Chaque 24 janvier, le même spectacle recommence. Et c’est peu dire qu’en période de campagne le phénomène s’amplifie. Quel parti politique vaudois célébrera le plus fort l’Indépendance de 1798 face à la domination bernoise? Qui arrivera à réunir le plus de sympathisants autour d’une épéclée d’assiettes de langue de bœuf aux câpres surtaxées pour remplir les caisses des comités de soutien? Mais, depuis deux ans, ce joyeux cirque traditionnellement orchestré autour d’une nappe en papier bat de l’aile.
Comment toucher la population tout en respectant les directives Covid? À moins de deux mois des élections cantonales de mars, Blick a posé la question aux principales formations. Et vous verrez que toutes n’ont pas renoncé à la traditionnelle poignée de main électorale.
L’UDC ne bronche pas
C’est le cas de l’Union démocratique du centre (UDC). Au point que la multiplication de ses grands raouts tenus dans des salles fermées ferait presque oublier le virus apparu à Wuhan. En apparence seulement, assure son président Kevin Grangier: «Nous faisons campagne partout où il est possible de le faire, explique-t-il. Depuis le début de la pandémie, notre parti à une ligne clairement identifiable en faveur de la responsabilité individuelle. Nous avons combattu démocratiquement certaines mesures sanitaires — comme le certificat Covid — et nous respectons les directives qui ont été entérinées. Nous n’appelons pas à la désobéissance civile, bien au contraire.»
Un modus operandi qui tranche avec celui du Parti socialiste (PS). Par prudence, le parti à la rose a annulé toutes les manifestations prévues à l’intérieur dans le cadre du 24 janvier, indique sa présidente Jessica Jaccoud. Il a notamment annoncé à ses différentes sections que le port du masque est impératif «lors des actions de tractage et de récolte de signatures» et leur demande d’encourager les gens à consommer leur boisson en dehors des stands installés sur l’espace public.
Deux salles, deux ambiances. L’UDC ne prendrait-elle pas assez de précautions? «Nous respectons le cadre légal, rétorque le président de la formation bourgeoise. Et nous n’avons pas décidé de maintenir nos événements pour prendre le contre-pied de nos adversaires. Nous tenons à nos rassemblements marqués par l’amitié et la convivialité, comme lorsque nous avons offert et partagé la fondue avec la population à Lausanne pour le lancement de notre campagne. Nous cultivons le contact humain, c’est dans l’ADN de notre parti.»
Il reprend: «L’UDC ne souhaite pas revendiquer un message politique par ce biais. Mais quand nous pouvons organiser des moments conviviaux, nous le faisons en respectant les règles, sans exclure qu’il existe un risque de susciter une petite polémique dans les médias, comme c’est déjà arrivé.»
Le PLR tâtonne
Au PLR Vaud justement, le président Marc-Olivier Buffat décrit un état des lieux à mi-chemin entre le PS et l’UDC. «Nos directives se résument en une phrase: respecter le cadre légal, appuie-t-il. Malgré tout, environ la moitié des sections a renoncé à organiser un 24 janvier en présentiel. Il faut dire que l’organisation des événements est rendue compliquée. De la location d’une salle à la préparation d’un repas, rien ne peut être planifié à l’avance avec certitude. Nous suivons donc attentivement l’évolution de la situation sanitaire et nous adaptons en permanence.»
Ce n’est pas pour autant que l’Indépendance vaudoise est passée à la trappe. «Là où les événements ont été annulés, nos sections ont livré à domicile des box pour deux personnes composées de saucisses aux choux, portions de papet ainsi que d’une bouteille de vin. C’était une manière originale pour notre parti, qui chérit le coude à coude, d’aller à la rencontre de la population.»
Le Centre joue la prudence
Le Centre Vaud, dernier larron de l’alliance bourgeoise, a préféré une voie plus radicale. À l’instar du Parti socialiste. «Nous avons annulé notre événement du 24 janvier car il était prévu à l’intérieur, relate Valérie Dittli, candidate au Conseil d’Etat. Nous l’avons remplacé par un apéritif à l’extérieur car nous pensons que la prudence est toujours de mise.»
Elle enchaîne: «Alors qu’on parle d’assouplissement des mesures, il ne faut pas sous-estimer la situation. Et continuer de tout faire pour veiller au bon fonctionnement de nos hôpitaux.» Un crève-cœur? «La campagne pour ces élections cantonales est tout de même plus agréable que celle pour les élections communales l’année dernière, où tout contact était rendu impossible. Mais oui, chacun souhaite bien évidemment pouvoir retrouver le monde d’avant la pandémie.»
Les Vert·e·s préfèrent la rue au bistrot
Chez les Vert·e·s, la situation sanitaire ne changerait pas véritablement la donne. «Nous avons moins la culture du repas de soutien et des grands raouts politique que la droite, glisse Alberto Mocchi, président des écologistes vaudois. Le Covid a bien sûr freiné certaines envies d’organiser des débats ou des conférences mais il y en a quand même eu, toujours dans le respect des normes sanitaires.»
En général, poursuit celui qui est aussi syndic de Daillens, la formation préfère le grand air de la rue et des places de gare pour aborder les électrices et les électeurs. «La situation est toutefois différente dans les campagnes, où beaucoup d’événements organisés par le monde associatif ont été annulés, regrette-t-il. Ce sont des rendez-vous prisés en période de campagne qu’il faut compenser.»
«Nous ne sommes pas aux États-Unis»
Ces contacts restreints, malgré des annonces politiques renforcées sur les réseaux sociaux de part et d’autre, auront-ils des conséquences dans les urnes? La population pourrait-elle manifester moins d’intérêt pour la chose publique? Marc-Olivier Buffat confie constater deux attitudes sur le terrain: «Certaines personnes veulent aller plus vite que la musique et rattraper deux ans de restrictions en trois mois, ce qui n’est pas possible. D’autres sont plus ronchons à cause des mesures mises en place.»
Il rebondit: «La pandémie a politisé les gens, ce qui est une bonne chose. Mais qu’est-ce que cela va donner? Je n’en sais rien. On sent tout de même une insatisfaction qui pourrait se manifester par une méfiance vis-à-vis des élections et du politique. Même si en Suisse, la situation est moins marquée que dans d’autres pays.»
Alberto Mocchi estime aussi que les enjeux de ces élections «sont clairs». Toutefois, pour lui, il est inutile de s’inquiéter. «La population ne va pas moins participer que d’habitude, pronostique-t-il. Le contact avec elle a quand même lieu. Tout le monde a la possibilité de tenir des stands et les médias continuent de faire leur travail. Et soyons honnêtes: s’il y avait eu en temps normal une cinquantaine de personnes — dont une trentaine affiliée à un parti — présente à un débat entre Isabelle Moret et Vassilis Venizelos, tout le monde aurait été content. Nous ne sommes pas aux États-Unis et n’avons pas de rendez-vous monstres déterminants pour les élections. Personnellement, je m’inquiète plus des conséquences du Covid dans le domaine de la culture ou pour les restaurants…»