Opposé à Markus Ritter dans la course au Conseil fédéral, Martin Pfister espère succéder à Viola Amherd. S'il venait à remplacer la ministre du Département fédéral de la défense, de la protection de la population et des sports (DDPS), il se retrouverait face à une montagne de défis à surmonter. Interrogé par Blick, le Zougois présente sa stratégie pour reformer le DDPS.
Martin Pfister, le carnaval va bientôt commencer. Auriez-vous préféré être dans les rues de Zoug plutôt qu'au Palais fédéral?
J'aurais pris plaisir à festoyer, mais pour l'instant, le plus important est de se préparer aux élections.
Au Département de la défense, les mauvaises nouvelles s'enchaînent. On se demande de plus en plus pourquoi vous voulez vous porter volontaire pour en devenir le ministre.
Je suis conseiller d'Etat et, en tant qu'officier, j'ai aussi une expérience de direction dans l'armée. J'ai l'habitude de gérer des crises. Je me souviens de la pandémie qui m'a confronté à une situation difficile en tant que directeur de la santé. Je suis prêt à m'atteler à la tâche avec détermination.
Cette semaine, l'ampleur du scandale de corruption chez Ruag a été révélée, et quelques heures plus tard, le départ du chef de l'armée Thomas Süssli et du chef des services secrets Christian Dussey a été rendu public. Avez-vous alors douté de votre candidature au Conseil fédéral?
Non, pourquoi? Les défis difficiles ne me font pas peur.
Les projets centraux de l'armée connaissent des retards et des surcoûts. Guy Parmelin, Ueli Maurer et maintenant Viola Amherd, ils ont tous essayé de maîtriser les problèmes du DDPS et ont échoué.
En résumé, trois questions sont au cœur du problème, pour lesquelles j'ai développé une stratégie en trois points. Le premier point est que la politique de sécurité n'est pas seulement une question qui se pose au sein du DDPS et de l'armée, mais une question de collégialité au Conseil fédéral. Il faut une politique de sécurité globale et l'orientation stratégique de l'armée en est le pilier principal.
Le Conseil fédéral et le Parlement ont déjà accepté une motion correspondante du conseiller aux Etats PLR Josef Dittli: une armée capable de se défendre doit être disponible d'ici la fin de l'année.
Exactement. Mais cet objectif doit être suivi d'autres choses. Le Conseil fédéral et le Parlement ont besoin d'une vision concrète de l'évolution de la politique de sécurité et de l'armée à moyen et long terme.
Viola Amherd prétend qu'il suffit de lire les documents qui sont à disposition. Lors de la conférence de presse de mercredi, elle a posé divers rapports sur la table. Les avez-vous lus?
Ces rapports sont une bonne base pour le développement de l'armée. Ils fournissent les faits et les données nécessaires. Mais en raison de l'évolution de la situation en matière de sécurité, il faut maintenant avoir une vision globale. C'est au Conseil fédéral de la définir. Il doit créer une perspective contraignante et redéfinir ses priorités. Les lignes directrices politiques pour le développement urgent de l'armée seraient ainsi données.
Le deuxième point du plan?
Il faut rétablir le calme et la confiance. Cela signifie que les incidents doivent tous être élucidés sans faille, que les leçons correspondantes doivent être tirées et que des mesures doivent être prises. Une plus grande transparence doit être instaurée vis-à-vis du Parlement, et aussi du public. Les projets qui sont en mauvaise posture doivent également être examinés et corrigés.
Comment comptez-vous créer cette transparence?
L'enquête est essentiellement de la responsabilité du nouveau chef du DDPS. Elle doit être menée avec force, rapidité et précision. La confiance du Parlement dépend beaucoup de la manière dont on traite cette affaire et des mesures qui sont prises.
Vous parlez du scandale de corruption chez Ruag. En début de semaine, il a été révélé qu'un employé avait plus ou moins eu les mains libres pour tricher pendant cinq ans. Tiendriez-vous Ruag à carreau?
Même dans ce genre d'incidents, c'est toujours le supérieur politique qui est responsable en fin de compte, et les organisations doivent sentir cette responsabilité dès le début. Il serait donc juste de lier à nouveau plus étroitement Ruag à la Confédération.
Sous quelle forme?
Le Conseil fédéral va encore proposer la forme juridique qui convient. Pour moi, une réintégration de Ruag MRO dans le DDPS est également envisageable.
Quel est le troisième point de votre plan?
Les changements structurels: l'objectif de l'analyse des premiers mois doit être d'organiser le DDPS de manière à ce qu'il soit plus fort qu'auparavant.
Vous voyez donc ces nombreux départs de manière positive?
En tant que candidat au Conseil fédéral, je ne commente pas les départs eux-mêmes, d'autant plus que je ne connais pas assez les contextes individuels. Les changements de personnel ouvrent toujours la porte à de nouvelles opportunités et doivent être considérés comme positifs en ce sens. Le DDPS peut être mieux organisé, plus efficace, plus léger, plus ciblé.
De votre point de vue, où le DDPS est-il actuellement inefficace?
Il existe aujourd'hui un grand nombre d'unités administratives différentes au sein du DDPS.
Vous souhaiteriez donc fusionner différentes unités ou les supprimer complètement?
Je me pencherais rapidement sur la question de savoir comment et dans quelles unités administratives l'organisation peut être mise en place de manière plus efficace, si je suis élu conseiller fédéral et que le Département de la défense m'est attribué bien sûr.
Viola Amherd s'est énervée cette semaine contre les fuites qui ont rendu publics les départs du chef de l'armée et des services secrets. Cela rend difficile un travail sérieux au niveau du Conseil fédéral.
Il est très important que notre gouvernement puisse discuter de thèmes sans qu'ils soient rendus publics à l'avance. Je ne spécule pas sur l'origine des fuites dans ce cas précis. Il faut clarifier les choses avec précision et éviter que cela ne se reproduise à l'avenir.
Les récents événements au DDPS peuvent avoir une influence décisive sur les élections. De nombreux parlementaires veulent maintenant quelqu'un qui puisse sévir. Jusqu'à présent, vous étiez plutôt considéré comme un homme réservé.
En tant que conseiller d'État, j'ai l'habitude de sévir. J'ai plusieurs fois montré que j'en étais capable.
C'était un coup d'éclat comme on en a rarement vu sur la scène internationale: le président américain Donald Trump a attaqué verbalement le président ukrainien Volodymyr Zelensky. Qu'est-ce que cela signifie pour la Suisse?
Notre pays a raison de souligner l'importance du soutien des Etats-Unis et d'un Occident uni pour l'Ukraine. Cette dernière a besoin d'aide et mérite notre respect à tous. Nous devons continuer à nous engager dans ce sens.