Interview d'Alexandre Brahier, candidat au Conseil fédéral
«Si Markus Ritter est élu, cela deviendrait un peu le Conseil des paysans!»

Alexandre Brahier, porte-parole de la police genevoise, brigue le Conseil fédéral en outsider. Sans expérience politique, il mise sur son parcours de vie et ses idées pour marquer un système qu'il juge trop figé.
Publié: 06:27 heures
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Dernière mise à jour: 07:58 heures
Alexandre Brahier, porte-parole de la police genevoise et candidat indépendant au Conseil fédéral, sur le pont Wilsdorf à Genève.
Photo: Keystone
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Lucie FehlbaumJournaliste Blick

Si Alexandre Brahier, porte-parole de la police genevoise, se présente au Conseil fédéral, c’est d’abord parce qu’il en a le droit. N’importe quel citoyen peut concourir au poste de la centriste Viola Amherd. Son successeur à la tête du département de la sécurité, de la protection de la population et du sport (DDPS) sera désigné par l’Assemblée fédérale le 12 mars prochain.

Sans parti et sans expérience, ses chances face aux candidats du Centre, le conseiller national saint-gallois Markus Ritter et le conseiller d'État zougois Martin Pfister, sont infimes. Il n’est cependant pas le seul à tenter sa chance hors des sentiers battus: une candidate fribourgeoise s’est également lancée dans la course. Blick est allé à leur rencontre pour comprendre ce qui pousse des citoyens à se présenter seuls face à un système bien rodé.

Alexandre Brahier, vos chances sont plus que minces, pourquoi essayer?
Je constate la frustration des gens. Ceux qui font des efforts, s’achètent des vélos électriques pour rouler vert alors que les infractions contre le patrimoine augmentent. Ou la nervosité des conducteurs. On pourrait responsabiliser les gens au lieu de les infantiliser.

Vous n’avez pas d’expérience politique. Pensez-vous pouvoir exercer cette fonction?
On ne différencie pas tellement les deux candidats du Centre. Je ne sais pas si l’agriculteur Markus Ritter a forcément de meilleures compétences que moi pour gérer l’armée. Et quand le Zougois Martin Pfister est présenté comme venant d’un canton urbain, à Genève, ça nous fait sourire. Faut-il vraiment avoir exercé dans un Exécutif pour savoir prendre des décisions en urgence ou être passionné par la géopolitique?

Quels seraient vos axes prioritaires?
Je pense notamment au pouvoir d’achat, aux vendeurs qui gagnent 4500 francs par mois et qui ont passé une heure à conseiller une personne alors qu’elle a ses humeurs, ses odeurs… Et qu’elle repart sans rien acheter. Je comprends leur frustration. Les heures supplémentaires devraient être défiscalisées.

Vous aviez également une idée pour la troisième voie autoroutière?
Oui, les bouchons sont aussi causés par les automobilistes qui cherchent à changer de voie pour gagner trois secondes. Ça se répercute sur les autres et ça crée de la frustration.

Vous ne seriez pas mieux à la place d’Albert Rösti, ministre des Transports?
Le DDPS m’attire particulièrement. Il comprend aussi le sport, il y a beaucoup de belles valeurs. Il faudrait plus d’aides pour les jeunes talents sportifs, leur permettre d’éclore beaucoup plus tôt.

Et pour la partie sécurité?
Les civilistes qui ont un problème de conscience avec l’armée seraient très utiles pour aider les personnes vulnérables, par exemple en faisant de la prévention contre les arnaques dans l’espace public. Ils pourraient aussi sensibiliser la population contre la transmission de virus, dont le moustique tigre, en vérifiant que les bons gestes soient adoptés sur le domaine public. Enfin, il faut mettre en place des alertes téléphoniques pour informer rapidement la population en cas de catastrophe, même avec des messages simples.

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Quelqu'un au comportement très lisse risque d'être trop mou devant des Poutine et des Macron
Alexandre Brahier, candidat indépendant au Conseil fédéral
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Ces deux premières idées ne relèvent-elles pas de compétences communales?
Avec les enjeux mondiaux, nos préoccupations sont les mêmes, de Genève en Appenzell. Je pourrais comprendre et parler à tout le monde parce que j’ai une forte capacité d’écoute. Je m’adapte vite et ne suis pas adepte de l’inertie.

Scandales internes, problèmes de gestion... L’image de l’armée est déjà bien écornée. Un outsider à sa tête serait la goutte de trop?
Quelqu’un au comportement très lisse, dont l’authenticité a été perdue avec le temps, risque aussi d’être trop mou et gentil devant des Poutine et des Macron. La vulnérabilité et la reconnaissance ne sont pas du tout mises en avant aujourd’hui.

Vous vous sentez vulnérable?
Je pense qu’assumer d’être imparfait tout en ayant de bonnes idées rapprocherait beaucoup les élus du public.

Déjà une idée pour le chef de l'armée

Alexandre Brahier a travaillé pour une assurance avant de devenir policier puis porte-parole. Il détient un brevet fédéral en relations publiques, et sait déjà qui il choisirait comme chef de l'armée, s'il devait être élu. Sans le nommer, il glisse qu'il choisirait «un haut gradé aux compétences humaines et opérationnelles très respectées des troupes».

Alexandre Brahier a travaillé pour une assurance avant de devenir policier puis porte-parole. Il détient un brevet fédéral en relations publiques, et sait déjà qui il choisirait comme chef de l'armée, s'il devait être élu. Sans le nommer, il glisse qu'il choisirait «un haut gradé aux compétences humaines et opérationnelles très respectées des troupes».

Comment comptez-vous gouverner si vous êtes élu?
Au Conseil fédéral, j’aimerais profiter de l’expérience de chacun, des gens passionnants, pour trouver des compromis. Je m’adapte très vite et je sais prendre des décisions en cas de crise. Mais la politique est très aseptisée. Il faut taper du poing sur la table, accélérer les processus.

Le système suisse sert aussi de garde-fou contre des élus «à la Trump», qui n'œuvrent pas dans le sens du compromis. Que pensez-vous de lui?
Sans partager forcément ses idées, j’ai l’impression qu’en tout cas, c’est un personnage qui fait bouger les choses et n’hésite pas à rebattre les cartes. Ici, le système est trop fermé. On veut faire plaisir aux autres partis, alors qu’on devrait penser au peuple.

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On se moque de Genève à Berne, mais c’est la deuxième ville du pays!
Alexandre Brahier, candidat indépendant au Conseil fédéral
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Avez-vous déjà assisté à une session parlementaire?
J’y vais le 4 mars, j’ai pu m’inscrire pour une heure. Comme un citoyen en visite. Je pourrais en profiter pour nouer quelques contacts.

Les conseillers nationaux genevois se plaignent parfois d’être moqués à Berne. Comment pensez-vous être accueilli, vous, Genevois, sans parti, candidat aux plus hautes instances?
On se moque de Genève à Berne, mais c’est la deuxième ville du pays! Les Romands ont tout autant de chance de faire changer les choses. Et il manque quelqu’un issu d’un canton urbain. Si Markus Ritter est élu, cela deviendrait un peu le Conseil des paysans!

Vous avez trois enfants, le dernier est tout jeune. Comment envisagez-vous votre rôle de père si vous deviez être élu?
Les priorités resteraient les mêmes pour moi, je ferai plein de calls le soir avec mon petit. On se verrait du mieux qu’on peut. Et sa mère saurait très bien que ce serait une période spéciale de notre vie.

Que se passera-t-il pour vous le 12 mars si vous n’êtes pas élu?
Si je récolte quelques voix, ça me confortera dans l’idée que la politique actuelle a besoin de changement. J’ai reçu plusieurs retours positifs de citoyens et je souhaiterais pouvoir leur amener mon énergie si spéciale.

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