L'accord bilatéral négocié entre la Suisse et l'Union européenne (UE) mettrait en péril la protection des salaires et le service public, estime l'Union syndicale suisse (USS) dans une résolution adoptée vendredi, en même temps que l'autre faîtière syndicale Travail.Suisse. Avant d'adopter sa position définitive, elle exige une série de nouvelles mesures.
«L'accord affaiblit la protection des salaires. Il faudra y remédier et négocier ferme», a déclaré le président de l'USS Pierre-Yves Maillard devant l'assemblée extraordinaire des délégués. «Sans mesures compensatoires fortes en matière de politique intérieure, Travail.Suisse n'acceptera en aucun cas le résultat négocié», a estimé de son côté Adrian Wüthrich, président de la seconde faîtière syndicale, dont le comité était aussi réuni vendredi.
Plusieurs problèmes
La caution à charge des entreprises a par exemple pratiquement disparu, critique l'USS. Il sera bien plus difficile, sinon impossible, de percevoir des amendes à l'étranger. L'interdiction d'offrir des services en Suisse, «qui empêche à ce jour entre 500 et 1000 entreprises hors-la-loi et non coopératives de sévir en Suisse», est également sur le ballant, juge la faîtière syndicale.
La «réglementation européenne des frais» est particulièrement problématique, puisque les entreprises étrangères auraient à couvrir en Suisse les frais d'hébergement et de repas selon les barèmes en vigueur chez elles. Outre le manque à gagner pour les travailleurs, il en va aussi de leurs conditions d'hébergement et de leur sécurité au travail, critique l'USS.
Non à une libéralisation
L'USS dénonce par ailleurs la libéralisation du marché de l'électricité. En lieu et place d'un approvisionnement de base garanti, il ne resterait aux ménages et aux petites entreprises qu'un modèle bancal «offrant la liberté de choix». Le service public intégral en serait sérieusement affaibli. La stabilité des prix à long terme disparaîtrait pour les petits clients et les gestionnaires de réseau de distribution n'auraient plus aucune sécurité de planification.
L'USS s'oppose également à l'ouverture du transport ferroviaire international de voyageurs, qui mettra sous pression le système suisse de transports publics. Il s'agira donc de veiller au respect des garanties négociées par la Suisse sur le respect des conditions de travail, la priorité de l'horaire cadencé ou les exigences en matière d'intégration tarifaire.
Discussions à venir
L'USS arrêtera sa position définitive sur l'accord avec l'UE lors d'une nouvelle assemblée, après les discussions de politique intérieure et après les débats parlementaires. Dans cette optique, elle met sur la table une série de mesures indispensables à ses yeux.
La faîtière syndicale exige notamment que seules les entreprises versant des salaires corrects puissent recevoir des commandes. Les donneurs d'ouvrage utiliseront à cet effet les informations sur les contrôles de salaires disponibles en ligne. En outre, la Suisse devrait introduire un régime de responsabilité du maître d'ouvrage.
Des instruments plus contraignants doivent également être instaurés pour assurer le respect des salaires dans les entreprises «douteuses». Pour ce faire, il doit revenir à l'entrepreneur principal de régler les amendes pour ses sous-traitants s'il n'a pas vérifié au préalable que ceux-ci versent des salaires suisses.
Le traitement des annonces de travail détaché par les cantons doit être accéléré en faisant en sorte que les commissions paritaires accèdent directement aux annonces. Les frais en vigueur en Suisse doivent par ailleurs être remboursés aux travailleurs, un point que devra renégocier le Conseil fédéral. Si cela n'est pas possible, cette règle devra expressément figurer dans les lois suisses.
Pour l'USS, il faut aussi adapter aux réalités actuelles les conditions de déclaration de force obligatoire des conventions collectives de travail (CCT). Elle dénonce en particulier le quorum bien trop élevé des employeurs.
Améliorer le travail temporaire
Le syndicat souhaite également mettre en place de meilleures conditions d'engagement et des garde-fous dans le secteur du travail temporaire. Les travailleurs s'engageant pour les droits de leurs collègues doivent aussi être mieux protégés contre le licenciement.
L'USS soutient enfin la proposition du Conseil fédéral de traiter séparément le dossier de l'électricité; un secteur qui ne doit pas être libéralisé. Quant à la possible ouverture du transport ferroviaire international de voyageurs, la faîtière syndicale exige que la Suisse puisse mettre en œuvre en toute autonomie les garanties négociées.
Dans ce secteur, le modèle de coopération doit rester possible, l'intégration tarifaire être dûment garantie et l'attribution des sillons rester en mains suisses. Enfin, les conditions de salaire et de travail en vigueur en Suisse doivent être garanties en tout temps.
Lors de la présentation des résultats des négociations fin décembre, le Conseil fédéral s'était montré convaincu d'avoir trouvé une bonne solution en matière de protection salariale.