J-7 à Savannah, Géorgie
Ma journée avec le «coach» Tim Walz, le canon anti-Trump de Kamala

J-7 avant la présidentielle du 5 novembre aux États-Unis. A Savannah, en Géorgie, l'enjeu pour les démocrates est de mobiliser leur électorat. Il y a quatre ans, Joe Biden l'avait emporté de 12'000 voix. Reportage aux côtés de Tim Walz, le colistier de Kamala Harris.
Publié: 29.10.2024 à 21:53 heures
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Dernière mise à jour: 30.10.2024 à 15:26 heures
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Tim Walz était ce mardi 29 octobre à savannah, en Géorgie. Nous l'avons accompagné à la salle de concert Victory North.
Photo: Pierre Ballenegger
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Richard WerlyJournaliste Blick

Le plus grand barnum électoral du monde touche à sa fin. Dans sept jours, une semaine exactement, les bureaux de vote fermeront aux États-Unis, ouvrant à coup sûr un angoissant suspense. Quels que soient les résultats proclamés, sauf s’ils lui sont d'emblée favorables, Donald Trump a promis de les contester. Le fait de déployer des milliers d’observateurs du Parti républicain dans tous les comtés du pays ne suffit pas. Toujours persuadé, contre toute évidence, d’avoir remporté l’élection présidentielle de 2020 face à Joe Biden, le milliardaire new-yorkais a déclaré par avance la guerre à tous les officiels en charge des élections dans les cinquante États, s’ils osent lui voler la victoire qu’il estime acquise.

Mais où en est cette campagne, alors que les excès et les insultes de Trump monopolisent l’attention des médias du monde entier? Une journée passée à Savannah, en Géorgie, à attendre, puis à suivre l’intervention de Tim Walz, le colistier de Kamala Harris, m’en a donné une idée assez précise. Pour les électeurs et les activistes du parti démocrate, Tim Walz est le «coach». Celui qui saura jusqu’au bout conduire l’équipe au succès, derrière Kamala Harris. Son canon anti-Trump.

Qui dit «coach» dit équipe

La notion de «coach» est importante. Car qui dit «coach» dit équipe. C’est cet angle d’attaque qui, tout au long de la journée passée avec ses équipes, ressort de la stratégie du camp Harris. Edna Jackson, 80 ans, est une ancienne maire démocrate de Savannah, ville historique de Géorgie marquée par l’esclavage. Elle raconte: «Il y a une partie de notre campagne que les médias ne voient pas. A quoi sert pour nous, qui défendons la dignité des hommes et surtout des femmes menacées dans leurs droits, d’aller confronter Trump sur son terrain des invectives? Notre mission, c’est de récolter chaque voix, chaque vote, surtout jusqu’au 1er novembre (date où le vote anticipé prend fin en Géorgie). J’ai moi-même passé plus d’un millier d’appels téléphoniques.»

Une campagne à l’américaine se déroule à peu près ainsi. Côté pile, les énormes meetings des candidats, comme celui de Trump dimanche au Madison Square Garden de New-York, ou celui de Kamala Harris et Michelle Obama ensemble, la veille, dans le Michigan. Côté face, un ratissage électoral du pays par les comités locaux du pays, alors que l’artillerie des clips télévisés fait feu sans cesse. Tim Walz est chargé de ce ratissage de terrain, au plus près des votants. L’actuel gouverneur du Minnesota a été choisi le 6 août par Kamala Harris parce qu’il a tout pour contrebalancer le discours viril des Républicains. Walz est chasseur. Il a «coaché» des équipes de football américain. Il a été enseignant. Il connaît par cœur cette Amérique des classes moyennes et populaires qui fera la différence dans les urnes. Et justement, le voici sur scène à Savannah, dans la salle de concert de Victory North.

Edna Jackson (au centre) est l'une des figures du parti démocrate de Savannah, dont elle a été maire.
Photo: Pierre Ballenegger

Deux heures à patienter

Il a d’abord fallu attendre. Deux heures à patienter devant les agents du Secret Service qui examinent tout, fouillent tout, et contrôlent chaque entrée et sortie. Walz n’est que le numéro deux du ticket démocrate. Mais sa vie, déjà, ne lui appartient plus. Au moins trois meetings par jour, bien plus petits que ceux de la vice-présidente. Son public? Tous ceux qui peuvent ramener des voix ici, dans le Comté de Chatham, le plus à l’est de la Géorgie.

J’échange avec Nelly, 63 ans, venue avec ses deux filles, Pearl et Samantha. Comme nous, les trois se sont inscrites il y a deux jours. Elles ont aussitôt reçu le mail de confirmation. En plus, le parti démocrate leur a confié une liste de noms à joindre, sur leur téléphone portable. Nelly me montre la liste: près de deux cents noms, tous enregistrés démocrates, car cela est possible aux États-Unis, où les présidentiables sont issus de primaires organisées par les partis.

«Si on vote, on gagne»

Tous les noms féminins sont surlignés. Sur scène, une brochette de femmes se déhanchent avec les panneaux Harris-Walz. La musique est à fond. La chanson «Son American» d'Olivia Rodrigo nous arrache les tympans. Tout est chorégraphié pour les télévisions. Applaudissements. Refrains que l'on reprend. Formules chocs qu'il faut répéter. Un spectacle quasi-automatique, déjà vu. Au micro, Tim Walz pilonne les slogans «Si on vote, on gagne» et «Pas question de revenir en arrière». Sa cible est Donald Trump. Et tout y passe: les faillites de l’ancien président, ses condamnations judiciaires, ses erreurs fatales durant la pandémie de Covid. Le Covid? Edna Jackson est dubitative. Oui, Trump a failli, mais qui s’en souvient. C’était en 2020. «Les électeurs ont toujours la mémoire courte, argumente la très courtoise et pimpante octogénaire. C’est cela qui me fait peur. On leur dit, ne revenez pas en arrière. Mais beaucoup ne veulent pas se souvenir. Ils regardent juste leurs factures, les fins de mois. C’est la peur et le dollar qui mènent la danse.»

Tour à tour, des femmes actives à Savannah sont venues répéter le slogan «Pas question de retourner en arrière».
Photo: Pierre Ballenegger

J’observe Tim Walz. Le gouverneur a la silhouette massive du bon vivant. Et l’empathie du «coach». Il joint les mains en direction d’une pancarte qui dit «Vote for Gus’s Father» (Votez pour le père de Gus). Gus est son fils. Il a versé des larmes lors de la convention démocrate de Chicago en août. Tim Walz est l’Amérique qui manquera toujours à Kamala Harris, cette juriste californienne qui a grandi dans une famille intellectuelle et universitaire, avant de fréquenter la fameuse université noire Howard, à Washington. Il parle au pays avec lequel nous voyageons depuis vingt jours. Celui des Campgrounds, les campings où l’on gare notre RV. Tim parle surtout à ces femmes américaines. Elles ont la peau blanche ou noire. Mais c’est de leur corps dont Trump et les siens veulent disposer. «Ce type ne doit pas entrer dans notre chambre à coucher. Vous voulez Trump dans votre lit?» Applaudissements.

Tim Walz ne pèse rien politiquement. Aux États-Unis, le colistier du candidat à la présidence est d’abord un faire-valoir. Il ne peut pas compter, comme JD Vance, Sénateur de l’Ohio sorti du ruisseau et de la misère, sur une solidarité de classe. Walz est celui qui prend l’Amérique populaire à rebours. D’accord «folks» (les amis), vous voulez gagner plus, polluer plus, expulser davantage de migrants parce que Trump vous a mis cela dans la tête. Mais vos filles, vos femmes, vos mères? Et quid de l’éducation publique de vos enfants que les Républicains veulent sabrer? Et votre assurance maladie qui vous empoisonne les fins de mois? Walz n’est pas qu’un coach. Il est le prof de lycée. Celui qui dit les évidences, qui convoque les mères de famille, qui sait parler aux gamins qui dérivent.

Crucial vote de la Géorgie

La presse s’inquiète de la fin de campagne difficile, voire terrible pour Kamala Harris. La remontada de Trump domine les titres. Sauf qu’une élection comme celle-ci ne se décide pas sur les plateaux de TV, dans les studios de podcast, ou dans les salles de rédaction. Edna Jackson me prend par le bras pour descendre les marches du Victory North, la salle qui se vide en un temps record après le départ du gouverneur Walz. Dans deux heures, le «coach» sera à Columbus, à quatre heures de voiture. Le vote de la Géorgie est crucial. «On a encore six jours pour faire comprendre que Trump veut casser l’Amérique. La fracasser et nous broyer.» Les dernières paroles de Walz ont justement entonné ce refrain. «Donald J Trump n’aime pas l’Amérique. Il ne vous aime pas. Il n’aime que lui.»

Le gouverneur du Minnesota descend dans l’arène. Il passe juste devant moi. Les selfies crépitent. L’Amérique n’a pas fini de se regarder dans le miroir déformant des urnes, le 5 novembre.

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