La Fribourgeoise Ebby Guirao a toujours suivi la politique. Le 12 mars, c'est à la succession de la centriste Viola Amherd que cette cheffe d'une entreprise spécialisée dans le vitrage se présente.
Sans parti et sans expérience, ses chances face aux candidats du Centre, le conseiller national saint-gallois Markus Ritter et le conseiller d'Etat zougois Martin Pfister, sont infimes. Mais la mère de deux enfants a identifié une «faille», et veut restaurer la réputation du Département de la défense, de la protection de la population et des sports (DDPS).
Elle n’est pas seule à tenter sa chance hors des sentiers battus: un candidat genevois s’est également lancé dans la course. Blick est allé à leur rencontre pour comprendre ce qui pousse des citoyens à se présenter seuls face à un système bien rodé.
Ebby Guirao, vos chances sont plus que minces, pourquoi essayer?
Elles sont minces, mais je pense que dans la vie comme en politique, pour aller de l'avant, il faut oser. Je suis une battante et je ne suis pas du genre à partir du principe que c'est couru d'avance. Même infimes, les chances existent.
Vous n’avez pas d’expérience politique. Pourquoi pensez-vous pouvoir exercer cette fonction?
Justement, ça peut apporter quelque chose de plus. J'ai de nouvelles idées et l'envie d'élaborer des stratégies pour améliorer ce département. J'ai plein de choses à apporter, même si je n'ai pas suivi de politique jusqu'à présent, qui m'aurait imposé une certaine ligne.
Avez-vous un lien personnel avec la sécurité ou le sport?
Je suis beaucoup tout ce qui est sport, suisse comme étranger. J'aimerais le promouvoir et faire reconnaître les femmes sportives. Il faudrait qu'on en parle beaucoup plus. Les personnes avec un handicap méritent également d'être reconnues dans le sport, elles ont une volonté incroyable et devraient être mises en avant.
Et la défense?
Je suis tout ce qui concerne l'armée depuis ma plus tendre enfance, on en a toujours parlé au sein de ma famille.
Vous-même, vous avez fait l'armée?
Non, mais je suis très informée. C'est un sujet qui m'a toujours intéressée.
Au Conseil fédéral, quels seraient vos axes prioritaires?
Dans un premier temps, il faudrait remettre de l'ordre au DDPS. Analyser d'où viennent les problèmes afin de restructurer rapidement ce département avant de mettre en place de nouveaux projets. J'aimerais d'abord régler les dossiers en cours, et repartir sur de bonnes bases.
Ces derniers mois, l'image du département a pris un coup entre scandales et problèmes de gestion. Etre dirigé par une outsider serait un plus selon vous?
Ce serait un nouveau départ, je pourrais apporter du neuf à la politique, des idées claires et cohérentes. J'œuvre avec détermination pour faire en sorte que notre pays retrouve sa réputation d'autrefois. La Suisse a toujours été un exemple en termes d'organisation. Mais notre image pâtit de ces scandales. Les gens perdent confiance en la politique, et beaucoup s'identifieraient à moi parce que je fais partie de leur monde.
De quel monde viennent les politiciens?
C'est un cercle à part. La population se sent de moins en moins écoutée dans toutes les décisions du gouvernement. On voit bien, en discutant, que beaucoup de gens ont arrêté de voter ou deviennent négatifs, peu importe le résultat des votes. J'ai très souvent entendu des personnes avec qui je parlais de politique dire que quoiqu'ils votent, il y aura toujours une faille. On est dans une démocratie, si ma candidature devait aboutir, ce serait un message d'espoir pour la population.
Comment comptez-vous gouverner si vous êtes élue?
Quand on est conseiller fédéral, on prend les décisions ensemble. Il y a beaucoup de conseillers autour pour nous appuyer, nous montrer les points positifs et négatifs sur chaque dossier, ce n'est pas une personne seule qui dirige. La collégialité est vraiment intéressante et nécessaire pour que notre pays fonctionne.
Le système suisse sert aussi de garde-fou contre des élus «à la Trump», qui n'œuvrent pas dans le sens du compromis. C’est trop rigide?
Il y a toujours des personnes qui vont agir dans ce sens-là, et d'autres qui maintiennent ce sens du compromis. Il faut être raisonnable et chacun doit y mettre du sien. Quand il y a des problèmes de ce genre, il faut rappeler à ces personnes qu'on agit pour les autres, pas pour soi-même. Certains veulent faire passer leurs idées sans se remettre en question. Nous devons travailler de manière unie avec les avis des uns et des autres. Cela permet de s'améliorer.
Vous, vous ne voulez pas être sous le feu des projecteurs?
J'ai simplement envie d'agir en transparence et d'écouter la population, qui est directement impactée par les décisions politiques. On doit maintenir une bonne relation avec l'extérieur, et garder notre neutralité. Trouver un juste milieu entre la politique internationale et la volonté du peuple suisse. Je ne me serais pas présentée si je n'avais pas identifié les problèmes actuels et que tout se passait bien. Il est temps de faire évoluer les choses.
Avez-vous déjà assisté à une session parlementaire?
J'y serai le 4 mars. J'ai bien l'intention de le faire plus souvent, même si je ne suis pas élue. Ce n'est pas toujours évident avec le travail, mais j'ai jugé qu'il était important d'y assister.
Comment pensez-vous être accueillie à Berne, sans parti, candidate aux plus hautes instances?
Si j'ai l'occasion de discuter avec des parlementaires, je le ferai. J'ai déjà pu échanger par email, mais de vive-voix, c'est mieux. La politique reste assez fermée sur ce genre d'initiative personnelle. Je suis pourtant en droit, en tant que citoyenne suisse, de le faire.
Les candidats indépendants ne sont pas invités à suivre l'élection à Berne, le 12 mars. Une injustice?
Je serai présente parce que je me suis inscrite, donc je suivrai tout le processus dans la salle. Mais en tant que candidat, ça devrait aller de soi, nous devrions être invités.
Comment envisagez-vous votre vie de famille si vous êtes élue le 12 mars?
C'est une discussion que j'ai bien évidemment eue avec ma famille. Leur soutien et leur amour me poussent à me battre pour mes convictions.
Que se passera-t-il pour vous le 12 mars si vous n’êtes pas élue?
J'ai bien l'intention de continuer dans la politique et d'évoluer au sein d'un parti, que je choisirai selon mes valeurs à la fin des élections. Mais si j'ai la chance d'être élue, je maintiendrai la concordance entre les partis en rejoignant le Centre, afin qu'ils puissent garder leur siège.