Faits, mensonges, conséquences
Trois ans après, les 5 vérités interdites sur la guerre en Ukraine

L'Ukraine a été agressée par la Russie le 24 février 2022, c'est indéniable. Des crimes de guerre ont été commis par les troupes russes. Mais le récit de ce conflit garde aussi des zones d'ombre qu'il faudra lever pour négocier la paix.
Publié: 13:01 heures
|
Dernière mise à jour: 14:21 heures
1/5
L'armée ukrainienne est en général évaluée à 700 000 soldats, dont une majorité de conscrits.
Photo: Getty Images
Blick_Richard_Werly.png
Richard WerlyJournaliste Blick

Donald Trump le répète dès qu’il le peut devant les caméras. Il a vu les images de la ligne de front en Ukraine, où des «milliers de jeunes gens sont envoyés à la mort». Il a vu les photos satellites des destructions massives engendrées par trois ans de conflit en Ukraine, depuis l’agression russe du 24 février 2022. Trump a encore parlé, devant Emmanuel Macron ce lundi à Washington, de villes détruites, d’églises saccagées, d’une culture sacrifiée. Tel est donc, pour le Président des Etats-Unis, le bilan tragique de ces hostilités qui, selon lui, n’auraient «jamais eu lieu» s’il avait été au pouvoir. Vrai? Faux? Retour sur cinq vérités interdites de cette guerre.

Une guerre d’agression

C’est le terme que les Russes détestent. Pour cette raison, cette vérité factuelle est aujourd’hui interdite à Washington et dans le langage diplomatique utilisé par l’administration Trump. Objectif? Obtenir évidemment l’accord de Vladimir Poutine, en mettant de côté ses responsabilités écrasantes dans le déclenchement de ce conflit, et dans les crimes de guerre qui ont suivi, à l’origine du mandat d’arrêt lancé contre lui, le 17 mars 2023, par la Cour pénale internationale que Donald Trump menace de sanctions.

Va-t-on vers un règlement négocié qui effacerait l’agression russe contre l’Ukraine, cédant ainsi à la version de Moscou selon laquelle les pays Occidentaux ont «propagé un sentiment antirusse en Ukraine» ? Les écrits de Poutine restent en tout cas. Comme cet article publié en juillet 2022: «Les Russes et les Ukrainiens sont un seul peuple» affirmait-il, soulignant les «liens spirituels, humains, civilisationnels» qui «se sont tissés depuis des siècles». Conclusion: «Nous ne permettrons jamais que nos territoires historiques et que les personnes qui nous sont proches et qui y vivent soient utilisées contre la Russie».

Une guerre technologique

Les images ramenées du front font immanquablement penser à celles prises dans les tranchées de la Première Guerre mondiale. Et cela correspond à la réalité: des deux côtés, les soldats ukrainiens et russes se battent comme il y a un siècle, au point que des combats se terminent parfois au corps à corps. Mais une autre guerre se cache derrière ces tranchées: celle des drones dont Volodymyr Zelensky affirme, à juste titre, que l’armée ukrainienne est devenue la championne d’Europe. La guerre en Ukraine est, de ce fait, bien plus technologique qu’il n’y paraît. C’est aussi pour cette raison que les vagues humaines lancées par l’armée russe, au péril de la vie des soldats, n’ont pas submergé les lignes ukrainiennes.

La guerre technologique a aussi permis à l’Ukraine de couler plusieurs navires de la flotte russe en mer Noire et de rouvrir son couloir d’exportation maritime. Volodymyr Zelensky a donc eu raison d’affirmer, lors de la Conférence sur la sécurité de Munich, que l’Ukraine a toute sa place dans une future armée européenne. Elle en serait, incontestablement, la force la plus expérimentée.

Une guerre de commandants

La spécificité de la guerre en Ukraine est qu’elle est menée, depuis trois ans, par des capitaines et des commandants, à la tête d’unités relativement autonomes. C’est surtout le cas côté ukrainien, mais l’armée russe s’est aussi adaptée après avoir perdu plusieurs généraux au début des combats. Là aussi, les leçons à tirer de ces trois ans de conflit sont énormes. Ceux qui ont cru que l’arrivée de tanks occidentaux modernes allaient changer la donne, ou que l’utilisation de missiles longue portée contre la Russie peut mettre celle-ci à genoux se trompent lourdement. C’est au niveau du commandement intermédiaire que tout se joue, et l’ingéniosité ukrainienne a consisté à éviter les lourdeurs typiques des armées issues de l’ex-URSS.

Une guerre nationaliste

Le terme «nationaliste» est tabou en Ukraine. Et pourtant: c’est incontestable. L’idée d’une nation ukrainienne au sein de laquelle la minorité russe puisse demain trouver sa place paraît juste impossible après trois ans de conflit. De facto, une épuration ethnique similaire à celle qui eut lieu dans les Balkans lors de la désintégration de l’ex-Yougoslavie, est à l’œuvre depuis trois ans. Les russophones et les pro-russes ne sont bien sûr pas tous partis rejoindre les régions contrôlées par l’armée de Poutine. Mais la méfiance envers les Russes sera très difficile à dissiper, même si de nombreux maires de grandes villes, russophones, ont choisi sans hésiter le parti de l’Ukraine assiégée. La Russie institutionnelle est détestée. Ceux qui invoquent le fédéralisme «à la Suisse» comme future solution pour l’Etat ukrainien sont assurés de buter sur cette réalité douloureuse.

Une guerre froide

Il ne s’agit pas, par ce terme, de signifier que le conflit est gelé. Il ne l’est pas du tout! Depuis trois ans, les combats sont incessants et engendrent des destructions apocalyptiques. Mais il s’agit bien d’une guerre froide, au sens géopolitique. Une guerre entre un bloc, la Russie fidèle à sa grandeur impériale et à sa mission protectrice des minorités russophones, et un autre bloc présumé: l’Occident libéral, que Moscou accuse d’avoir provoqué les hostilités. L’acharnement de Vladimir Poutine contre l’OTAN, cette alliance que l’Ukraine veut rejoindre, est un héritage de cette obsession soviétique de la déstabilisation, et de la menace nucléaire.

La guerre en Ukraine dépasse, de ce fait, le territoire ukrainien. Vladimir Poutine ne veut pas envahir Paris, ou Berlin, mais il exige d’être peu ou prou le maître de l’Europe centrale et orientale. Il y mène pour cela des guerres hybrides. Le Pacte de Varsovie, l’alliance militaire entre pays communistes, n’existe plus depuis juillet 1991. Dans la tête de Poutine en revanche, il existe encore.

Découvrez nos contenus sponsorisés
Vous avez trouvé une erreur? Signalez-la