Arrêtons de diaboliser Donald Trump. Oui, l’ancien président des Etats-Unis est imprévisible. Oui, ses tendances autoritaires sont évidentes. Et oui, son obsession des «deals» peut le conduire à conclure des accords problématiques avec des tyrans qu’il estime être le seul à pouvoir gérer et affronter.
La liste d’inquiétudes, surtout vue d’Europe, peut continuer. Elle est longue. Mais à deux semaines pile de l’élection présidentielle du 5 novembre, il vaut mieux s’attarder sur les faits et cesser de spéculer.
Les faits? Donald Trump est jugé par beaucoup d’Américains sur son programme. Ce qu’il propose correspond à ce qu’ils veulent. Un renvoi beaucoup plus systématique des migrants illégaux. Une politique industrielle et économique beaucoup plus protectionniste. Une politique étrangère basée uniquement sur les intérêts directs et immédiats des Etats-Unis. Et un retour forcé aux valeurs de la soi-disant Amérique éternelle: travail, religion, famille, liberté, profit.
S'indigner non, interroger oui
Faut-il s’en indigner et crier au fascisme rampant? Non. Ce qu’il faut, comme je tente de le faire depuis deux semaines au fil de mes escales en camping-car aux Etats-Unis, c’est interroger et s’interroger. Interroger? Oui. Je n’ai pas cessé, depuis mon arrivée à Chicago, de demander aux Américains pourquoi Trump, ce clown milliardaire qui a bâti en partie sa fortune à coups de procès contre ses adversaires, ses créanciers ou ses fournisseurs, leur paraît crédible.
S’interroger? Oui, également. Trump est aux antipodes de ce que l’Europe propose comme modèle de dirigeant politique, sauf peut-être du côté de la Hongrie de Viktor Orbán, que l’ancien président américain cite souvent. Et pourtant: ayons le courage et la lucidité de regarder autour de nous. Le «Trumpisme» est partout sur le Vieux Continent. Il est en embuscade. Les Américains ne sont pas fous. Ils sont peut-être juste en avance sur ce qui se passera bientôt sur cette rive de l’Atlantique.
Trump est en partie à l'image de l'Amérique
La leçon que je tire, après deux semaines à sillonner le nord et l’est des Etats-Unis, de Chicago à Washington en passant par l’Indiana, l’Ohio, le Michigan et la Pennsylvanie (ces deux derniers Etats étant des swing states) est qu’il est impossible de limiter le phénomène Trump à l’addition des colères des classes moyennes et populaires. Parce qu’il est une éponge, tout droit sorti de la TV réalité, Trump ressemble à sa partie de l’Amérique.
Son bras d’honneur adressé aux élites (dont il a toujours fait partie), à ses alliés (qu’il voit seulement comme des clients) et aux activistes des droits des minorités (qu’ils considèrent comme de dangereux séditieux) est un geste collectif de ras-le-bol. On peut le déplorer, voire le combattre. On se doit de le regarder en face si l’on estime que le peuple est le fondement de nos démocraties et doit le rester.
L’assaut du 6 janvier 2021: la tâche noire
Un fait, en revanche, demeure ineffaçable: l’assaut contre le Capitole le 6 janvier 2021, et le refus de Trump d’admettre toute défaite électorale. C’est cela que tout démocrate digne de ce nom doit combattre. Donald Trump a prouvé, à la fin de son mandat de président, qu’il était prêt à écraser les lignes rouges de l’État de droit, comme il le faisait avec les lois en tant qu’entrepreneur et promoteur.
Ceci est inacceptable est c’est, j’ai pu le constater, le sujet qui met ses partisans le plus mal à l’aise. Trump est un manipulateur. Il refusera toujours de perdre. Cette réalité factuelle est celle qu’il faut, comme journaliste et observateur, toujours répéter.
Les Américains qui soutiennent Trump ne sont pas des diables. Lui-même n’est pas un démon. Mais seule une Amérique démocratique, aux institutions solides, peut exercer dignement sa responsabilité de première puissance mondiale.