La vice-présidente de l’Union démocratique du centre (UDC) Céline Amaudruz rejette les initiatives lancées par deux élues de son propre parti pour réduire le nombre d’interruptions de grossesse en Suisse. Dans une interview publiée par la «Tribune de Genève» et par «24 heures», la Genevoise insiste: «Aucune atteinte au droit à l’avortement n’aura mon soutien».
Pour mémoire, ces deux textes ont été lancés au mois de décembre dernier par les conseillères nationales Andrea Geissbühler (BE) et Yvette Estermann (LU). «La nuit porte conseil» veut introduire un délai de réflexion obligatoire de 24h entre le rendez-vous en gynécologie et un avortement, résument nos confrères, tandis que «Sauver les bébés viables» entend empêcher les interruptions de grossesse dès que «l’enfant peut respirer en dehors de l’utérus, moyennant éventuellement des mesures de soins intensifs». Dans l’état actuel de la science, cela correspond à 22 semaines de gestation.
Le conseiller national UDC Michaël Buffat, candidat au Conseil d’Etat vaudois en vue des élections cantonales de mars, s’y oppose également. Il confie à Blick avoir été fâché par la démarche de ses deux collègues. Celui qui est par ailleurs le parlementaire le plus à droite de la députation vaudoise à Berne, selon le rating Sotomo, est-il sincère? Ou cherche-t-il uniquement à rassurer l’électorat de ses alliés centristes et libéraux-radicaux? Interview.
Votre collègue genevoise Céline Amaudruz rejette les textes de deux de vos consœurs alémaniques qui veulent limiter le droit à l’avortement. Cela vous surprend?
Nous avons déjà parlé de ce genre de sujets avec Céline par le passé. Et je partage totalement sa vision. Pour tout vous dire, quand j’ai vu que ces deux élues avaient lancé ces initiatives, j’étais un peu fâché. Cela donne une mauvaise image de notre parti, qui ne mène pas ces combats d’arrière-garde. Ces initiatives les engagent personnellement et ne concernent pas l’UDC. Mon avis est clair: personne ne doit toucher au droit à l’avortement.
Pourquoi?
Simplement parce que je pense que le cadre actuel convient. Ces deux initiatives sont clairement un grand pas en arrière. Je le répète: ce n’est pas ma vision. Et je pense d’ailleurs que l’UDC, en Suisse romande, n’est majoritairement pas alignée avec les positions de ces deux élues. Ce n’est pas le cas dans le canton de Vaud, en tout cas.
Vous êtes le parlementaire le plus à droite de la députation vaudoise à Berne. Votre position ne s’éloigne-t-elle pas de votre ligne habituelle?
Non. Absolument pas. Je n’ai d’ailleurs pas l’impression d’être le conseiller national le plus à droite ou le plus conservateur mais c’est comme cela que vous, les journalistes, aimez me présenter. Je suis de droite et je suis conservateur, c’est vrai. Et alors? Le droit à l’avortement, c’est surtout une question de convictions personnelles qui va bien au-delà du clivage gauche-droite. Je n’ai jamais plaidé pour les retours dans le temps.
Vous risquez de vous fâcher avec certains membres de votre parti. Arriverez-vous à vous faire entendre?
Céline et moi ne nous fâcherons avec personne. Ce n’est pas un sujet qui est dans l’ADN de notre parti. Les vrais sujets, autour desquels nous nous rejoignons tous, sont l’indépendance, la sécurité, la liberté… Une fois encore, je pense que ces deux dames, avec leurs textes privés, sont assez isolées.
Êtes-vous croyant, Monsieur Buffat?
Oui, je suis protestant.
Est-ce difficile pour vous de concilier votre foi avec le droit à l’avortement?
Non. Mais l’avortement est un sujet difficile. Il m’est important de souligner qu’aucune femme n’avorte à la légère. Il faut absolument laisser cette possibilité aux femmes.
Certains diront que votre déclaration ne vise qu’à rassurer l’électorat de vos alliés centristes et libéraux-radicaux. Auriez-vous tenu les mêmes propos hors campagne pour les élections cantonales?
Oui, à 100%. Je dis ce que je pense, en période d’élections ou non.
Plus globalement, estimez-vous que l’égalité homme-femme est atteinte?
Non. Malheureusement, cet objectif n’est pas encore acquis. Il est, par exemple, toujours inacceptable qu’une personne gagne moins qu’une autre à travail égal et à compétences égales à cause de son sexe. Mais il faut s’attaquer à cette problématique de façon intelligente et pragmatique. Je ne pense pas que toutes les démarches proposées soient bonnes, fussent-elles au nom d’une bonne cause.
N’êtes-vous pas plutôt en train d’essayer de justifier le statu quo et certaines de vos positions à Berne qui ne respiraient pas vraiment l’égalité?
Non. J’avais refusé que les grandes entreprises fassent des rapports sur les problématiques d’égalité en leur sein parce que j’estime que les choses se passent plutôt bien dans les grandes entreprises. Ce projet de loi ratait sa cible. Mais j’ai aussi été proactif sur ces thématiques, comme le montre mon interpellation contre les mariages forcés. Je dis juste que cela ne doit pas être une lutte partisane. Que la droite ne doit pas laisser le terrain à la gauche. Mais, avant d’agir de façon ciblée, nous devons vraiment analyser objectivement les causes de l’inégalité entre les hommes et les femmes.
C’est une promesse électorale?
Si je suis élu au Conseil d’Etat, je serai sensible à ces questions. Et je pourrais m’engager en ce sens, dans les limites de mon dicastère.