Peut-on faire confiance aux médias, Blick inclus, lorsqu’ils traitent de l’élection présidentielle américaine et des chances respectives de Donald Trump et de Kamala Harris? A cette question, les électeurs Américains répondent par un «non» massif.
Selon la dernière étude de l’institut Gallup, publiée le 14 octobre, seules 32% des personnes interrogées déclarent avoir confiance dans la presse et dans les chaînes de télévision. Un électeur sur trois! Soit exactement le même chiffre qu’en 2016, lorsque Donald Trump l’avait emporté sur Hillary Clinton à la surprise générale, notamment… des sondeurs et des médias.
Le plus marquant, dans cette étude Gallup, est la courbe qui ne cesse de descendre depuis 1972, qui vit la réélection de Richard Nixon à la Maison Blanche, avant qu’il ne doive démissionner deux ans plus tard en raison du scandale du Watergate révélé par le «Washington Post». Il y a un demi-siècle, sept Américains sur 10 avaient confiance dans les médias.
Chaque matin jusqu’à la mi-novembre, je prends pour vous le pouls de l’Amérique. Un rendez-vous écrit sur le terrain, là où se joue le duel entre Donald Trump et Kamala Harris.
Et pas n’importe quel terrain: d’ici au 5 novembre, date de l’élection présidentielle, c’est sur les routes, entre Chicago, où Kamala Harris a été investie par la convention démocrate à la mi-août, et Mar-a-Lago, le fief de Donald Trump en Floride, que je rédigerai ces chroniques matinales en cinq points. En plus: une série de reportages à ne pas manquer et des vidéos et photos de mon collègue Pierre Ballenegger.
Vous faites partie de ceux qui pensent que notre avenir se joue aussi le 5 novembre, de l’autre côté de l’Atlantique? Alors ne ratez pas ces chroniques. Partagez-les. Et réagissez!
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Et pas n’importe quel terrain: d’ici au 5 novembre, date de l’élection présidentielle, c’est sur les routes, entre Chicago, où Kamala Harris a été investie par la convention démocrate à la mi-août, et Mar-a-Lago, le fief de Donald Trump en Floride, que je rédigerai ces chroniques matinales en cinq points. En plus: une série de reportages à ne pas manquer et des vidéos et photos de mon collègue Pierre Ballenegger.
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La différence entre les électeurs démocrates et les républicains est encore plus parlante. En effet, 54% des partisans de Kamala Harris croient ce qu’ils lisent ou entendent, tandis qu'ils ne sont que 12% chez les électeurs de Donald Trump. Et si cette défiance, désolante pour les journalistes, était justifiée? Voici cinq raisons qui poussent à réfléchir.
Des médias trop biaisés
L’affirmer ainsi, c’est prêter le flanc aux critiques. Mais éluder cette question, c’est rater l’essentiel. Le «Washington Post», propriété du milliardaire Jeff Bezos, vient de refuser de prendre parti pour la candidate démocrate, même si les articles publiés dans ses pages Opinion lui sont très largement favorables. Or que peut-on lire dans le quotidien de la capitale fédérale américaine, sous la plume de son richissime propriétaire? «Nous devons être exacts et nous devons être considérés comme tels. Or c’est une pilule amère à avaler, mais nous ne remplissons pas la deuxième condition.»
Le milliardaire poursuit: « La plupart des gens pensent que les médias sont biaisés. Quiconque ne le voit pas ne prête guère attention à la réalité, et ceux qui se battent contre la réalité perdent. La réalité est un champion invaincu.» Bezos nie bien sûr, dans son article, avoir refusé un soutien officiel à Kamala Harris par peur de Donald Trump contrairement à ce que nous avons écrit dans Blick. Alors, qui a raison?
Des médias qui en font trop
C’est l’autre critique. Et elle vaut des deux côtés de l’Atlantique. Au fil de notre périple américain qui touche à sa fin, de Chicago à Mar-a-Lago, nous avons souvent vu les Américains hausser les épaules à l’évocation d’un article, ou d’un talk-show télévisé. «Du cinéma! Du spectacle! Les médias se nourrissent de la politique, et Trump leur plaît, même s’ils le détestent, car il fait de l’audience» s’est énervé devant nous, à Washington, l’activiste démocrate Robert King.
En Suisse aussi, la question a été posée lors d’un débat organisé mercredi par le Club suisse de la presse, en présence de Blick. Pourquoi parler tant des élections américaines? N’est-ce pas donner une chambre d’écho à la surenchère d’accusations des deux camps, et assurer à Donald Trump une caisse de résonance sans précédent?
Le fait est aussi que les Américains que nous avons rentrés sont inquiets des tensions et d’une possible guerre civile post-élections. Est-ce trop en faire que de leur donner la parole alors que pour l’heure le pays est calme? Le débat est ouvert.
Des médias dévastés
La réalité, comme nous avons pu le constater à New Bern, en Caroline du Nord, est que la presse populaire et locale est dévastée aux Etats-Unis. Des comtés entiers, grands comme plusieurs cantons suisses, n’ont plus le moindre journal. L’information se retrouve donc aux mains 1. des algorithmes des réseaux sociaux, 2. des journaux présumés «élitistes» comme le «New York Times» ou le «Washington Post», 3. des chaînes de télévision au sein desquelles la réactionnaire Fox News joue un rôle déterminant.
Plus grave: les derniers titres locaux, comme ceux du groupe Paxton Media que nous avons pu visiter à New Bern, se tiennent résolument à l’écart de la présidentielle pour éviter de fâcher leurs derniers lecteurs, compte tenu de la division du pays en deux. Pour survivre, mieux vaut se taire et aborder d’autres questions que l’avenir des Etats-Unis.
Des médias qui fluctuent
La Kamala mania de la fin août, après le succès de la convention de Chicago, s’est dissipée pour de bon. L’heure est maintenant à l’inexorable remontada de Donald Trump, alors que les sondages (à prendre avec précaution, et à comparer) donnent toujours les deux candidats au coude-à-coude dans les sept Etats clés, et notamment dans le plus grand, la Pennsylvanie.
Pas crédible ce changement d’appréciation? La réponse est plus simple: les médias sont le reflet de l’air du temps et la campagne de Kamala Harris a commencé à patiner à partir du début octobre. Le doute s’est installé. Un doute alimenté par la différence très nette entre les deux campagnes.
La candidate démocrate mise sur le ratissage des voix sur le terrain, et sur le rejet politique de Trump, qu’elle qualifie de fasciste. Le candidat républicain, lui, n’a pas changé de registre: il ridiculise ses adversaires, jure que la triche électorale a commencé, et se sert de ses insultes pour créer toujours plus de «buzz».
Trump a toutefois pris ses distances avec les déclarations controversées sur Porto Rico lors de son meeting de Madison Square Garden dimanche à New York. Ceci, alors que le président Joe Biden tombait dans son piège en traitant les électeurs trumpistes «d’ordures». 1-0 pour le Républicain.
Des médias traditionnels dépassés
Les Américains vivent dans un autre monde médiatique que les Européens. D’abord en raison de ce désert informationnel qui affecte de nombreuses parties du pays. Ensuite en raison de pratiques de consommations d’information qui ont complètement changé.
L’expert français de la Tech américaine Frédéric Filloux le notait ces jours-ci sur son compte X: «Pour mes confrères & soeurs qui pensent que l’absence de support officiel du Washington Post est ennuyeux pour Kamala Harris: Abonnés au WaPo: 130k (print) et 2.5m (digital). Audience du podcast de Trump chez Joe Rogan: ➔ 27 m de vues. (KH ne veut pas y aller).»
Or une fois de plus, Donald Trump a su faire ce saut médiatique. Il a multiplié les podcasts et les interviews dans des médias où on ne l’attendait pas. Il quadrille l’espace médiatique. Kamala Harris, elle, donne sans cesse l’impression de réagir après avoir, parfois, esquivé les questions dans un premier temps.
Pour réagir et débattre: richard.werly@ringier.ch