Le modèle de réussite menacé
La population a de moins en moins confiance dans le modèle économique suisse

Les Suisses ont de moins en moins confiance en leur économie. Les résultats des dernières votations tendent à le prouver. L'étude «Nous, l'économie» dévoile les principales préoccupations des citoyens et les pistes d'améliorations possibles.
Publié: 27.05.2024 à 11:10 heures
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Dernière mise à jour: 27.05.2024 à 11:40 heures
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L'économie nous concerne tous: la conseillère fédérale Karin Keller-Sutter s'adresse aux participants de l'étude «Nous, l'économie».
Photo: Benjamin Hofer (zvg)
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Christian Kolbe

Le modèle économique de réussite suisse est menacé, de l'intérieur comme de l'extérieur. De l'extérieur, car de plus en plus de pays se ferment économiquement et imposent parfois des droits de douane élevés sur les produits importés. Le protectionnisme croissant menace le libre-échange dont dépend la petite économie ouverte qu'est la Suisse.

De l'intérieur, car la population suit de moins en moins les recommandations des associations économiques. La formule «ce qui est bon pour l'économie est bon pour la Suisse» trouve de moins en moins d'écho. Cela s'est ressenti avec l'acceptation récente de la 13e rente AVS, une adhésion populaire susceptible de se répéter le 9 juin avec les votations sur le système de santé.

Scepticisme et craintes

Le fossé entre l'économie et la population risque de se creuser encore davantage. L'experte Heike Scholten a souhaité en savoir plus sur les raisons de cette situation: «La thèse selon laquelle l'économie perd les votations parce que la population est hostile à l'économie est trop simpliste», affirme cette spécialiste en sciences sociales et entrepreneuse. Elle a donc lancé le groupe de travail «Nous, l'économie» pour connaître le rapport qu'entretient la population avec l'économie. «Nous avons formé une mini-Suisse avec 70 personnes sélectionnées et nous avons passé une journée à parler d'économie», explique-t-elle.

L'évaluation a été réalisée sur la base de 21 discussions en groupes et sur près de 1900 minutes d'entretien. Résultat: la population n'est certes pas hostile à l'économie, mais elle semble marquée par le scepticisme et les craintes. La perte de bien-être et la baisse de la qualité de vie sont au centre des préoccupations. 

Un cas particulier

Point central, les Suisses se sentent très attachés à leur pays et exigent la même chose de la part des entreprises. Les menaces de délocalisation de grands groupes suisses, régulièrement exprimées, sont mal perçues par la population. Il en va de même pour les sociétés boîtes aux lettres qui génèrent certes des revenus, «mais qui ne sont pas présentes par ailleurs dans les communes», peut-on lire dans le rapport d'une discussion.

«Les gens sont fiers de la Suisse et de son modèle de réussite, explique Heike Scholten. Ils savent que nous sommes un cas particulier sur le plan économique et politique.» Un cas particulier qui garantit la prospérité et la qualité de vie.

Une économie mondialisée est centrale pour le succès de notre petite économie ouverte. Toutefois, celle-ci doit également être juste et équitable à l'échelle mondiale. Les participants à l'étude l'indiquent d'ailleurs clairement: les entreprises doivent assumer la responsabilité de la mise en œuvre et du respect des droits de l'homme et des normes environnementales, être des employeurs modernes et placer les personnes au centre de l'activité économique.

Peur de l'avenir

Le marché du travail est ainsi un thème qui revient régulièrement dans les discussions. «Les thèmes liés au marché du travail sont source d'inquiétude, tant au niveau personnel que social, poursuit Heike Scholten. Il en va de la confiance dans les moyens de subsistance personnelle.» C'est pourquoi ils sont nombreux à considérer qu'il est du devoir des employeurs de veiller encore davantage à la conciliation entre la vie familiale et professionnelle, au maintien des travailleurs âgés ou encore des salaires suffisants pour vivre. 

L'étude montre que de nombreuses personnes sont préoccupées par l'avenir, notamment par leurs vieux jours. La stagnation des salaires et l'augmentation du coût de la vie conduisent à un élargissement de l'écart entre les riches et les pauvres et à la disparition de la classe moyenne. Même si l'économie ne peut pas dissiper toutes les craintes, il est important qu'elle prenne au sérieux les soucis et les besoins de la population. Pour que la confiance dans le modèle de réussite suisse puisse à nouveau croître.

Ce qui est vraiment bon

Fait intéressant à relever, beaucoup ne comprennent pas «l'esprit cantonal» en matière d'impôts, si souvent mis en avant par les politiques. La différence de charge fiscale pour un même revenu selon le canton et la commune est incompréhensible pour les personnes consultées. 

Mais comment agir? «Sans une bonne économie, pas de bonne société, résume Heike Scholten. Toutefois, nous devons débattre de la définition-même d'une bonne société, sur la base de faits et d'informations.»

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