L'impôt minimal sur les multinationales divise
Karin Keller-Sutter accusée de s'en prendre à l'économie suisse par les lobbys

La ministre des Finances Karin Keller-Sutter n'a pas cédé au lobbying de l'économie. Dès l'année prochaine, les multinationales devront payer plus d'impôts. Economiesuisse ne cache pas son mécontentement et déplore une mesure contre l'intérêt de l'économie suisse.
Publié: 23.12.2023 à 19:05 heures
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Le Conseil fédéral, réuni autour de la ministre des Finances Karin Keller-Sutter, a décidé de faire entrer en vigueur l'imposition minimale de l'OCDE en 2024.
Photo: keystone-sda.ch
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Sermîn Faki

C'est désormais chose faite: à partir de 2024, la Suisse imposera les grandes entreprises multinationales plus strictement. Le Conseil fédéral a annoncé l'entrée en vigueur de la réforme de l'imposition minimale des entreprises de l'OCDE et du G20 au 1er janvier prochain. 

Selon les règles de l'Organisation de coopération et de développement économiques, les grands groupes internationaux qui réalisent un chiffre d'affaires de plus de 750 millions de dollars devront à l'avenir payer 15% d'impôts minimal sur les bénéfices.

Mais la nouvelle fait rage dans les milieux économiques. «La Confédération introduit, sans nécessité, un désavantage pour l'économie suisse. En cas de report, nous n'aurions pas eu de problèmes avec l'étranger», déclare Frank Marty, chef des finances et des impôts de l'association faîtière de l'économie Economiesuisse. «Il s'agit seulement d'une augmentation à froid des impôts.»

Pas dans l'intérêt de l'économie suisse

La Constitution fédérale prévoit que le Parlement applique l'imposition minimale pour «préserver les intérêts de l'économie suisse dans son ensemble», précise Frank Marty. «Mais cette mesure prévue pour 2024 va totalement à l'encontre de cet objectif.»

Pourtant, ces dernières semaines, l'économie suisse avec un grand E a tout fait pour repousser l'introduction de cette réforme. Selon nos informations, ce sont surtout les deux groupes pharmaceutiques Roche et Novartis qui ont fait du lobbying massif dans l'espoir d'un report. Car cette réforme fiscale leur coûtera particulièrement cher. Mais la ministre des Finances Karin Keller-Sutter ne s'est pas laissée impressionner.

Les filiales suisses ne verront pas la différence

Cette mesure est-elle un nouveau caprice de l'élève parfait qu'est la Suisse? La Confédération répond par la négative. Selon ses dires, les conditions sont remplies et cette réforme fait sens aujourd'hui: «D'après nos dernières informations, des Etats européens importants comme l'Allemagne, l'Italie, la Grande-Bretagne, l'Irlande, la France et probablement aussi le Luxembourg commencent aussi à adopter cet impôt», explique le porte-parole de KKS, Pascal Hollenstein.

Certaines entreprises seraient tôt ou tard passées à la caisse. C'est le cas des filiales suisses des groupes étrangers. «Si la Suisse y avait renoncé, les filiales suisses des groupes de ces États y auraient été imposées.» Autrement dit, certaines entreprises suisses ne verraient pas la différence entre payer leur impôt ici ou à l'étranger. Mais la Suisse, elle, perdrait d'énormes recettes fiscales. Plus précisément la moitié des 1 à 2,5 milliards de francs estimés que la réforme devrait rapporter à la Confédération.

Les entreprises suisses en souffriront

Pour les groupes suisses actifs sur le plan international, la situation est différente. Roche et Novartis en sont des exemples. Les experts de la Confédération précisent toutefois que la plupart des autres Etats prévoient l'entrée en vigueur de la réforme fiscale pour 2025. Il n'y aurait donc qu'une année de battement.

Cet argument n'est pas du tout apprécié par Frank Marty. Dire qu'il ne s'agit «que» d'une année, c'est «tout de même nonchalant. Il s'agit tout de même de savoir si les entreprises devront payer 1,5 milliard de francs d'impôts en plus cette année», se désole le chef des finances d'Economiesuisse.

Besoin des puissances mondiales

Le responsable fiscal doute que la réforme de l'OCDE prenne vraiment son envol. De grands points d'interrogation sont de mise, selon lui. Les trois quarts des 140 pays qui ont adhéré à la réforme fiscale ne l'introduiront que plus tard – ou pas du tout. «Ni les Etats-Unis ni la Chine ne font d'efforts pour adopter la réglementation.»

Et sans ces puissances économiques, une application mondiale sera difficile. Reste à savoir qui aura raison à la fin de l'histoire. Ce qui est certain du moins, c'est que les relations entre la politique et l'économie sont, pour l'instant, glaciales.

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