Faut-il systématiquement montrer patte blanche, lorsqu’on prend sa carte dans un parti politique? Et en particulier à l’Union démocratique du centre (UDC)? C’est ce que Blick a voulu savoir, à la suite des dernières révélations quant aux casseroles du nouveau président de la section genevoise de l’UDC, Lionel Dugerdil, que son groupe ignorait en partie, de toute évidence. Car, à l’heure actuelle, il n’y a aucune obligation de présenter un extrait de casier judiciaire, lorsqu’on se porte candidat à la présidence de l’UDC Genève. Mais cela pourrait bientôt changer.
Les présidents d’autres sections romandes du parti conservateur ont accepté de nous expliquer comment fonctionnent leurs processus de recrutement, en guise de comparaison. Spoiler: chacun fait un peu comme il veut, en réalité, faute de directives générales au niveau national. Un membre d’un comité directeur romand a également accepté de commenter directement (mais anonymement) le cas Dugerdil.
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Un comité d’éthique à Genève?
Pour rappel, le jeudi 1ᵉʳ février, nous dévoilions que Lionel Dugerdil, viticulteur, député au Grand Conseil depuis le printemps passé et président de l’UDC Genève depuis décembre, est accusé par des membres de son parti d’avoir «menti» quant à l’ampleur de son casier judiciaire. Cela en amont de son arrivée à la présidence.
Quelques semaines plus tôt, en janvier, nous relations une histoire que la direction de l’époque — avec la conseillère nationale et vice-présidente de l’UDC Suisse Céline Amaudruz à sa tête — semblait en effet ignorer. En 2020, le viticulteur a frappé un promeneur avec une fourche jusqu’au sang. Il a été déclaré coupable de lésions corporelles simples, ainsi que de dommages à la propriété d’importance mineure, et condamné avec sursis. Deux autres démêlés avec la justice, révélés l’année dernière sur nos plateformes, seraient également au compteur du politicien.
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Après toutes ces mésaventures, la puissante conseillère nationale a affirmé, dans un courrier que nous avons pu consulter, qu’elle souhaite revoir les «lignes directrices de [la] section encadrant les candidatures [au] comité». Objectif: «Éviter de [se] trouver, à l’avenir, confrontés à des situations telles que celle qui vient [les] compromettre».
«L’autorité du président»
Autrement dit, il s’agirait de créer une sorte de «comité d’éthique», qui scruterait les nouvelles candidatures. Celles aux élections, mais aussi aux postes à responsabilité à l’interne, d’après des membres genevois du parti que nous avions interrogé. Cela pour éviter les mauvaises surprises et, par extension, les conflits internes.
Contactée, une personne issue d’un comité directeur d’une section romande de l’UDC, qui n’a pas souhaité être nommée pour pouvoir s’exprimer librement, tacle le «cas Dugerdil». Pour notre interlocuteur, si on cache des casseroles avant d’arriver à un poste à responsabilité en politique, il ne faut pas s’étonner si cela tourne au vinaigre: «L’autorité du président dépend de la confiance qu’il détient auprès de ses élus. Dans mon canton, si le président était en guerre avec nos élus (ndlr: en référence aux accusations contre Lionel Dugerdil), je ne vois pas comment il pourrait rester en place…»
Vaud s’est doté d’une «commission»
Créer un organe de contrôle pour trier les nouveaux venus, au sein d’un parti, n’est pas vraiment une idée révolutionnaire. Les UDC vaudois se sont dotés d’une «commission d’éthique» il y a quatre ans, par exemple. À l’origine? Entre autres, une «affaire», celle de l’UDC Yves Ravenel, qui avait démissionné du Grand Conseil vaudois et de sa présidence entre 2019 et 2020, après les révélations quant à une condamnation pour menace envers son ex-femme.
Le président de la section, Kevin Grangier, explique, à l’autre bout du fil, que cette «commission» sert «à la fois à traiter des litiges entre nos membres, lorsque cela arrive». Mais aussi à gérer «les formalités propres aux dépôts de candidatures aux élections cantonales, fédérales, au comité directeur et à la présidence de la section cantonale.»
Scrutés par des «vieux sages»
Comment ça marche, concrètement? «Chez nous, cette commission est composée de cinq membres, qui ne doivent pas occuper d’autres fonctions politiques que celle-ci, précise le vaudois. C’est-à-dire pas de députés, pas de conseillers nationaux ou aux États, pas de membres du comité central du parti», mais plutôt des «vieux sages, qui ont un peu de bouteille et une autorité naturelle».
L’organe n’a, en revanche, jamais vraiment le dernier mot. «Au final, cette commission d’éthique émet des préavis, et cela permet autant de protéger les personnes que le parti, avance le président. Les gens qui reçoivent un préavis négatif peuvent ainsi bien mesurer s’ils veulent maintenir, ou non, leur candidature. Je ne peux que recommander à tous les partis de se doter d’un tel outil!»
«Mécanismes de contrôle» à Neuchâtel
Du côté de Neuchâtel, c’est encore un autre système. Le président de la section cantonale, Niels Rosselet-Christ, détaille: «Nous n’avons pas de 'comité d’éthique' à proprement parler. Néanmoins, nous appliquons des mécanismes de contrôle dans le cadre de nos élections, et ce, à tous les échelons!»
Mais encore? «Les candidats — que ce soit aux élections cantonales, fédérales ou internes — doivent automatiquement fournir un extrait de casier judiciaire, daté du moment où on le demande», explique ce communicant de profession.
Le conservateur ajoute: «Nous n’accepterions pas un extrait qui date d’il y a trois mois ou plus, par exemple (ndlr: le genevois Lionel Dugerdil est, entre autres, accusé d’avoir supposément fourni un extrait de casier pas à jour pour les élections cantonales). Dans certains cas, nous demandons également un extrait du registre des poursuites, et une attestation des impôts, qui prouve que les paiements sont à jour.»
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Du cas par cas
Niels Rosselet-Christ nuance cependant: avoir un casier judiciaire ne veut pas automatiquement dire qu’on peut tirer une croix sur une carrière politique à l’UDC. «Si, par exemple, un candidat à une élection a une inscription de longue date au casier, pour un délit très mineur, nous estimons que nous pouvons passer l’éponge», glisse-t-il.
Mais cela reste du cas par cas. Le président précise encore: «Au contraire, si un candidat a été condamné par la justice pour avoir, disons, tabassé quelqu’un, on risque en effet de refuser sa candidature. Dans tous les cas, nous sommes rigoureux dans nos procédures!»