Un médecin vous dit tout!
Que se passe-t-il dans le cerveau quand on picole?

Les personnes dépendantes de l'alcool souffrent d'un préjugé selon lequel elles pourraient arrêter de boire si elles le voulaient vraiment. Un expert en addiction explique pourquoi ce n'est pas si simple.
Publié: 04.06.2022 à 20:12 heures
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Marc Vogel est médecin-chef au Centre pour les maladies de la dépendance à Bâle.
Photo: zVg
Julia Klavins

L’alcoolisme est une maladie. Tout le monde le sait. Pourtant, au quotidien, les personnes concernées sont confrontées aux reproches du genre: «Fais un effort» ou «si tu le veux vraiment, tu peux arrêter de boire dès maintenant».

C’est une erreur, selon Marc Vogel, médecin-chef au Centre des maladies de la dépendance des Cliniques psychiatriques universitaires de Bâle: «Le plus grand facteur d’une dépendance est la prédisposition génétique, qui représente au moins 50% du risque de maladie».

La structure neuronale du cerveau, qui est modifiée par la consommation d’alcool, est également déterminante pour une addiction. La consommation régulière et excessive d’alcool a pour conséquence qu’une forte libération de dopamine — c’est-à-dire la perception de sensations de plaisir — ne peut plus être obtenue que par l’alcool.

Comme le cerveau s’habitue à cette substance, il faut boire toujours davantage pour atteindre le même niveau de plaisir. «D’autres facteurs qui rendent vulnérable à l’alcoolisme sont les expériences vécues dans la petite enfance ou les abus émotionnels», enchaîne Marc Vogel.

Le psychisme derrière la consommation d’alcool

Mais pourquoi les buveurs n’arrêtent-ils pas de boire? Les personnes dépendantes feraient abstraction des conséquences à moyen et long terme de leurs actes. Lorsqu’ils ressentent l’envie d’alcool, l’effet immédiat passerait au premier plan.

Le médecin-chef explique le phénomène ainsi: «La plupart des personnes concernées savent que l’alcool ne leur fait pas de bien et n’ont en fait pas envie de boire. En revanche, il y a le besoin physique de devoir boire pour pouvoir encore ressentir du plaisir».

Le philosophe français Albert Camus avait déjà souligné ce décalage entre le corps et l’esprit: «Nous prenons l’habitude de vivre avant d’acquérir celle de penser». En d’autres termes: nous savons que nous ne devrions pas — mais la pulsion physique est à ce moment-là plus forte que la raison.

De plus, «ce qui est pernicieux dans la décision de boire ou non un verre d’alcool, c’est qu’en raison de son omniprésence et de sa disponibilité, il faut activement décider de ne pas en boire», reprend Marc Vogel.

Il est possible de s'en sortir

Mais qu'on se le dise une bonne fois pour toute: l’alcoolisme n’est pas une maladie incurable. Le cerveau et son fonctionnement sont certes un facteur déterminant dans l’apparition d’une dépendance, mais ils le sont aussi dans la guérison.

Le cerveau est «plastique», ce qui signifie qu’il est malléable et adaptable. La plupart des comportements neuronaux — comme le besoin d’alcool — peuvent être modifiés. Certaines modifications cérébrales liées à l’alcool restent toutefois décelables à plus ou moins long terme, même après une longue période d’abstinence. «Mais ils sont de moins en moins nombreux», rassure le spécialiste.

(Adaptation par Antoine Hürlimann)


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