Cette maman de 50 ans n'a qu'un souhait: «J'espère que mes garçons sont quelque part loin sous terre, dans un tunnel du Hamas, et qu'ils seront épargnés par les attaques de roquettes.» A Gaza, l'offensive terrestre israélienne bat son plein. Tous les jours et toutes les nuits, des missiles atteignent des centaines de cibles dans la bande côtière palestinienne. Quelque part au milieu de ce chaos, les fils de Renana Gome-Jacob sont retenus prisonniers.
Aucune trace de ses enfants
Yagil, 12 ans, et Or, 16 ans, font partie des 80 otages enlevés par le Hamas le 7 octobre dans le kibboutz Nir'Oz. Depuis ce jour tragique, la maman n'a eu aucune nouvelle de ses deux enfants. L'annonce récente de la mort de l'otage allemande Shani Louk a terni les espoirs des familles de revoir leurs proches vivants. Renana Gome-Jacob a, elle aussi, terriblement peur que ses enfants ne survivent pas sous les bombes.
Blick a rencontré cette mère de trois enfants au lendemain de son 50e anniversaire dans un hôtel d'Eilat, dans le sud d'Israël. Le gouvernement israélien a temporairement logé les quelque 190 survivants de Nir'Oz là-bas. «J'ai tellement espéré que ce cauchemar se terminerait le jour de mon anniversaire», souffle Renana Gome-Jacob en essuyant les larmes coulant de ses yeux sombres. Mais Or et de Yagil n'ont toujours pas donné signe de vie.
«Laissez-moi partir, je ne suis qu'un enfant»
Après l'alerte lancée au matin du 7 octobre, la mère a passé deux heures entières au téléphone avec ses garçons. «Je leur ai dit de rester calmes et de bloquer la porte de l'abri de la maison», raconte-t-elle. Ce matin-là, elle se trouvait chez son partenaire dans le kibboutz voisin, où elle avait passé la nuit. «A un moment donné, j'ai entendu des coups de feu et des voix arabes par le téléphone. Ils ont franchi la porte de protection et sont arrivés près de mes garçons. Yagil a encore dit: 'Lâchez-moi, je ne suis qu'un enfant'. C'est la dernière fois que je l'ai entendu parler.»
Le Hamas retient actuellement plus de 220 personnes en otage à Gaza, dont au moins 31 bébés et enfants. «Ils ne devraient pas être impliqués tout ça. C'est tellement injuste», déclare Renana Gome-Jacob. Tout de ses enfants lui manque, même le bruit du téléphone portable de Yagil, qui la dérangeait tant auparavant. Elle est convaincue que son fils Or a tout fait pour bloquer la porte de l'abri. Cela n'a pas été suffisant.
Quelques mètres plus loin, Revital Yanay est assise sur le lit. Incrédule, elle murmure: «Il y a quelques mois encore, Ravid et moi passions nos vacances ici. J'étais enceinte jusqu'aux dents. Et maintenant, Ravid n'est plus là.» A côté de la femme de 44 ans, une enfant aux cheveux épais est assise sur le lit. Du haut de ses cinq mois, Alma Jasmin affiche un sourire naïf sur son visage.
Ravid Katz, mari Revital et père de la petite, a, lui aussi, été enlevé par le Hamas. «Quand l'alerte a commencé et dès les premiers coups de feu, l'homme s'est précipité dehors pour défendre le kibboutz Nir'Oz. Nous nous sommes cachés dans l'abri de nos voisins», se rappelle Revital Yanay.
«Nous avons dû prendre une décision: étouffer ou être abattu»
Pendant près de dix heures, elle n'a pratiquement pas lâché des bras son bébé. «Elle ne devait pas pleurer, les attaquants ne devaient pas nous trouver.» Les hommes armés ont tout de même fini par faire irruption dans la maison où Yanay s'était cachée. «Ils ont tiré à travers la porte. Le chien et la jambe de mon voisin ont été touchées. Mais ils n'ont pas réussi à ouvrir la porte. Ils ont donc mis le feu à toute la maison.»
La chaleur était insupportable. «J'ai tout enlevé à Alma, même ses couches. L'abri était rempli de fumée. Je devais quand même rester debout, parce qu'Alma se mettait à crier dès que nous nous couchions.» À un moment donné, Yanay et ses voisins n'en pouvaient plus. «Nous avons dû prendre une décision: mourir étouffés ou être abattus.» Ses voisins ont finalement ouvert la fenêtre de l'abri. Ce n'est que plusieurs heures plus tard que les soldats sont arrivés et ont pu les secourir.
Lors de son récit, les larmes montent aux yeux de Revital Yanay. Alma se retourne sur le ventre et glougloute joyeusement. «Je dois l'allaiter. C'est la seule raison pour laquelle je mange. Elle est la raison de pourquoi je me lève le matin. Mais je ne sais pas comment je vais faire sans Ravid», s'inquiète Revital. Il avait l'habitude de chanter la chanson «Shir Ha'Emek» à Alma le soir avant de s'endormir. C'est une chanson israélienne sur la vaste vallée de Yizreel. «Maintenant, je la chante jusqu'à ce que papa revienne», tente de se rassurer la maman en déposant un gros baiser sur le front de sa fille.
«Nous avons 30'000 chiens enragés dans notre quartier»
En bas de l'hôtel, Julian Cohen est assis avec sa chienne Pepper dans la salle de recueillement que les survivants de Nir'Oz ont aménagée pour leurs proches disparus. Le vieillard de 76 ans sait que sa compagne Carole ne reviendra jamais. Les soldats du Hamas l'ont d'abord tuée de sang-froid, avant de s'en prendre à son fils et aux trois jeunes enfants de ce dernier. «La seule chose qui me réconforte, c'est que Carole n'a jamais su ce qui est arrivé à son fils et à sa famille», se console Julian Cohen.
Tout comme Revital, il s'est barricadé dans sa maisonnette lors de l'arrivée des attaquants. «Les soldats sont venus, et ensuite, des personnes non armées de Gaza sont entrées dans nos maisons et ont tout emporté», raconte le senior. Il a vu de ses propres yeux un couple de parents, trois enfants et une vieille femme avec une canne vider sa cuisine.
Le passionné d'horlogerie et sympathisant des Palestiniens choisit des mots clairs lorsqu'il parle du Hamas: «Si tu as un chien enragé dans le quartier, tu dois l'abattre pour te protéger. Ici, 30'000 chiens enragés étaient rassemblés au même endroit.» Il est clair que les Palestiniens ont besoin de leur propre Etat. «Mais celui-ci ne doit pas être gouverné par des assassins et des monstres comme c'est le cas actuellement à Gaza.»
«Nous ne devons pas abandonner notre seule patrie»
Au cours des sept dernières années, il a beaucoup voyagé avec sa femme Carole, raconte l'homme à la voix douce et grave. La Norvège, l'Afrique du Sud, et dernièrement, début octobre, la Pologne. «Nous avons visité Auschwitz et nous nous sommes dit: «Cela ne doit plus jamais, jamais se reproduire.»
Dès que la guerre sera terminée, il veut retourner à Nir'Oz. Ses parents y sont enterrés. Bientôt, sa compagne assassinée le sera aussi, tout comme ses amis et voisins tués. «Je leur dois bien ça», souffle Julian Cohen. «Tant de Juifs sont morts pour Israël. Leur mort ne doit pas être vaine. Nous ne devons pas abandonner notre seule patrie.»