L'automne en avance?
Voici pourquoi les feuilles des arbres tombent en pleine canicule

Vous avez sûrement pu constater des tapis de feuilles mortes sous les arbres. Alors que le mois d’août n’est même pas encore terminé, l’automne serait-il en avance? Alors non, il s'agit tout simplement un mécanisme de survie des plantes en période de sécheresse.
Publié: 23.08.2022 à 15:03 heures
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Dernière mise à jour: 23.08.2022 à 20:08 heures
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Les Genevois pouvaient constater les conséquences des fortes chaleurs: en plein mois d'août, les arbres se teintaient déjà aux couleurs automnales.
Photo: Stadt Genf
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Mathilde JaccardJournaliste Blick

Le feuillage qui brunit, des tapis de feuilles mortes sous les arbres… Les températures sont toujours estivales, mais la nature semble déjà passer à la saison suivante. Alors qu’il n’est attendu que pour le 23 septembre, l’automne aurait-il pris de l’avance?

Et bien non: si les arbres perdent leur feuillage, c’est parce que ceux-ci ont activé le mode survie face aux fortes chaleurs et à la sécheresse, apprend-on dans le Huffington Post.

Un souvenir de 2003

En temps normal, les arbres et autres plantes se teignent d’orange lorsque les températures commencent à se refroidir. Le Soleil brille moins fort et accélère le phénomène. Le manque de luminosité empêche les arbres de produire de la chlorophylle: le pigment à l’origine de la couleur verte. Les feuilles se fragilisent, prennent des tons plus chauds, et tombent.

Un phénomène naturel qui ne doit pourtant pas se produire en plein mois d’août. Un symptôme de plus causé par la sécheresse, selon les explications de Jérôme Chave, chercheur au laboratoire Evolution et Diversité biologique au Centre national de la recherche scientifique (CNRS).

C’est un signe envoyé par les végétaux, totalement assoiffés, souligne le chercheur au média français: «La précocité de l’événement dans certaines régions est liée à la sécheresse, qui a provoqué un stress hydrique chez les plantes. Le manque d’eau peut provoquer une surmortalité d’arbres, comme on l’a déjà observé en 2003.»

Stress hydrique et embolie gazeuse

Vous avez peut-être déjà pu le constater dans votre jardin ou votre appartement: les premiers signes de manque d’eau d’une plante sont ses feuilles qui flétrissent. Comme les humains, les plantes transpirent. Pour éviter une perte hydrique menant à la mort, elles optent pour une stratégie irréversible: stopper l’irrigation de leurs feuilles, qui finiront par tomber. C’est un mécanisme de survie: sacrifier les feuilles pour tenter de sauver l’arbre.

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Si la sécheresse, accompagnée de fortes chaleurs, dure trop longtemps, les plantes sont confrontées à un stress hydrique très important. Celui-ci peut provoquer ce que l’on appelle une embolie gazeuse, pouvant entraîner la mort des végétaux. Comme chez l’être humain, les plantes possèdent un système vasculaire pour faire circuler l’eau et la sève. Mais en période de canicule, les vaisseaux sont sous tension et peuvent se boucher.

Une embolie peut avoir, à terme, des conséquences graves. «Les vaisseaux vont vouloir évaporer l’eau trop rapidement (ndlr: à cause de la chaleur). Une poche gazeuse peut alors se former et bloquer le flux d’eau. Ce phénomène peut provoquer l’équivalent d’une embolie et nécroser l’ensemble d’une branche ou d’un tronc», reprend Jérôme Chave, le chercheur du CNRS.

Les racines en danger

Pour Hervé le Bouler, conseiller forestier interviewé par le «Ouest-France», ce phénomène n’est cependant pas forcément dramatique «tant que les bourgeons ne sont pas atteints.» Mais pour savoir si les arbres auront survécu à cette sécheresse, il faudra attendre le printemps prochain.

Car si la chaleur de l’air peut être une épreuve pour les arbres, les fortes températures dans les sols sont davantage dramatiques. «Si les températures dans les dix premiers centimètres du sol dépassent les 25-30°C, les racines peuvent mourir», conclut le conseiller forestier. Sans racine, l'arbre ne peut pas survivre.

Il faut les bons arbres, aux bons endroits

Dans ces conditions extrêmes, les plantes deviennent davantage vulnérables aux agressions extérieures. Incendies ou attaques d’insectes, les arbres n’ont plus les moyens de combattre les effets du réchauffement climatique.

Mais que faire face à ces pertes forestières? Planter des essences davantage résistantes aux dérèglements climatiques?

Afin de répondre à ces questionnements, une étude a été menée en 2021 à Houston, par l’université Rice, aux Etats-Unis. Planter des arbres est une des solutions envisagée pour combattre le réchauffement climatique, mais encore faut-il savoir quelles espèces planter.

Les chercheurs ont réussi à déterminer les meilleures espèces d’arbres capables de purifier l’air, de survivre aux dérèglements climatiques tels que les inondations, les canicules et les sécheresses, tout en jouant leur rôle principal – indispensable aux êtres vivants – c’est-à-dire absorber le CO2 et produire de l’oxygène.

Cette méthode peut s’appliquer dans d’autres villes, c'est d’ailleurs ce que proposent les chercheurs. Leur stratégie s’articule en trois axes: déterminer quels arbres sont le mieux adaptés au milieu, où il faut les planter pour avoir les meilleurs résultats, et, finalement, collaborer avec les acteurs locaux pour réaliser les plantations.

Les forêts du futur

La Suisse a elle aussi sauté le pas: depuis 2012, des arbres exotiques prennent racine dans les forêts vaudoises, à Mutrux notamment. Des essences telles que le sapin de Turquie, parfaitement adaptées aux climats extrêmes, sont plantées dans cette commune du canton. Selon les précisions apportées par swissinfo.ch, ce conifère peut résister à de longues sécheresses, mais également à des températures allant jusqu’à -18°C.

«Nous voulons savoir quelles essences d’arbres pourraient remplacer les essences qui sont importantes pour la Suisse et qui sont en train de souffrir du changement climatique», explique ainsi Peter Brang, chercheur à l’Institut fédéral de recherches sur la forêt, la neige et le paysage (WSL). Le projet vaudois fait partie d’une expérience internationale menée par l’Institut forestier de la Bavière sur cinq sites différents. Le but est d’établir les résistances de certaines espèces et ainsi imaginer les forêts du futur.

Parallèlement à ce projet international, l’Office fédéral de l’environnement (OFEV) expérimente l’adaptation au réchauffement climatique de 55’000 arbres sur le territoire helvétique. L’objectif, à terme, est d’étudier la tolérance de 18 espèces sur une période de 50 ans, et ainsi d’établir lesquelles pourront garantir les prestations nécessaires en termes de santé publique.


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