nous devons clarifier le choix pour notre pays et pour nos vies. Car cette élection n’est pas l’élection d’une femme ou d’un homme, ce n’est ni une élection présidentielle, ni un vote de confiance envers le président de la République. C’est celle de 577 députés. C’est celle d’une majorité de gouvernement. C’est celle d’une seule question: qui pour gouverner la France?» En clair: le président de la République compte sur les Français.
Extrême droite contre gauche unie
Troisième point: l’avenir. C’est un peu ce qui manquait jusque-là depuis la dissolution. Comprendre où Macron veut en venir au-delà de la «clarification» politique, caractérisée par la montée des extrêmes, l’éclatement de la droite et l’union de la gauche sous le label de «Nouveau Front populaire». Le président rentre, à ce moment de sa lettre, dans la bataille électorale. Le Rassemblement national (largement en tête selon les sondages avec 34-35% des intentions de vote)? «Il divise la nation en opposant ceux qu’il nomme de vrais Français et des Français de papier. Il ignore le changement climatique et ses conséquences. Il prétend vous rendre du pouvoir d’achat mais en revenant sur les réformes des retraites ou en faisant des promesses sur le prix de l’énergie, elle augmentera vos impôts.» La gauche unie (autour de 29%)? «Elle refuse la clarté sur la laïcité et l’antisémitisme. Elle est divisée sur la réponse à apporter au changement climatique. Elle prétend répondre aux injustices de notre société par une augmentation massive des impôts pour tous, et pas seulement pour les plus riches.»
Reste donc ce qu’Emmanuel Macron nomme le «bloc central» (autour de 20%): «Il propose de continuer les réformes pour le travail, la réindustrialisation, une écologie des résultats, pour investir dans les services publics sans impôts ni dette supplémentaire et de défendre une laïcité assumée et une autorité restaurée depuis l’école jusqu’à la justice. Il défend des choix clairs sur Israël et Gaza comme sur l’Ukraine et a bâti depuis 7 ans une armée plus forte dont nous aurons doublé le budget.» Avec une promesse: «Je ne suis pas aveugle: je mesure le malaise démocratique. Cette fracture entre le peuple et ceux qui dirigent le pays que nous n’avons pas réussi à résorber. Oui, la manière de gouverner doit changer profondément. Le gouvernement à venir, qui reflétera nécessairement votre vote, rassemblera, je le souhaite, les républicains de sensibilités diverses qui auront su par leur courage s’opposer aux extrêmes.»
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Aucun nouvel argument
Le problème est que ce courrier ne dit rien de neuf par rapport aux précédentes interventions présidentielles. Les choses sont dites plus simplement, plus clairement, mais aucun nouvel argument n’est offert aux électeurs. Emmanuel Macron souhaite rassembler. Mais il ne prononce pas les mots qui pourraient faire la différence, comme «coalition» ou «accord de gouvernement». Il ne s’engage pas non plus à nommer un Premier ministre issu de la future majorité. Il redit juste qu’il restera au pouvoir jusqu’en 2027 «protecteur à chaque instant de notre République, de nos valeurs, respectueux du pluralisme et de vos choix, à votre service et à celui de la nation».
Ce courrier montre que le président français demeure combatif, qu’il continue de croire gagnable cette bataille législative en forme de sprint. Seul problème: il n’aborde et ne répond jamais à la question centrale, celle qui sous-tend la crise politique du pays: le manque de confiance d’une majorité de la population dans ce «bloc central» et la détestation dont il est aujourd’hui l’objet même s’il conserve un socle d’environ 20 à 25% d’électeurs. Ce qui est loin de suffire pour remporter ces futures législatives.