L’initiative du Parti socialiste vaudois (PSV) «pour un congé parental vaudois» ne suscite pas que de l’enthousiasme. Contrairement aux Verts et à différentes associations, l’alliance bourgeoise — Parti libéral-radical (PLR), Union démocratique du centre (UDC) et le Centre — rejette en bloc le texte demandant 34 semaines de congé pour les parents.
Cerise sur le gâteau: les Vert’libéraux ne voient pas non plus d’un bon œil la méthode de financement proposée par la gauche. Un affrontement féroce qui lance véritablement la campagne pour les élections cantonales de mars.
L’UDC tacle ses meilleurs ennemis
«L’idée d’un congé parental ne me déplaît pas, mais portons tout de suite la discussion là où le bât blesse, tance Kevin Grangier, président de l’UDC Vaud: qui va payer?» La proposition de financement tripartite — un tiers assumé par le ménage cantonal, le deuxième tiers par les cotisations sociales à charge des salariés et le dernier tiers par les employeurs — esquissée par la présidente du PSV Jessica Jaccoud ne le convainc pas. Tant s’en faut.
«J’aimerais moi aussi faire comme Jessica Jaccoud et me montrer très généreux avec l’argent des autres pour assurer l’élection de mes candidats, s'étrangle l'homme fort de l'UDC Vaud. Mais elle doit maintenant avoir l’honnêteté de dire quelles charges de l’Etat elle est prête à couper pour financer son projet.»
D’après Kevin Grangier, cette proposition s’en prend «deux fois au porte-monnaie des gens»: «Une fois en prélevant sur les salaires et une fois en prélevant sur les impôts, assène-t-il. Ce projet, c’est la double peine pour les gens qui travaillent, même la triple peine pour les petits indépendants.»
Le PLR dénonce une fumisterie
Du côté du PLR, on estime que l’initiative socialiste fleure bon le stratagème électoral. «C’est un pavé lancé dans la mare à deux mois des élections, alors que tous les partis sont favorables à un congé parental sur le principe, argumente Quentin Racine, vice-président de la formation positionnée à la droite du centre. À part pour trouver un sujet de discussion sur les marchés, on comprend mal l’objectif du PSV.»
Pour lui, les négociations entre partenaires sociaux sont plus que jamais nécessaires: «Des discussions doivent avoir lieu entre les milieux patronaux et les syndicats: ce n’est pas aux politiques d’imposer unilatéralement des mesures aussi lourdes, insiste-t-il. Et comment peut-on parler de participation de l’Etat via la facture sociale alors que les communes sont déjà mises sous pression? C’est irresponsable de balayer la question en assurant que d’ici à ce que l’initiative aboutisse potentiellement, la situation sera apaisée.»
Le Centre veut… centraliser
Au Centre, parti autoproclamé de la famille, la présidente Valérie Dittli dit soutenir «à 100%» l’idée d’un congé parental. Mais pas la voie proposée par le PSV. Celle qui est par ailleurs candidate au Conseil d’Etat critique elle aussi la méthode de financement prévue par l’initiative. Plus globalement, elle n’est que peu sensible aux arguments de Jessica Jaccoud, qui affirmait sur notre site que «l’impulsion doit venir des cantons» puisque «les choses se font rarement avec une Confédération ambitieuse et progressiste sur les questions sociales».
«Je connais l’histoire mais je suis beaucoup plus favorable à une solution nationale, glisse-t-elle. Nous avons invité Madame Jaccoud devant notre comité pour qu’elle présente son initiative et nous sommes parfaitement d’accord avec ses idées, mais pas avec la manière dont elle souhaite les réaliser. Payer une telle mesure via la facture sociale n’est tout simplement pas une proposition réaliste.»
Elle rappelle en outre que la Confédération a lancé une étude pour analyser tous les moyens de financement possibles pour un congé parental centralisé et que les jeunes du Centre suisse vont démarrer un sondage. Objectif: connaître le nombre de semaines de congé souhaité par la population. «À terme, notre but est dans lancer une initiative fédérale, reprend Valérie Dittli. Nous devons bien sûr aller plus loin qu’aujourd’hui mais le projet de la gauche n’est pas le bon.»
Les Vert’libéraux sortent l’Etat de l’équation
Même son de cloche chez les Vert’libéraux, qui ne font pas partie de l’alliance bourgeoise. «Nous préférons le texte d’initiative cantonale déposé par nos collègues genevois, qui demandent un congé parental de 24 semaines et dont le financement serait uniquement assuré par les employeurs et par les employés», avance Graziella Schaller, députée et cheffe de groupe au Grand Conseil vaudois.
Celle qui est aussi candidate au Conseil d’Etat aux côtés de Cloé Pointet et de Jerome De Benedictis renchérit: «Cela peut surprendre qu’un parti de droite demande que les employeurs mettent encore plus la main au porte-monnaie qu’actuellement, sourit-elle. Mais le financement via la facture sociale n’est aujourd’hui pas envisageable dans le canton de Vaud».
Toujours selon elle, des solutions doivent être trouvées avec les milieux patronaux «qui ont encore quelques progrès à faire en la matière». «Nous devons les convaincre que le marché du travail a tout intérêt à ce que les femmes aient envie d’avoir des enfants et puissent ensuite retrouver leur emploi dans de bonnes conditions, appuie-t-elle. Et permettre au père de faire sa part du travail après la naissance y participera.»
Le Parti socialiste et ses alliés ont maintenant jusqu’au 16 mai pour récolter 12’000 signatures. Une tâche qui ne devrait a priori pas être trop ardue, malgré la vive opposition de tous les partis centristes et de droite. Et l’idée pourrait faire tache d’huile en Suisse romande. Les camarades fribourgeois réfléchissent à lancer une initiative similaire, relate «Frapp», le média local numérique.